9.

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9.

Je me tenais appuyé, le dos contre la façade de l’immeuble 104. Il était près de 18 heures. J’observais le concierge qui appelait son chien. Il me sourit, empoigna l’animal par le collier et regagna sa loge. Je me dirigeais à la hauteur de la fenêtre dormante au ras du trottoir, si sale qu’il était impossible de voir à travers. Je cognais à trois reprises sur le battant.

— Bixente vient de lancer le signal, la voie est libre.

— Il me faut un coup de main pour tendre le câble le long de la façade de l’immeuble, demanda Alfred.

— Quelle longueur serait utile ?

— Soixante-dix mètres tout au plus. As-tu des nouvelles du prêtre ?

— Il a été rappelé précipitamment à Rome. On fera sans lui. Pendant que tu places le câble, je vais peindre la lettre C sous la fenêtre.

— Ce n’est pas un peu bizarre ce retour de dernière minute ?

— Il nous a bien aidés avec ses renseignements, et puis je préfère qu’il ne soit pas là, ce n’est pas la peine de mêler un homme de Dieu à notre opération.

Je pénétrai dans la cave et découvris Iban, le Galicien, qui jouait avec son muela. Il caressait en douceur la lame courte et acérée.

— As-tu déjà utilisé ton couteau ? demanda Andoni.

— D’après toi ?

Dans le sous-sol étroit, éclairé par le halo jaune de la lumière blafarde, le Galicien tranchait une feuille de papier en deux. Il feignait de découper une gorge et travaillait le geste avec minutie. Son poignet traçait des cercles. Il tendit le bras et balada la lame du muela de la tête au bas ventre d’une victime imaginaire.

— Quand tu plantes une lame, tu dois agir en gardant ton sang-froid, à la manière d’un artiste.

— Combien de gorges as-tu tranchées ?

— Des dizaines, répondit Iban sans le moindre émoi, avant d’ajouter, des dizaines de gorges de moutons.

Iban s’approcha d’Andoni, retroussa sa chemise et dévoila une immense cicatrice sur le flanc.

— Un jour, dans les montagnes de Galice, un bélier, trapu et puissant, m’a labouré l’abdomen avec ses cornes solides comme de l’acier.

— Mince !

— Depuis ce jour maudit, j’ai envie d’abattre tous les béliers de la terre. Mais ce désir n’est rien comparé au plaisir de tuer l’amiral.

Julen les observait et durcit son regard.

— Andoni, Iban ! Descendez l’échelle de la camionnette et arrêtez vos enfantillages. Marinetti, débarrasse-toi de la fille.

— C’est quoi, Julen, ton problème avec elle ?

— Je ne mélange jamais les femmes de joie avec le travail, on doit éliminer Carrero Blanco et ne penser qu’à cela.

— Et ?

— Avec ces filles-là, tu dois posséder un sixième sens, et jouer avec un coup d’avance. Tu vas tous nous faire griller, je t’aurais suffisamment prévenu.

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