La promesse révélée

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Son arrivée lui permit de penser à autre chose, mais surtout à son frère de souffler. En effet, la nouvelle venue accapara un peu l’attention de Minerve qui lâcha un peu sa proie. Ainsi, tous discutèrent ensemble. A l’écoute et plutôt bonne observatrice, l'épouse de Pluton avait compris que la situation était tendue entre son amie et le dernier né de Vénus. D’ailleurs, le comportement de la déesse de la Sagesse la déstabilisait complètement. Elle ne l’avait jamais vue aussi à la limite de la séduction. Vraiment, elle avait du mal à comprendre son comportement avec Himéros. Certes, c'était un beau garçon, mais elle se comportait comme si elle voulait séduire un adulte, et là ce n'était pas le cas, ou du moins pas encore. D’ailleurs, au moment où Minerve était revenue à l’assaut, tous furent choqués de la voir valser sur plusieurs mètres de l’Antéros. Ce dernier la fusillait du regard, du mépris dans les yeux. Riche de l'expérience de Cupidon qu'il avait hérité lors de la cérémonie, fatigué d’être harcelé, il avait envoyé une onde de choc sur la déesse au casque spartiate, une onde qui l’avait touchée de plein fouet. Les fesses par terre, Minerve le regarda, ne comprenant pas la situation. Résolu à lui répondre pour avoir la paix, Himéros lui répliqua qu'il n'aimait pas les pédophiles. Au vu de sa fonction d’Antéros, il était de son devoir de les punir, et il ne ferait aucune exception. Après avoir entendu de tels mots, la divinité des arts du tissage partit en colère d'avoir été humiliée par un enfant. Cupidon éclata de rire en voyant son expression, détendant l’atmosphère. Ce fut là-dessus que Mars revint d’une course, accompagné de Diane et de Morphée. Il prit la parole :

« Cupidon, Himéros, approchez-vous. Je vais vous expliquer le programme qui vous allez suivre pendant les prochaines années. »

Les deux garçons s'approchèrent de leur père.

« Bien. Tout d'abord, j'ai demandé à Morphée et à Diane de m'aider. Morphée va vous enseigner la méditation et la politique...

— Oh non, se désola son fils.

— Ne proteste pas Cupidon. C'est nécessaire,…, surtout pour toi. Tu dois apprendre à gérer et à te protéger des émotions négatives qui t'arrivent des Mortels. Lutter contre elles ne servira à rien, je pense. Il faut que tu acceptes de vivre avec, de les appréhender d’une autre manière, et pourquoi pas t’en servir comme moteur. Si tu veux vraiment arriver à un résultat où tu deviens le maître de ton destin, la méditation peut t'y aider, » expliqua Mars.

Cupidon comprit la logique de son père et acquiesça avant d’entendre son père continuer :

« En ce qui concerne Diane, elle va vous aider à développer votre endurance et votre habilité dans le maniement des armes légères. Elles sont plus utilisées au cours de la chasse, mais elles peuvent se montrer très efficaces lors d’un corps à corps, tant qu’on sait les manier.

— Je vais vous apprendre à courir dans les forêts sans ressentir aucune fatigue et à vous déplacer tel des animaux, renchérit la déesse de la Chasse, si enthousiaste qu’elle avait interrompu le discours de Mars. Oups ! Désolée ! Continue.

— Merci, remercia le dieu de la Guerre avec un sourire, aimant le tempérament de sa petite demi-sœur. Quand à moi, je vous enseignerai la stratégie militaire, le maniement de tous les types d'armes qui peuvent exister, ainsi que l'art des combats au corps à corps et à mains nues, quelque soit leur origine. J'ai également demandé à Junon de vous laisser accès à la bibliothèque. Vous allez vous développer physiquement, mais aussi intellectuellement. Bien sûr, vous aurez toujours vos missions sur la terre des Mortels. Compris ?

— Oui, monsieur ! » Déclarèrent Cupidon et Himéros, sentant que cet entraînement les fera souffrir.

Là-dessus, Perséphone, qui tenait maintenant compagnie à Vénus et Justitia, proposa aux garçons de venir aux Enfers pour s'entraîner avec les plus grands guerriers qui y logeaient depuis leur mort. A cette idée, et poussés par leur enthousiasme, ces derniers voulurent partir dès maintenant pour les voir. Mars dût les calmer en leur disant qu'il était trop tôt pour ça, mais cette proposition était plus qu’intéressante. Il promit qu’il l’envisagerait. Malgré la protestation de ses fils, il sourit doucement, tellement, il était fier d'eux. Il regarda chacun d'entre eux. Il se concentra surtout sur Cupidon. Il n'avait pas encore abordé le problème qui le concernait particulièrement. C'était important, voir vital, mais il désirait d'abord en parler avec lui, seul à seul, avant de gérer cette problématique avec les autres Dieux. Il finit par informer tout le monde que le vrai entraînement commencerait le lendemain. Pour le moment, ils discutèrent sur l’organisation à planifier tout ce qu'avait prévu le dieu de la Guerre. Puis, les invités prirent congé. Toute cette planification s’était déroulée sous les yeux de Vénus. Bien que fière à son tour, elle était inquiète pour ses enfants. Elle se promit alors qu'elle fera tout pour les rendre heureux, quitte à s'opposer à leurs désirs si elle les jugeait trop dangereux pour eux. Ce fut sur cette pensée qu'elle entendit Cupidon lui poser une question :

« Maman, maintenant que Diane, Morphée et nos autres invités sont partis, peux-tu nous parler de la promesse que tu aurais faite à papa ?

