Évanescence 13
Dans un endroit reculé du District-2.
Clayd est là, dans sa voiture garée dans un petit parking d'un quartier rempli de petits appartements. De la fumée sort de la vitre gauche du véhicule, il fume, plongé dans ses pensées les plus profondes. Dans une brume de fumée, une ombre apparaît petit à petit, avançant vers lui. Clayd peine à la distinguer.
Une fille apparaît subitement à sa portière droite, toquant à la vitre.
Il reconnaît Bertille, habillée de façon discrète.
Ouvrant la porte, elle se faufile dans la voiture, enlève sa capuche, lâchant un grand soupir.
Clayd tourne la tête en la regardant d'un air suspicieux.
— Est-ce qu'il t'est arrivé quelque chose ?
— Rien de bien grave, dit-elle en relâchant un autre soupir, celui-ci plus léger.
— Dis-moi... Tu es stressée ?
Elle écarquille les yeux, avec un petit rictus, un léger sourire sur les lèvres.
— Ah ?! Euh... Non... J'ai... Mmh... Non, laisse tomber.
Clayd tourne la tête en regardant face à lui.
— Tu ne t'attendais pas à ce que j'accepte ta demande ? murmure-t-il.
Bertille, gênée, essaie de garder son calme.
— En fait... C'est surtout que... ça fait plaisir de discuter avec quelqu'un de l'extérieur. Je me suis toujours demandé comment c'était, à l'extérieur du dôme... murmure-t-elle.
À ce moment-là, je ne savais pas trop quoi répondre. Après notre discussion tout à l'heure, je me suis rendu compte que j'avais une gamine à côté de moi qui a vécu des choses tout aussi horribles. Mais ce qui m'intrigue, c'est que je peine à penser, depuis tout à l'heure, qu'elle...
Qu'elle ressemble à elle...
Ça peut paraître étrange, mais cette jeune fille inspire à l'espoir d'un monde qui n'est peut-être pas encore mort.
Et pourtant...
Clayd fixe la route, rétorque d'une voix calme.
— Garde cette imagination que tu as pour l'extérieur.
Bertille penche la tête, fixe les yeux de Clayd. Elle marque un léger petit sourire en coin, bien caché du regard.
— On doit aller où exactement avant ?
Bertille sort un petit boîtier étrange de la poche de sa veste. Clayd tourne les yeux, regarde cette étrange boîte.
— C'est quoi ? murmure Clayd.
— Un N.R-BOX. Tu connais pas ? dit-elle, étonnée.
— Désolé, j'en ai aucune idée de ce que c'est, murmure-t-il.
Bertille penche le boîtier près de Clayd.
— C'est un boîtier considéré comme un dispositif de communication clandestine, en gros c'est pas légal ici, tu t'en doutes. Du coup, ça me permet de faire de la communication hors réseau actuel. Tu vois le genre ?
— En gros, il utilise des fréquences abandonnées ? C'est ce que tu es en train de me dire ? glisse Clayd.
— Oui, c'est ça ! Et en plus, cette boîte est aussi capable d'empêcher les IA de traquer son signal sans une clé d'accès spécifique.
Le visage de Clayd commence petit à petit à changer d'expression. Il ressent étrangement un profond mal-être qui le submerge.
— Attends... Tu l'as trouvée où ? dit-il d'une voix presque tremblante.
Bertille tourne la boîte de l'autre côté.
— Euh... on me... dit-elle, avant de se faire couper net.
— Attends, Bertille, marmonna Clayd.
Clayd remarque instantanément une gravure discrète, une sorte de symbole qu'il commence à reconnaître.
Il prend rapidement la boîte des mains de Bertille, et commence à la regarder de plus près. Il fut choqué de ce qu'il voit.
— Putain de merde, je rêve... dit Clayd d'une voix rauque.
Il fixe inlassablement la boîte, car la marque lui rappelle un sombre passé.
— Elle possède une double couche de cryptage...
Bertille, surprise, s'approche de Clayd pour regarder.
— Ça veut dire quoi ? dit-elle, curieuse.
Clayd, les mains tremblantes, retourne dans tous les sens la boîte au métal noir.
— Je... Putain... Où as-tu trouvé ça ? balbutia Clayd.
— Un homme très sale qui traîne régulièrement à la frontière du District-4 me l'a donné... Mais j'aimerais savoir, ça veut dire quoi, ton truc ? Je comprends pas.
— D'où je viens, on appelle ça un Voxelium... Une fragmentation entropique. Mais c'est complexe comme système... En tout cas, tu possèdes quelque chose d'extrêmement dangereux entre tes mains. Tu risques des problèmes... Depuis quand tu le possèdes et combien de fois l'as-tu utilisé ?
