9.

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9.

J’avais raconté toute mon histoire au docteur Eneri. Nérea, émue aux larmes, avait laissé échapper sa colère.

L’église Asunción était une bâtisse avec un toit de tuiles rouge et des murs blanchis à la chaux que la pluie avait assombrie. Nichée au centre du hameau, son enceinte gardait la mémoire ancestrale des aveux arrachés par la torture à la dizaine de sorcières qui s’étaient adonnées, dans un passé moyenâgeux, aux messes noires. Les inquisiteurs, envoyés sur place, avaient inculpé les villageois de délits de magie et de maléfices. Beaucoup des personnes périrent sur le bûcher, brûlées en effigie. Seul le forgeron de la bourgade fut épargné. Depuis ces temps anciens, les habitants cultivaient le secret et se méfiaient du couple de la forge.

Quelques mois après mon arrivée, je passais mes journées aux côtés du docteur Eneri au cœur des vallées. Eneko avait décelé chez moi le goût et l’envie de soigner les malades. Il m’avait pris sous son aile, et désormais, je préparais des potions, à base de poudre de quartz et de feuilles de pissenlit fraîchement cueillies, que je mélangeais patiemment. Puis, je broyais la mixture dans un pilon et ajoutais de l’eau de la source de Jentilzubi. Ce remède contre les rhumatismes avait dessiné sa renommée.

Ce jour-là, Eneko qui travaillait toujours de plus en plus tard était revenu de Bilbao. La démarche alourdie, il fouilla dans l’armoire à la recherche d’un recueil d’antidotes. Je l’observais en retrait quand une pensée lui aiguisa le regard.

— Bixente, j’ai besoin que tu m’assistes dans les tournées. Je n’arrive plus à visiter tous les malades. Que dirais-tu de m’accompagner dans les villages et de te former à mes côtés ?

— Je ne connais rien à la médecine.

— Bixente, les meilleurs thérapeutes sont ceux qui établissent les bons diagnostics et qui sont capables de soulager leurs patients. Je t’observe depuis un grand moment. Tu as de l’habileté, je t’ai livré certains de mes secrets. Tu pourrais te jeter à corps perdu dans de longues études, rien ne pourra jamais remplacer ton intuition. Dans nos montagnes, les habitants n’ont que faire de novices diplômés sans expérience. Mes yeux faiblissent. Demain, j’aimerais que tu rendes visite au moine qui vit à l’ermitage de San Blas. L’homme ne voit que peu de monde. Je suis trop âgé pour faire un tel chemin.

Enchanté à l’idée de rendre service au docteur Eneri, je lui adressai un sourire enthousiaste. Je saisissais l’occasion de m’échapper quelques jours du village sans la crainte de rencontrer la Guardia civile dans les montagnes.

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