2.

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2.

Il y avait maintenant six mois qu’Elaïa était morte.

Le nouveau chemin dallé, le long des falaises, suivait les escarpements rocheux jusqu’au phare de la pointe, bâti sur les ruines de l’ancien fort, à côté du cimetière. Chaque nuit, dès la sortie de la mine, je me rendais sur la pierre tombale d’Elaïa. Ce soir, j’abordai d’une allure lente le dernier virage en épingle et m’arrêtai au bas de l’escalier monumental de Nuestra Señora Del Carmen. Je me dirigeai vers le caveau, pour me recueillir et contempler le spectacle du large, lorsque je fus surpris par le bruit d’un homme essoufflé qui approchait. J’entendis le roulis de quelques galets et j’aperçus Francisco. Il vint s’agenouiller près de moi, et demeura silencieux un instant avec le visage trempé par le crachin mordant. Il retira et posa son tricorne sur la pierre.

— Bixente, je suis ici pour te parler.

— Que me veux-tu, Francisco ?

— Tu dois probablement désirer te venger, n’est-ce pas ?

— Diego est un monstre, il doit mourir.

— Non Bixente, tu dois laisser la justice militaire mener son enquête. 

— Je ne crois pas aux tribunaux de ce pays ! Les juges couvriront le meurtre d’Elaïa.

— Qu’est-ce qui te fait imaginer ça ?

— Épargne-moi ton discours, tu sais que nous vivons sous une dictature.

— La disparition d’Elaïa a bouleversé beaucoup de monde.

— Diego est un criminel.

— Oui, je suis au courant. Je l’ai vu tirer ce jour-là. Il était jaloux de toi.

— Et alors ?

— Ce misérable voulait aussi t’éliminer le jour de tes fiançailles.

— Ce gars est un monstre. Toi qui connais le prix du sang, et qui as participé à la guerre civile, dis-moi comment je dois agir ?

Francisco plaqua sa main sur mon bras.

— Tuer un homme qui vit et respire n’est pas une chose facile.

— Doutes-tu de mon courage ?

— Non, bien sûr.

— Le visage de Diego me hante chaque nuit.

— C’est une erreur à ne pas commettre. Bien au contraire, durant les combats, j’imaginais mes adversaires comme des ombres, sans pensées ni sentiments.

— As-tu eu peur ?

— Au début, oui. Mes jambes tremblaient, et ma bouche devenait soudainement sèche. Mais par la suite, lorsque j’ai vu mes amis tomber autour de moi pleins de pisses et de merde, je n’ai plus hésité et j’ai perpétrai des actes affreux, des actes dont je ne suis pas fier. Maintenant tu comprends pourquoi je te demande de renoncer à ta vengeance. En ce moment, Diego mord dans un quignon de pain rance au fond d’une cellule.

— Crois-tu que je pourrai oublier ?

— Personne n’échappe à sa souffrance. Diego est un assassin, et il paiera pour son crime. Bixente, ne te laisse pas enfermer dans la violence. Fais preuve de patience.

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