Clayd s'approche, pas lents, devant la porte métallique de l'atelier. Elle est rouillée et cabossée, couverte de marques illisibles. Un écran bancal grésille au-dessus :

RÉPARATION MÉCANIQUE HORS-RÉSEAU  ENTRÉE INTERDITE AUX AGENTS DU LYS BRISÉ ET TOUT AUTRE ÉTRANGER.

Il pousse lentement la porte. Un grincement strident résonne. L'intérieur est sombre, faiblement éclairé par des lampes au néon suspendues, dont la lumière vacille lentement. L'odeur d'huile usée, de câbles brûlés et de métal fondu emplit l'air, qui est déjà un supplice.

Des carcasses de drones désossés, des membres cybernétiques entassés par dizaines, des écrans allumés et d'autres au sol débranchés, des organes synthétiques à moitié vivants dans des étagères recouvertes de buée, tout est là, dans un désordre étroitement funèbre.

Clayd garde sa main bien dans la poche, proche de son arme cybernétique. Bertille, quant à elle, entre derrière lui, plus à l'aise, un visage doux.

Elle ferme la porte lentement en signe de respect.

— Nirtch ? Tu es là ? C'est moi, Bertille !

Un silence. Puis un raclement métallique au fond du hangar.

Une silhouette émerge lentement : grande, sèche, silhouette vaguement voûtée, habillée d'un long manteau en toile renforcée, taché d'huile et de sang probablement séché. Des lunettes de soudure reposent sur son front.

Son visage est marqué, mâchoire cybernétique partielle, œil gauche remplacé par un capteur multifonction greffé dans la profondeur de l'os. Ses cheveux longs et secs montrent un homme souillé par le temps. Il est là, devant eux, à les regarder. Sa taille imposante montre une certaine domination.

Clayd lève la tête, le fixe, intrigué par le physique et les équipements cybernétiques gravés sur son corps. Il comprend tout de suite que l'homme en face de lui n'est pas à prendre à la légère. En scrutant plus en détail, il remarque sur son bras gauche un tatouage qu'il connaît presque, mais l'ombre de la pièce camoufle une partie.

Bertille s'avance confiante.

— Ça fait un petit moment, Nirtch ! Com...

Nirtch la coupe nette.

— Pourquoi tu m'as ramené un étranger de l'extérieur ? Dit-il d'un ton froid et sec.

Bertille, ne sachant par où se mettre, tourne la tête de droite à gauche, les mains en l'air.

— Dis-lui qu'il lâche son arme maintenant ! Prononce Nirtch d'un ton autoritaire.

Clayd recule d'un pas, prêt à tirer à tout moment, car il comprend tout de suite qu'en face de lui se trouve un individu pas comme les autres. Il est prêt, s'il le faut, à abattre cet individu. Bertille remarque une tension étroitement lourde, essayant de calmer les choses. Étant entre Clayd et Nirtch, elle prend la parole avec un ton doux, mais une certaine peur l'anime.

— Écoutez... Euh... J'aimerais s'il vous plaît pas de problème entre vous deux ! C'est de mon plein gré que je l'ai ramené ici, Nirtch ! souffle-t-elle.

Nirtch, utilisant un scanner de son œil gauche, remarque une sorte de processeur sur le cou de Clayd. Une sorte de petite puce. Un rictus sur son sourcil droit

.Il s'apaise, prenant un ton plus calme.

— Si tu es ici, c'est pas pour rien visiblement, à ramener cet étranger dans mon atelier... Alors dis-moi, tu veux quoi Bertille ? Murmure Nirtch.

Bertille lâche un léger soupir d'apaisement, baissant ainsi ses bras.

— Vous m'avez fait peur vous deux, sans déconner...

Elle s'assoit sur un tabouret près de la grande fenêtre.

— Si je suis ici, Nirtch, c'est que...

Bertille s'arrête une seconde, la bouche semi-ouverte, puis reprend la parole.

