Si la mer n'existe pas (4)

2 minutes de lecture

Je comptais jusqu’à trois, car l’on ne compte pas jusqu’à deux, ou encore jusqu’à quatre, non, jamais. Et compter jusqu’à un n’aurait servi à rien. Autant ne pas compter.

Je comptais jusqu’à trois, car c’est ainsi que se transmettent les décomptes, ainsi qu’on nous les imprime, comme des supersitons, des légendes, de la même manière que peut-être on nous a conté la mer et qu'elle n’existe pas.

Je dis peut-être car je n’y crois pas encore tout à fait, parce qu’il y a une chance que ce ne soit que la voix d’un homme et quel crédit accorder à la voix d’un homme et d’un seul ? Les hommes mentent parfois, cela je le sais imprimé comme un décompte.

Je comptais jusqu’à trois, car le un deux trois a sa musique propre, pareille à nul autre décompte. Un rythme de cavalcade et de vent et que s’y murmure quelques magies.

C’est deux temps mais trois mouvements, trois coups de cuillère à pot, au triple galop, trois fois hélas, trois fois rien et donc à trois que j’ouvrais les yeux.

Je ne vis pas l’homme de suite, je vis la grande lumière blanche du soleil liquide qui s’étendait au-dessus de nous comme une flaque d’huile, pareille à la mer qu’il me semblait avoir rêvée parfois si vraiment elle n’existe pas. Un rêve de fin du jour quand le soleil décline lentement mais brûle encore et caresse lentement la surface de la mer. Il me semble même que dans ce rêve, on peut voir des étoiles nées des rayons du soleil qui scintillent sur le bord des flots selon comment on plisse les yeux ou encore de quelle façon le soleil y tombe.

Mais je ne vis pas de mer et le soleil blanc coulait sur mes pupilles si bien qu’il me fallut cligner des yeux plusieurs fois pour commencer à distinguer l’ombre de l’homme et celles plus en arrière des falaises pointes hautes.

Au bout d’un temps, enfin, je vis l’homme.

L’image nue de l’homme, et non l’image de la voix de l’homme.

Ce n’était pas du tout un homme roc de pierre comme me l’avait soufflé sa voix. C’était un homme poussière, un homme esprit et un homme colère à la fois.

Il ne dit rien tout d’abord.

Il restait là et je restais là aussi, avec entre nous un silence blanc, à peine un pas de sable de grains noirs et au milieu une petite pierre orangée et curieuse en forme de croix.

Je me disais que peut-être pouvait naître encore un troisième homme quand celui qui se tenait devant moi commencerait à parler, et de la même manière que l’homme dans la lumière avait chassé celui de la brume, ce nouvel homme chasserait l’image des deux précédents. Pour autant tous existaient un peu. De la même manière que j’existais comme un souffle dans la brume l’instant d’avant, à me tenir dans la lumière du soleil blanc maintenant, et comme j’existerai encore autrement quand nous commencerions à parler.

J’en retenais que les temps qui se succédaient élargissaient les possibilités, et que la mer pouvait exister et ne pas exister à la fois. Que si elle ne se tenait pas derrière la brume, c’est qu’il fallait la chercher ailleurs.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 7 versions.

Vous aimez lire Hel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0