16.
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Au cœur du quartier de Malasaña, sur la Plaza del dos de mayo, près du monument de l’indépendance d’Antonio Solá, Agustín Chavez et Alejandro s’étaient installés sur un banc et sirotaient des sodas avec une paille. Le géant se tordit d’un ricanement bruyant en observant une vieille dame, les cheveux ébouriffés, qui filait après son chien tenu en laisse.
— Eh bien, c’est une véritable course d’athlète ! balança Alejandro en s’étranglant de rire.
Agustín se redressa d’un bond lorsqu’il aperçut Andrés qui se dirigeait vers eux.
— Salut, Andrés ! Des nouvelles ?
— Nous avons commencé à fouiller l’appartement 104 rue Claudio Coello. C’est dans ce logement, au sous-sol de l’immeuble que résidaient les terroristes.
— Des indices ?
— Pas vraiment, des sacs remplis de terre et d’autres d’épluchures d’oranges. Ces hommes ont vécu comme des ermites.
— Rien de plus ?
Andrés acquiesça d’un regard malicieux.
— Si. Un tunnel menait jusqu’au centre de la chaussée. On peut parler d’un véritable travail d’orfèvre. Des poutrelles stabilisaient le passage.
— Des poutrelles ?
— Ouais, un peu dans le même style que les soutènements dans les mines de charbon.
— Tu dis que le souterrain était étayé ? Seul, un mineur ou métreur professionnel aurait pu creuser ce genre de galerie, lâcha Agustín.
— Et ce n’est pas tout. La charge a été posée dans une niche au-dessus du linteau. Elle ne pouvait sauter que vers le haut et non pas sur les côtés. Celui qui a mis la bombe avait une bonne connaissance des explosifs.
— À part un militaire, personne d’autre n’a pu opérer ainsi.
— J’ai pu interroger le concierge de l’immeuble. Ce benêt avait reniflé quelque chose de suspect, mais il n’a pas cherché plus loin que le bout de son nez. Cerise sur le gâteau, le gardien est également un ancien policier et semble travailler pour la Benemerita. Cet abruti avait noté sur un cahier les allées et venues d’un groupe d’étudiants. Mais le plus surprenant, la veille de l’attentat, un individu en tenue d’électricien tendait un câble d’une longueur d’environ soixante-dix mètres, et il n’a pas bronché. Ah, j’oubliais, il a récupéré une carte professionnelle tombée au bas de l’échelle.
— Attends de voir, tu dis que cinq étudiants logeaient sur place ?
— Oui, pourquoi ?
— Alejandro, tu te rappelles les hommes derrière nous aux funérailles de l’amiral ?
— Mince, c’est vrai, les cinq gars qui semblaient vouloir se fondre dans la foule et ne pas se faire repérer avec leurs bérets et leurs écharpes.
— J’ai une autre information intéressante. Le concierge pense avoir reconnu l’électricien.
— Alors, demanda Agustín, as-tu son identité ?
— Oui, d’après les fichiers et les photos que nous lui avons présentées, le gardien a pointé son doigt sur la bobine d’un expert en explosifs, un ancien officier de l’OAS.
— Et son adresse ou sa planque ?
— Cela ne saurait tarder. Un prêtre s’est rendu bizarrement au ministère de la Marine hier en fin de journée.
— Ouais, sûrement un témoin de l’attentat, lâcha Alejandro.
— Eh bien, figure-toi que le bonhomme a décrit certains membres du commando.
— Cette information est à marquer d’une pierre blanche ! Connais-tu son nom et la paroisse où il exerce ?
Andrés fit oui de la tête, tandis que derrière lui, une file de véhicules s’immobilisait pare-chocs contre pare-chocs.
— Antonio Pragas. Le moine semble officier à l’église San Francisco de Borja. Toutefois, pour l’institution l’homme est un parfait inconnu. Le prêtre en charge de cette paroisse se nomme Salazar.
— Demain nous nous occupons du cas de l’artificier, crois-tu Andrés que nous puissions accéder au dossier de ce gars ?
— Moi, je veux bien. Mais je n’ai pas accès au ministère de la Marine. Les informations sont regroupées dans le document AD 6324-1, archivé au bureau des enquêtes.
— Le bureau 112 ?
— Apparemment, pourquoi ?
— Selon ce que j’en sais, ces gars sont au service de la police secrète du régime.

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