2.

Antonio, après les laudes, s’était retranché dans les jardins du cloître et se laissait gagner par l’angoisse. À onze heures, ce jour-là, il descendit jusqu’à la pierre tombale. Avec la chaleur, le vaisseau de l’ordre de Saint-Jérôme lui apparut comme endormi. Pragas songeait aux révélations du père Arrantzale. Il s’accroupit sur le marbre, quand il sentit la présence d’une silhouette qui l’observait. Il se retourna et découvrit le moine au trousseau de clés. L’homme enfila des gants, s’adossa contre le tronc d’un olivier et continua à le dévisager. Il décrocha un grand sourire à Antonio et pointa du doigt la dalle cassée. Pragas se leva d’un bond pour deviner une inscription sur la tombe « Traitre, ta trahison ne servira à rien, car nous serons quittes si l’une des personnes qui t’accompagnent tient sa parole ».

Le front ruisselant, Antonio fouilla du regard les alentours avec la main posée sur la pierre. Le moine au trousseau de clés s’approcha d’Antonio, plongea sa main sous la bure, retira un objet sombre. Il allait placer le bout en acier froid en direction du prêtre lorsque le père Arrantzale déboula le long de la colline à grandes foulées.

— Antonio ! Elle s’appelle Paloma.

Le moine au trousseau remit l’objet sous la soutane et s’éloigna. Bien après, il alluma une cigarette et broya dans sa paume une coque de noix. Près du tumulus, Antonio poussa un soupir.

— De qui parlez-vous ?

— Paloma est la fidèle qui s’est confiée à moi. Lorsqu’elle se dirigeait vers la sortie de l’église San Francisco de Borja, elle a entendu celui que l’on surnomme le lion déclarer que l’attentat aurait lieu le jeudi 20 décembre.

— Pourquoi n’a-t-elle rien révélé aux autorités ?

— Elle a eu peur.

Les yeux d’un bleu profond de Pragas peignaient un regard de panique qui l’envahissait peu à peu.

— La police n’est donc au courant de rien ?

— Je ne crois pas.

Pour la deuxième fois depuis son arrivée au monastère, Antonio sentit le piège qui se refermait sur lui, le témoignage de cette femme et sa barbe en forme de bouc.