5.

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5.

Dans la cellule sans fenêtre, il y avait un lit superposé en fer, jonché d’un matelas bourré de paille et de punaises, mais pas de chaise. Andoni Christo marchait de long en large lorsqu’il entendit un ricanement dans le couloir. Il croisa sa veste sur la poitrine et remonta le col. Il faisait froid dans cette pièce humide et sombre. Andoni s’accroupit et fondit en larmes. Il n’était plus le héros d’une organisation de l’ombre, mais un simple numéro anonyme sur une longue liste de prisonniers. Il se sentait envahi d’une folle impuissance.

— Que je sois maudit. Rien de tout cela ne serait arrivé si je n’étais pas repassé à la casa de Habana.

Le bruit métallique de la clé dans la serrure le fit sursauter.

— Andoni, suis-nous.

— Des nouvelles du juge ?

Le garde voulut lui répondre qu’il n’aurait droit qu’à un interrogatoire musclé, mais il se ravisa et lança d’une voix pâle qui trahissait l’embarras :

— Dépêche-toi, le colonel Ruiz Roldán n’est pas réputé pour sa patience.

Dans les sous-sols de la prison, une salle lugubre et froide s’animait. Le colonel, l’œil exercé, actionnait et faisait tournoyer le levier d’une dynamo. La renommée de Ruiz avait grandi parmi ses hommes, le jour où il avait empoigné la tête d’un malheureux pour lui planter une baleine de parapluie dans le lobe de l’oreille. La lame pénétra doucement et profondément à l’intérieur de l’orifice. Du fond du couloir, les cris perçants du prisonnier déchirèrent le silence. Sa hiérarchie s’en était mêlée et il avait écopé d’une mise à l’écart de quelques semaines. Les détenus les plus récalcitrants craquaient entre ses mains de sadique. L’homme à la voix si apaisante était un bourreau sans limites. De bien des manières, il savait exploiter les ressorts les plus noirs d’un être écœurant et haïssable.

Dès que la porte s’ouvrit, Andoni entra dans la salle, trainé par deux inspecteurs de la police secrète, et perdit de son élan. La panique lui glaça le sang. Il refusait d’avancer avec la peur qui ne le quittait plus. Le colonel Roldán lui flanqua un coup de pied dans le ventre et Christo s’affala en hurlant de douleur. Ruiz le saisit par les cheveux et lui chuchota à l’oreille que tout cela n’était que le début des représailles. Chose étrange, il releva l’etarra, le prit par l’épaule, colla sa tempe contre celle du détenu et le réconforta en lui parlant à voix basse.

— Inspecteur… je vous en prie… je vous donne ma parole d’honneur qu’il s’agit d’une méprise.

Le colonel resserra ses doigts épais sur le cou d’Andoni.

— Je te crois, et en même temps, je sais que tu as des choses importantes à me dire. Ne t’inquiète pas Andoni, où en étions-nous ?

— J’étais censé acheter mes cigares et retourner à Mungla, je ne devrais pas être ici.

— Bien évidemment Andoni, en quoi consistait ton rôle le jour de l’attentat ?

— Écoutez…

— Non, ne réponds pas tout de suite, j’ai oublié de me présenter. Je m’appelle Ruiz Roldán, colonel de la Benemerita, mais nous sommes entre amis, tu peux m’appeler le passeur.

— Je pense que vous…

— Chuuut ! sais-tu ce que je vais faire ? Tu ne l’imagines pas ? je crois qu’un peu d’eau fraîche te ferait du bien. Veux-tu boire quelque chose, dis-moi ce qui te ferait plaisir ?

— Colonel…

Andoni Christo feignit de ne pas comprendre la question du colonel. Soudain, dans un accès de colère, Ruiz redoubla de violence. Il attrapa Andoni par les oreilles, le pencha et lui décocha un brutal coup de genou dans la mâchoire. La lèvre supérieure de l’étarra éclata. Il cracha un jet rouge et déchiqueta sa joue contre l’angle en métal du bureau. Le colonel plongea sa main sur les parties génitales d’Andoni et serra. Il pressa les doigts de tout son cœur au point de l’étourdir.

— Décidément, tu es vraiment trop con ! tu aurais dû savoir que tôt ou tard je te mettrai le grappin dessus.

Christo rampa sur le sol tel un cafard. Très vite, le colonel le grippa sous les épaules et l’assit sur la chaise. Comme un serpent venimeux, il lui caressa le visage et prit d’une soudaine sympathie, lui offrit un verre d’eau. Le colonel pivota vers ses hommes qui semblaient se divertir de la tournure de l’interrogatoire.

— Déshabillez-le.

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