4.

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4.

Les villageois s’étonnèrent de voir courir un moine en soutane dans la rue. Antonio évita les étals, s’éloigna aveuglé par le soleil. Il savait que le seul moyen de s’échapper était de rejoindre la rivière Eresma. Deux kilomètres le séparaient à vol d’oiseau du cours d’eau. Il longea plusieurs chemins avant de freiner son allure, passant d’une course rapide à une marche lente. Pragas arriva près du flot et contourna un bosquet de roseaux, puis il s’arrêta.

Antonio se baissa et s’assit sur les talons. À l’ombre des touffes de cannes, il faisait frais. Au loin, le soleil réfléchissait le doré des champs de blé. Il reprit son souffle et en profita pour ajuster sa bure. Il resta silencieux un moment sans fin, caché dans cet endroit calme et finit par s’assoupir et s’endormir. Quand l’obscurité commença à tomber, Pragas se réveilla en sursaut par le bruit des tiges caressées par le vent. Il scruta chaque bosquet qui ondulait, effrayé par les ombres qui bougeaient. Il faisait maintenant nuit noire.

Antonio se releva et observa les alentours pour s’assurer qu’il était seul. Il effleura sa jambe qui le faisait souffrir. La rivière débouchait sur le moulin de senores avec la grande route et un arrêt de bus. Il avança et coupa à travers la colline. Pragas entendait le ronronnement du bruit des moteurs des camions qui fonçaient, tous phares allumés sur la route. Il se répétait vouloir marcher jusqu’à l’abri, monter à bord du premier autocar venu, quel que soit la destination et n’en descendre qu’au terminus, aussi loin que possible. Il franchit l’embranchement entre la route et le pont, et rabâcha une dernière fois qu’il était vivant et qu’il allait s’en sortir.

Antonio s’installa sur le banc, allongea ses jambes. Il sourit et caressa sa barbe en forme de bouc. Lorsqu’il aperçut deux phares ronds qui approchaient, il sauta en l’air, poussant un cri de joie. Il cherchait à lire la destination sur l’écriteau posé derrière le pare-brise. C’est alors que le son d’une voix grave lui fit parcourir un frisson dans le dos.

— Père Antonio Pragas ?

Il tourna à demi la tête et découvrit une silhouette assise sur la murette en pierre juste derrière l’abri. Antonio commença à céder à la panique et tandis que ses jambes tremblaient, il demanda :

— Qui êtes-vous ?

L’inconnu approcha de quelques pas et Antonio reconnut le moine au trousseau de clés. L’homme pointait un colt python sur lui. D’un signe de la tête, il lui intima l’ordre de redescendre la colline et de se diriger vers la rivière. Antonio l’implora de le laisser partir, qu’il n’était qu’un ermite qui s’était enfui, tiraillé par la peur. Un coup de pied sec lui fit dévaler la pente. Pragas s’écroula à terre, la tête dans la boue. Il se releva, s’assit et resta ainsi à sangloter lorsque l’homme mystérieux sortit une noix de sa poche et la broya dans la main.

— Dois-je continuer à t’appeler Antonio Pragas ou bien Nikolaïev Gokrassov ?

Antonio se ratatina en boule et se mura dans le silence. Il n’avait jamais imaginé mourir dans la pénombre, seul, et en soutane. Et voilà que sa véritable identité lui était jetée au visage.

— Qu’on en finisse, lâcha-t-il d’un air résolu.

— Pas tout de suite.

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