— Cet homme est là tout comme nous deux. Il cherche à s'occuper du Lys Brisé ! dit-elle.

Clayd s'avance petit à petit, un regard pas très en accord avec les propos de Bertille.

— Écoute. Tu m'as dit que tu as des informations sur cet homme Rowl... C'est lui ma priorité...Dit Clayd.

Le regard de Nirtch ne trompe pas, il est encore plus dubitatif sur les intentions de Clayd.

— D'ailleurs j'ai un truc pour toi, Nirtch, dit Bertille d'une voix innocente.

Elle met une main dans sa veste et montre la petite boîte noire de tout à l'heure.

— Tiens Nirtch, je voulais savoir ce que tu pouvais en faire de ça ! dit-elle, pleine d'enthousiasme.

Nirtch tourne la tête, comprend tout de suite ce qu'elle possède entre les mains.

— Où as-tu trouvé ça ? souffle Nirtch, curieux.

— C'est un...

Clayd coupe brusquement Bertille.

— Tu te rends pas compte de ce que ça représente, cet objet... dit-il d'une voix ferme.

— Je sais... Mais... Je sens que j'en aurai besoin. Murmure Bertille.

— Besoin pourquoi exactement ? Tu comptes visiter le vieux net ? Aller te renseigner sur l'extérieur ? Je te l'ai dit. Vaut mieux que tu n'y touches pas... Garde ton imagination sur l'extérieur, comme tu le visualises. Tu n'es qu'une gamine... dit-il d'un ton très froid, limite méprisant.

Bertille s'avance presque tête à tête avec Clayd, une confrontation presque frontale entre les deux.

— Ne me dis pas ce que je dois faire ! Tu sais très bien pourquoi je fais ça... murmure-t-elle d'un ton calme, empli d'une froideur lourde.

Clayd remarque son regard dur, ses yeux qui pétillent, la grosseur de ses pupilles dilatées montrent un chagrin fort qu'elle ne peut cacher. Mais d'une détermination qu'elle n'est pas prête à lâcher. Comprenant que la raisonner est futile, il accepte qu'elle puisse continuer son chemin malgré l'incertitude que la suite s'annonce difficile ou non.

— Venez, suivez-moi. Je vais vous montrer quelque chose. murmure Nirtch, tournant le dos, marchant dans une autre direction de l'atelier, près d'escaliers qui mènent à un sous-sol.

Clayd et Bertille marchent côte à côte, suivant Nirtch devant eux. Il arrive devant une grande porte en métal noir rouillé. Un scanner semble projeter sur le visage de Nirtch, ouvrant ainsi la porte. Une grande salle, avec un immense ordinateur au centre, accompagné d'un très large et grand siège en cuir noir ressemblant à un siège d'opération.

Autour, des équipements cybernétiques de quasi toutes catégories. Clayd reste statique, une paralysie étrange l'envahit.

Des visions accablantes sur une table d'opération, accompagné de plusieurs personnes dont lui qui tient un corps en pleine transformation. Des visions d'horreur qui le terrifient au plus haut point. Des glitchs qui pulsaient, horrifiantes, créent des taches noires sur sa vision troublée.

De la sueur coule sur son front, sa respiration peine à s'apaiser. Sa bouche, semi-ouverte, tremblante. Il est en pleine crise d'angoisse. Il s'effondre à genoux au sol, une main qui tient son torse, sa respiration est forte. Des gouttes de sueur tombent sur le sol métallique.

Un visage totalement horrifié.

— OH ! QU'EST-CE QUI T'ARRIVE ?!

— HEY !? REPRENDS-TOI !

La voix de Bertille peine à passer les oreilles de Clayd.

— ???!!!!!?????C!!!!!??????L??!!!!!!!?!!!!???A?????!!!!Y?!!!!?????!!D!!!!!!!?????!

Et puis...

Un voile noir.