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Il n’était pas encore six heures du matin, lorsque Andoni se présenta au concierge de l’immeuble du 104, dans la rue Claudio Coello. Dans l’artère le froid agrippait les rares passants. Il jeta un coup d’œil par la porte entrouverte.
— Ohé ! Y a-t-il quelqu’un ?
Un concierge à l’allure paresseuse, qui ne se rasait plus depuis quelques jours, lorgna par le petit judas de sa loge. La brosse à dents coincée entre les lèvres, il laissa apparaître sa tête ronde.
— Hum !
— Bonjour, le père Pragas m’envoie.
— Vous êtes ?
— Son neveu.
L’œil gauche refermé et le droit pétillant, le gardien invita Andoni à pénétrer dans l’immeuble.
— Entrez, jeune homme, vous êtes le neveu du…
— Du père, Antonio Pragas.
— Ah, bien, et que voulez-vous ?
— Louer une mansarde, connaissez-vous le propriétaire, demanda Andoni en plaçant le pied entre la porte et le bas du châssis.
— Oui.
Le regard malicieux, la brosse à dents dans une main et l’autre qui caressait sa bedaine, le concierge enchaîna :
— Pour combien de temps ?
— Deux mois tout au plus.
— Dans ce cas, inutile d’ennuyer le bailleur, je pourrai vous laisser la pièce du sous-sol, disons… pour mille pesetas par mois.
— Parfait !
Alors qu’un large sourire fendait le visage du gardien, Andoni lui précisa :
— Nous serions cinq étudiants.
— Quelles études suivez-vous ?
— Nous appartenons à l’École Polytechnique de Zamora, près de Salamanque.
— Ah…
— Nous y découvrons l’importance du geste minutieux, celui de l’artisanat codé, un savoir-faire unique.
— Ah…
— Nous venons parfaire notre enseignement au Musée des Beaux-Arts.
— Bien, bien.
— Je m’appelle Ignacio Corte.
— Felipe Cuevas. Ici, personne ne viendra vous déranger, l’immeuble est calme.
— Mon oncle m’a déjà prévenu.
— Mais le sous-sol risque d’être à l’étroit.
— Ne vous inquiétez pas Señor Cuevas, nous prendrons nos repas à l’extérieur. Nous avions juste besoin d’un espace pour travailler.
— La cave se compose d’une grande pièce, avec une salle d’eau attenante.
— J’y ferai un saut dans la journée, pour l’heure, je dois vous laisser.
En fin de matinée, Andoni Christo nous retrouva à la pension Mariposas. Il fredonnait et se montra volubile lorsque Julen l’interpella :
— Alors ? As-tu rencontré le concierge ?
— Oui.
— L’homme, a-t-il soulevé des questions ?
— Non, comme indiqué par le père Pragas, il était trop cupide et porté sur les pots-de-vin pour se soucier de notre identité.
— Nous devrons tout de même nous méfier, le señor Cuevas est un ancien policier qui travaille aujourd’hui comme informateur pour la benemerita.
— Le concierge ne m’a pas paru futé.
— L’ennui avec ce genre d’individu vient du fait qu’il traîne, et comme tous les délateurs prend note et rapporte le moindre renseignement.

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