Bertille pose son index sur sa lèvre inférieure, en pleine réflexion.
— À peine une semaine. Et je l'ai même pas utilisé, car je sais pas réellement m'en servir. Je voulais te le montrer. Mais visiblement, tu as l'air de connaître... ça vient de l'extérieur ? laissa-t-elle échapper.
— Cette boîte te permet d'utiliser l'ancien net... dit Clayd.
— J'en reviens pas... Comment j'ai pu oublier... souffla-t-il à lui-même, dans ses pensées.
Ses mains se serrent fortement sur le boîtier, il tremble de plus en plus.
— Oh ! Tu vas le casser ? hurla-t-elle, paniquée.
Clayd reprend brutalement ses esprits. Il pose la boîte sur le tableau de bord de la voiture.
— Bon... c'est parti, on y va, voir tes collègues ? murmure-t-il.
— Ok... dit-elle d'une voix calme.
Bertille regarde la boîte pendant de longues secondes, puis ils partent en direction d'une destination inconnue avec Clayd.
Quelques minutes plus tard, Clayd et Bertille arrivent à destination, un grand quartier du District-2 : le quartier des Faroches. Un nom pas très rassurant.Dans le véhicule, Clayd enlève les mains du volant, prêt à sortir.
— C'est quoi cet endroit exactement ? murmure Clayd.
— C'est un endroit... euh... comment expliquer exactement... souffla-t-elle plus pour elle-même.
— J'ai l'impression que c'est hors du monde ici. Je comprends pas, tu cherches à me montrer qui, franchement, ici ? dit-il, la gorge sèche.
Clayd regarde sa montre, qui est étrangement éteinte. Il essaye de l'allumer, mais en vain, elle ne fonctionne plus.
— Ça sert à rien de t'acharner sur ta montre. Ici, l'endroit est hors réseau. Aucune IA officielle ne fonctionne. En tout cas, c'est ici que se trouve celui qui va nous aider, murmure Bertille.
— Il est où, ce type que tu connais ? souffla Clayd.
Bertille pointe du doigt la direction en face d'elle.
— C'est juste en face, à 200 mètres. Il tient un atelier de réparation mécanique pour les plus démunis, mais pour les clandestins aussi. Après ça, il faut pas le dire bien sûr, mais je te fais confiance, dit-elle d'une voix empreinte de sincérité.
Plus la voiture avance, plus Clayd remarque quelque chose d'étrange dans cet endroit. Il aperçoit des murs gravés, et pourtant, le quartier semble mi-propre, mi-sale. Un contraste plutôt bizarre.
Il remarque un bras robotique rouillé dépassant du toit, oscillant légèrement au gré du vent.
La voiture s'arrête sur un petit parking très proche de l'atelier. Bertille retire sa ceinture, mais Clayd l'interpelle.
— Avant de sortir, j'aimerais que tu me parles du type que je vais rencontrer, dit-il d'un ton froid et sec.
Bertille, la main sur le bouton pour ouvrir la portière, regarde Clayd.
— Il s'appelle Nirtch Al Varn, c'est un ancien technicien qui a servi à l'armée d'Oculus City pendant la guerre. Depuis, il est exilé restent silencieux depuis bien longtemps. Il communique avec peu de monde. Je suis l'une des rares personnes qui peut le voir et discuter avec lui de tout et de rien, c'est à ma connaissance le seul capable de réparer des corps cybernétisés sans aucune trace visible dans les bases de données officielles du Lys Brisé. N'écoute pas les rumeurs sur lui... laissa-t-elle échapper en se grattant le bras.
Clayd tourne la tête en regardant Bertille.
— C'est quoi, les rumeurs sur lui, s'il te plaît ? murmure-t-il.
— Des rumeurs disent que le magasin redonne vie à ceux qu'on croyait morts, en greffant des morceaux de conscience dans des implants chelous. D'autres prétendent que le gérant fabrique ses propres êtres hybrides, et les envoie dans la brume noir pour faire des tests sur leur résistance. Voilà les rumeurs bizarres qui tournent. Mais ne les crois pas, s'il te plaît. Y'a rien de vrai, j'en suis persuadée... dit-elle, le regard perdu.
— Allons-y... souffla Clayd.
Clayd ouvre la portière et sort de la voiture. Bertille fait de même.En marchant en direction de l'atelier, Clayd, les mains dans les poches, fixe le ciel qui commence à passer au gris. De plus en plus de nuages apparaissent.
Bertille, un peu derrière Clayd, s'arrête de marcher et regarde fixement devant elle, voyant Clayd continuer sa marche.
Elle pense... mais à quoi exactement ?
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