Évanescence 17

4 minutes de lecture

Dans un autre monde


Là où les lois de la réalité semblent suspendues, Clayd est allongé dans l'herbe d'un bleu outremer. Le souffle d'un vent léger fait danser les brins fins autour de lui. Le ciel, immense, paraît fait de soie en mouvement, et en face, une cataracte ruisselle, son eau si claire qu'elle reflète le monde comme un miroir parfait.

Clayd ouvre doucement les yeux, sa respiration calme, comme bercé. Il se redresse lentement, ses doigts s'enfoncent dans cette herbe qui semble vivante. À sa droite, un mur de verre se dresse, intact, lisse, immobile. Il reconnaît l'endroit. Ce n'est pas le Jardin de Néoès, non... C'est là où il allait dans ses rêves, lorsqu'il était à l'hôpital. Le lieu où la femme était apparue. Mais cette fois, il est seul.

Il se lève, pieds nus sur l'herbe froide, et s'approche de la cataracte. Il s'arrête au bord, le regard levé vers l'eau tombante. Tout est si calme. Une mélancolie douce et vertigineuse l'envahit. Il pourrait rester ici pour l'éternité. Hors du monde. Hors du temps. Mais la solitude est un mirage fragile.

Des pas derrière lui. Légers. Étroits. Une voix d'enfant.

Papa ?

Clayd se fige. Il reconnaît cette voix. Il se retourne, lentement. À quelques mètres, un jeune garçon se tient sur l'herbe. Debout. Les yeux grands ouverts, un mélange de peur et d'amour sur le visage.

— Anatole ? Murmure Clayd surpris.

Le monde de Clayd s'effondre de l'intérieur. Ses yeux s'écarquillent. Des larmes montent, incontrôlables. Son regard devient rouge, ses paupières humides, sa bouche entrouverte tremble. Ses mains se referment sur elles-mêmes. Il avance d'un pas, mais se fige.


Et si ce n'était qu'un nouveau tour de la Brume ?


— Non... Non, je tomberai pas dans ton piège... Tu m'as déjà pris assez. T'as pris Julia. Tu m'as pris moi..Murmure-t-il.

Mais Anatole ne réagit pas comme un leurre. Pas comme toutes les apparitions précédentes. Il reste humain, vivant il est ému remplis d'émotions.

Quelque chose est différent. Peut-être que Clayd est vraiment mort. Peut-être que la mort l'a enfin accepté. Alors il s'avance, pas après pas. Anatole aussi. Ils se retrouvent à portée de souffle. Clayd tombe à genoux. Il prend son fils dans ses bras, les larmes dévalant ses joues. Sa respiration devient hachée, noyée dans une joie trop forte. Il caresse le visage d'Anatole, le serre contre lui.

— T'es là... T'es vraiment là...

Il s'effondre sur l'épaule de son petit garçon.

— Pardon... Pardon mon ange... Je t'ai laissé...


Et puis...

Des pas délicats arrière lui.


Une femme apparaît, à quelques mètres. Elle porte la même robe que lors de leurs adieux. Julia. Son visage est baigné de larmes, mais son sourire est doux. Ses yeux brillent d'amour.

Tu nous avais vachement manqué, mon amour...

Clayd sursaute. Il se redresse, son fils encore contre lui. Dans un réflexe de panique, il dégaine son pistolet cybernétique. Il le pointe sur elle.

— Non... Tu vas pas encore me la voler...

Mais l'arme se disloque lentement en poussière de verre. Il la regarde fondre entre ses doigts.Julia s'avance.

Ce n'est pas ton heure, Clayd...

— Je suis bien ici ! Je veux rester... Je veux être avec vous pour toujours.

Mais Julia, elle, pleure doucement.

— Ce n'est pas notre rôle de t'arracher à ce monde. Tu n'as pas encore terminé ce que tu dois faire.

Une discussion s'engage, tendue, profonde, déchirante. Clayd supplie. Julia refuse.

Puis elle se tourne vers Anatole.

Viens, mon coeur.

Le petit le regarde encore une fois, douloureusement. Puis lâche son père, et prend la main de sa mère. Ils marchent vers le mur de verre.

— NON ! Attendez ! J'vous en supplie ! hurle Clayd.

Il court, les jambes vacillantes. Mais Julia se retourne, déploie une main, et d'un geste invisible, elle le repousse. Il vole sur plusieurs mètres, s'écrase violemment. Clayd se relève, haletant, en sang. Il court vers le mur, frappe de toutes ses forces.

— JULIA ! ANATOLE ! NE M'ABANDONNEZ PAS !

Ils se figent de l'autre côté. Julia se retourne. Son regard a changé. Il est froid. Méprisant.

Tu nous as abandonnés, Clayd. Tu nous as laissés crever, comme des chiens.

Clayd recule, abasourdi.

— Non... J'ai essayé... J'ai voulu vous protéger...

Tu n'es qu'une machine à tuer. Tu t'es vendu à eux. Tu savais ce que tu faisais. Tu as appuyé sur le bouton.

Il tombe à genoux, sanglotant, ses mains grattant le verre jusqu'à saigner.

Tu aurais dû mourir ce jour-là... Et tu sais quoi ? Je préfère ne jamais t'avoir connu.

Puis elle disparaît, avec Anatole. Avalés par la brume grise.

Clayd reste seul déchiré hurlant, ses cris se perdant dans ce monde sans écho. Il s'effondre, les mains en sang, contre le mur de verre. Sa tête basse, ses larmes tombant sur ses poignets.

Au loin une ombre le regarde immobile dans un silence brute. Une voix brise la dimension, déchire la scène comme un éclair.

— CLAYD !!!

Il ouvre les yeux brusquement.Le feu et le sang, dans un chaos total dans l'atelier. Bertille est là. Ses mains sont couvertes de sang. Elle le tient par les joues, ses yeux pleins de désespoir.

Faut qu'on parte ! MAINTENANT !!

Clayd tourne la tête voyant L'atelier de Nirtch complètement pris par les flammes de sang recouvre les murs. Des débris tombent du plafond.


Il est de retour vivant


Et  hélas.. La mort ne veut toujours pas de lui.

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