7.

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7.

La porte de la cage d’escalier qui menait au sous-sol du 104 émit un léger grincement en s’ouvrant. Le concierge prêta son regard par le petit judas et aperçut Andoni qui portait deux cagettes d’agrumes dans les bras. Il retourna à la cuisine, s’empara d’un cahier sur lequel il nota :

« Cinq étudiants. École Polytechnique de Zamora. Troisième semaine, l’un d’eux vient de rapporter deux cagettes d’oranges. »

Tard, dans la soirée, dans la cave, Andoni tirait sur son cigare Romeo et Julieta, à la saveur fruitée. Il comptait les balluchons de terre qui s’entassaient dans la pièce le long du mur.

— Bixente, où en es-tu ?

— En trois semaines, j’ai pu creuser le tunnel, et empiler tous les sacs remplis de déblais dans la cave.

— J’en ai compté cent quatre-vingt-douze.

— Non, tu te trompes, il y a deux cents paquets de plastique vert et bleu.

— Merde ! Je n’aurai pas cru. As-tu rejoint le milieu de la chaussée ?

— Je viens de dresser la voûte, avec trois barres d’acier en bout de la galerie. Cela devrait éviter que l’artère s’effondre sous le poids des voitures.

— Avoue que ce con de Marinetti ne sera pas capable de se faufiler dans le tunnel pour y placer les cinquante kilos de TNT.

— Qu’est-ce que tu racontes ? Le souterrain a un diamètre de soixante centimètres, même toi, tu pourrais t’y glisser.

— Ouais, mais il est tellement bête celui-là. Je n’ai jamais pu le souffrir, un vrai fou, un jour dans les bras de Camila, un autre dans ceux de Paola, et pour finir, il s’est accointé de Pepita. Cette fille paraît bizarre, elle rôde souvent autour de l’immeuble. Je suis certain que cet abruti s’est vanté.

— Je ne crois pas, sinon nous serions déjà dans les locaux de la Benemerita. Donne-moi ça, je lançai à Andoni en lui désignant une lampe de front.

— Je n’aurais jamais pensé manger des oranges durant trois semaines, balança Andoni en plaisantant !

— Julen avait raison, les agrumes, c’était plutôt bien imaginé. Nous n’avions pas besoin de jeter les épluchures, elles vont pourrir lentement.

— Ouais, si tu avais vu la tête de l’épicier, avec ses yeux ébahis, quand j’achetais les oranges par cagettes de deux.

— Pas très discret, non ?

— Bah, cela me permettait de limiter mes allées et venues et puis j’ai pu négocier le prix avec le bonhomme. De quoi me procurer quelques-uns de ces fameux cigares.

— De quoi te plains-tu, je répliquai, en désignant du doigt le Roméo à la bouche d’Andoni ?

— Tu en veux un ?

— Non, merci, il est tard, et je n’ai pas essayé ma veste.

— Un joli costume de comique, tu n’as vraiment aucun goût.

— Laisse tomber, je ripostai, en m’affalant de tout mon poids sur la chaise, qui oscillait d’avant en arrière.

Au même moment, Julen pénétra dans la pièce, accompagné de l’officier de l’OAS et d’Iban, le Galicien.

— C’est Iban qui conduira l’Austin Morris.

— Orange ou citron, plaisanta Andoni.

— Arrête tes moqueries, on a plus le temps pour ça. Iban bloquera la rue en positionnant l’Austin au milieu de la chaussée. Le chauffeur de l’amiral n’aura d’autre possibilité que d’aller tout droit. Toi, Bixente, tu lanceras le signal en agitant le mouchoir au moment où la Dodge bifurquera dans la rue Coello. De mon côté, je m’assurerai que tout est bien ficelé en allant prier dans la basilique. Reste le problème pour choisir le bon moment pour déclencher la charge.

— Il me faudrait un repère. L’idéal serait que j’actionne l’explosif cent mètres avant, mais avec l’angle de la rue et en haut d’une échelle, ça va être compliqué d’y voir quelque chose, s’inquiéta Marinetti.

— On pourrait placer une poubelle en travers du trottoir à dix mètres de la porte de l’immeuble, demanda Julen.

— Ce serait trop suspect avec le concierge qui scrute chacun de nos faits et gestes.

— Pourquoi pas un pot de fleurs sur le rebord de la fenêtre ?

— Non, il faudrait un repère visible, peint sur le mur.

— Une croix ?

— Et pourquoi pas un cierge, s’amusa Andoni ?

Je proposai une lettre dessinée.

— Quelle lettre de l’alphabet ?

— Va pour le C en rouge, comme pour Carrero Blanco, annonça Julen. Marinetti, que comptes-tu faire de la fille ?

— Elle va m’attendre bien gentiment dans ma chambre, le repos du guerrier, lança l’ancien officier, les yeux rieurs.

— Cette fille te perdra, tu devrais t’enfuir dès l’opération terminée.

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