9.

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Après le coucher du soleil, sans perdre de temps, j’enfilais ma chemise et mon pantalon pour me diriger d’une foulée hâtive vers la sortie du baraquement. Une belle veillée s’annonçait sous une nuit étoilée, éclairée par une lune argentée. Sur le chemin du retour, je battais la campagne et coupais des fleurs pour les offrir à Elaïa. Je ne désirais qu’une seule chose, m’allonger à ses côtés dans les talus d’herbes épaisses, qui bordaient le moulin d’Aixerrota et m’endormir dans ses bras.

Quelques chiens errants aboyaient dans la ruelle au moment où je pénétrai dans le village. Alors que d’ordinaire, les dernières charrettes cahotaient le long des réduits pavés, le Riberamune jouissait d’un calme trompeur, comme une mer assoupie. Je croisais Don Paquito qui à chaque fin de journée sommeillait sur sa chaise devant la bâtisse. Mais ce soir, le vieux pêcheur endurci gardait le visage baissé sur mon passage.

Un sentiment bizarre m’envahit, comme si tous les villageois s’efforçaient de m’éviter. Le père Orchea qui ne s’était pas rendu à l’église pour préparer la messe pascale m’observait, entouré d’un groupe de femmes. Joana s’écarta du cercle silencieux et vint vers moi. Elle me tendit les bras, me serra très fort contre elle.

— Bixente, mon fils, tu dois être courageux.

— Pourquoi me dis-tu cela ?

— Elaïa.

— Qu’a-t-elle fait ?

— C’est elle, qui a été…

— Mère, qu’essaies-tu de me dire ?

Ma mère garda le silence un court instant avant de me glisser quelques mots à l’oreille. Je ne voulus plus rien entendre ni même comprendre. Je fus saisi d’une profonde brûlure qui me barrait la poitrine et une rage puissante qui s’emparait de moi. Je m’effondrai à ses pieds et hurlai :

— Chacal ! Je te réduirai en poussière ! 

Le père Orchea et les femmes du village se hâtèrent de m’entourer tandis qu’à côté de la maison des mareyeurs, Francisco observait la scène. Il retira son tricorne. Puis, le soldat estropié s’éloigna sans bruit, en traînant la jambe.

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