6.
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Le soleil se levait sur le village de Pozo de Almoguerra. Alors que ces derniers temps, je riais beaucoup, ma voix s’était tue. Les remords que je commençais à ressentir me plongeaient un peu plus chaque jour dans la mélancolie et le silence.
Je traversais le bourg, les mains croisées dans le dos et m’arrêtais près d’un pigeonnier d’une maison cossue. J’avançais d’un pas tranquille vers l’élevage, observais dans leur cage les volatiles. Je me souvenais lorsqu’enfant, je jouais à viser les cormorans avec ma fronde sur les falaises de la Galea. Le propriétaire avec le visage joyeux me rejoignit.
— Jeune homme, c’est l’heure à laquelle je les nourris, souhaitez-vous m’aider ?
— C’est étrange.
— Qu’est-ce qui est étrange ?
— Cette volonté de leur ôter la liberté.
— Voyons, ce sont des pigeons de chair, très prisés par les familles du coin.
— N’est-ce pas un spectacle merveilleux que de les regarder s’envoler ?
— Pour qu’ils aillent chier sur la fontaine ? je les préfère rôtis !
— Flanquez-leur la paix ! Je m’exclamai en succombant à une violente envie de m’enfuir loin de cette contrée poussiéreuse.
Je pressais le pas pour rejoindre la taverne du hameau. Je me précipitai à l’intérieur et resserrai les mâchoires en découvrant les photographies en noir et blanc du Caudillo qui tapissaient les murs. Je songeai soudain au tunnel que j’avais creusé dans la rue Coello, à la bombe qui avait projeté l’amiral dans une mort certaine. J’allumai une cigarette et m’effondrai bruyamment sur une chaise.
— Oh ! Pedro, sers-moi deux ou trois cruches de vin rouge.
— Bien sûr, señor, y a-t-il un problème ?
— Garde tes questions Pedro, je voudrais boire tranquille.
Dans la soirée, alors que les ruelles du village étaient désertes, Julen me surprit qui dansait sur la grande table en bois, une bouteille vide dans chaque main. Il entra dans le misérable bar. Il m’agrippa par le bras et me fit basculer contre lui.
— Il est temps de rentrer mon ami.
— Quoi ? Tu n’aimes pas t’amuser ?
— Je pense qu’un bain glacé te ferait du bien.
— Je ne vois pas pourquoi.
— Disons que ton haleine n’est pas des plus agréable.
— Pas si vite Julen, je veux boire encore une bouteille et leur dire…
— Suis-moi ! lâcha le lion au moment où il me gifla violemment.
Il régnait un climat étouffant. Julen me poussa vers la sortie en enroulant son bras autour de mon cou. Il m’étranglait pour m’empêcher de parler.
Vers minuit, tandis qu’un vent chaud pénétrait dans la maison chaulée, dans une ambiance de pénombre, il abattit sa main sur mon épaule.
— J’ai une question à te poser, une seule.
— Vas-y.
— Désires-tu mourir ?
— Que veux-tu dire par là ?
— Avec tes imbécilités, combien de temps crois-tu que la Benemerita mettra pour nous retrouver ?
— Je regrette.
— Je n’ai pas bien compris !
— Cela ne se reproduira plus.
— N’imagine pas un seul instant que j’hésiterai à te faire taire à tout jamais si d’aventure, tu ouvres la bouche une fois de plus. Paolino vient de m’appeler.
— Continue.
— Il me paraît utile de te mettre au courant après ta virée de ce soir. Iban s’est fait coincer.
— Comment ?
La semaine dernière, Paolino a reçu la visite de deux officiers de Marine. Il s’est mis à table et a fini par donner l’endroit où le Galicien s’était réfugié, le village d’O' Cebreiro en Galice. Dans le quotidien El País, Paolino est tombé sur un article qui parlait du meurtre d’Iban.

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