3.

2 minutes de lecture

3.

Quand la nuit se fit plus chaude, les phares d’une Fiat illuminèrent la piste qui serpentait à travers le plateau. La voiture s’arrêta près d’un îlot sec au cœur d’une vaste étendue marécageuse.

Après le départ d’Agustín pour le ministère de la Marine, Andrés et Alejandro avaient parcouru une vingtaine de kilomètres à l’extérieur de Madrid en direction de la vallée du Loyosa. L’endroit avec ses piscines naturelles était prisé des Madrilènes qui venaient se rafraîchir le temps d’une baignade. À l’arrière du véhicule, les poignets ligotés dans le dos, Marinetti n’en menait pas large.

— Hé ! Pouvez-vous m’expliquer ce que nous faisons par ici ?

Les minutes paraissaient de plus en plus longues à l’artificier. Le bruit de ses genoux qui percutait de manière nerveuse le battant de la porte résonna dans l’habitacle.

— Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi s’arrêter à présent dans cet endroit ?

Le col de sa chemise boutonné jusqu’au cou l’empêchait de prendre une profonde inspiration. Alfred, avec la certitude que pour la dernière fois, il ne verrait pas le jour se lever, ironisa :

— Je commençais à trouver cette balade ennuyeuse… vous permettez au moins que je puisse me baigner.

En retour, Alejandro le gratifia d’une gifle puissante. Le visage d’Alfred s’écrasa contre la vitre. Il songea à Pepita et aux conseils prodigués par Julen. Comment était-il possible qu’il ait pu être aussi stupide ?

— On y va, annonça Alejandro en baissant la poignée.

— Écoutez les gars, vous n’avez aucune raison de vous inquiéter, je vais disparaître du coin.

— J’espère bien !

— Pourquoi irais-je raconter à quelqu’un ce qu’il s’est passé cette nuit ?

— Sors du véhicule !

— Oh, bon sang ! Ne me prenez pas pour un idiot, vous allez me tuer, n’est-ce pas ?

— Si tu ne descends pas tout de suite, je te jure que tu vas pouvoir t’angoisser pour de bon.

Les phares de l’automobile éclairaient le marécage plongé dans l’obscurité. Les feux immobilisaient l’ombre d’un lapin de garenne sur le sentier. En un rien de temps, l’officier de la Marine expulsa l’électricien de la Fiat. Marinetti, le visage gonflé, s’écroula à ses pieds et le supplia de l’épargner. Andrés qui surveillait les alentours, couvrit la tête d’Alfred d’une capuche et le tira par la manche.

— Avance jusqu’au bord du marais. Même après ce que tu as fait, nous n’allons pas t’abattre, nous ne sommes pas des assassins.

Marinetti fit d’abord quelques pas timides alors qu’il se préparait à entendre l’écho d’une détonation. Il prêta une attention particulière au moindre bruit suspect, le cran d’un chien armé ou bien le jaillissement d’une lame. Il trébucha contre une pierre et s’écrasa de tout son poids sur le sol. Au même moment, le claquement de portes suivi du ronronnement du véhicule lui laissa à penser qu’Andrés et Alejandro tiendraient leur promesse. Il se leva et s’apprêta à s’enfuir quand la Fiat démarra et s’éloigna dans un panache de poussière. Il lui fallut moins d’une seconde pour pousser un profond soupir et lâcher :

— Oh, mon Dieu, merci.

Alfred continua d’avancer avec les chaussures qui pataugeaient dans les herbes détrempées. Il s’arrêta devant un groupe de roseaux et sentit la présence d’un rocher. Il s’adossa contre la pierre rugueuse et frotta les liens avec force pour se libérer.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Julen Eneri ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0