— Qui t'a parlé de ça Cupidon ? Demanda-t-elle.

— C'est Vulcain.

— Je vois. Je vais te le dire, se résigna Vénus. Justitia m'a informée que pour avoir plus de chances de concevoir ton contraire, je devais trouver un père biologique différent de Mars. Ca tu le sais. Au début, ton père a été contre, car cela le blessait, surtout qu’il pensait que je songeai à ton oncle.

— Je ne supporte pas qu'un autre homme touche à ta mère, et encore plus lui, renchérit le dit père.

— Je lui ai informé que c'était la seule solution pour avoir un autre bébé qui ne serait pas touché par ton mal. Je lui ai donc fait une promesse, celle de ne plus le tromper et de rester à tout jamais à ses côtés.

— Mais pendant des siècles, cette vie semblait vous convenir, puisque papa, tu partais souvent et toi, maman tu allais te "divertir" pendant ce temps-là, répliqua Cupidon d'une petite voix qui semblait sur le point de craquer. Quitte à me laisser... seul.

— C'est vrai, tu as raison, mais ce n'était qu'une apparence, intervint Mars qui se mit à la hauteur de son fils. Nous avons fui la situation. Cette dernière nous faisait atrocement souffrir, mais nous n'avons jamais osé en parler jusqu'à la guerre de Troie, et du projet de ta mère de tomber enceinte de ton frère. Il lui a fallu plusieurs siècles pour me convaincre, tu sais. Maintenant, j’en suis heureux, et je t’en remercie, Himéros. Ta venue nous a permis de mettre un point final à toutes nos rancœurs. »

En effet, la situation complexe entre les parents de Cupidon avait finalement trouvé son dénouement, après sa deuxième naissance, au cours de la guerre de Troie. Ascalaphus, son mortel demi-frère, issu de Mars, avait commandé les Béotiens au siège de la ville. Toutefois, il n’y avait rencontré que la mort. Fou de rage, et encore blessé par une infidélité de Vénus qu’il avait désiré oublier dans les combats, le dieu de la Guerre avait couru le venger lui-même, apportant son concours aux Troyens, malgré l’ordre de Jupiter. Ce dernier avait en effet défendu aux divinités de prendre partie pour un des deux camps. Face à cette désobéissance, le souverain de l’Olympe était rentré dans une rage folle. Pour l’apaiser, Minerve avait alors promis de soutenir les Grecs, pour rééquilibrer la balance. Elle avait ainsi excité Diomède à se battre contre son divin demi-frère.

Ce roi d’Argos, fils de Tydée, et petit-fils d’OEnée, souverain de Calydon, avait été un élève du centaure Chiron, tenant compagnie à d’autres héros antiques. Lors du siège de Troie, il avait commandé les Etoliens, et s’était distingué par de belles actions, le mettant au même niveau qu’Achille et Ajax. En effet, étant le préféré de Minerve, elle l’avait secondé durant ses combats contre Hector, Enée et autres princes troyens, le rendant vainqueur. Il l’était encore devenu contre un Mars déguisé. Son bras, guidé par la déesse de la Stratégie Guerrière, avait réussi à le blesser. En retirant l’arme de son flanc, dans un cri épouvantable, celui-ci était remonté à l’Olympe, où il avait dû paraître devant le courroux de son père. Se réfugiant en son palais après s’être fait rappeler à l’ordre, il s’était laissé soigner par Péon. Il avait eu la surprise d’y voir débarquer Vénus, toute affolée, et serrant Cupidon bébé dans ses bras.

En voyant le bandage entouré le torse de Mars, et le baume posé sur la table, elle s’était précipitée au chevet du blessé, et avait pleuré tout son soul. Elle avait eu tellement peur de le perdre, comme elle avait failli perdre leur fils sans l’intervention de Junon et Latone. Comprenant que l’atmosphère appelait à l’intimité, le soignant était parti discrètement sous les murmures du couple, des murmures remplis de paroles réconfortantes et d’aveux. Toutes leurs craintes, leur espérance et leurs sentiments y étaient passés, leur faisant naître les larmes aux yeux. Leurs confessions mutuelles avaient duré tout le reste du jour, jusqu’à ce qu’Apollon-Phébus fasse coucher le soleil, et que Diane guida Séléné dans le ciel étoilé. Puis, petit à petit, fatiguées par toutes ces épreuves, les deux divinités avaient fini par s’endormir l’un à côté de l’autre sur le lit. Cupidon, allongé entre eux, avait été occupé à sucer son pouce, tout heureux de la paix ambiante.

Toutefois, il ne fut pas dit que Diomède s’en sorte indemne. Il était raconté que le courroux de Vénus était tombé sur lui, autant pour venger Mars, que pour venger Enée. En effet, au moment où ce fils avait failli succomber sous les coups de Diomède, la déesse de la Beauté l’avait dérobé en le couvrant d’un nuage, et lui permettant ainsi de regagner la protection des remparts de la ville. Dans le processus, l’arme ennemie avait blessé la main divine. Afin de punir le grec de tous ses affronts, la déesse avait inspiré à sa femme, Egialée, une violente passion pour un autre. Le malheureux époux, trompé et instruit de cette trahison, avait alors pris son bateau pour confronter les amants. Toutefois, son voyage n’avait pas été de tout repos, car Vénus en avait profité pour le poursuivre. Elle était allée jusqu’à transformer tout son équipage en oiseaux, des oiseaux qui auront désormais pour habitude de virevolter autour des navires, et qui seront connus sous le nom d’oiseaux de Diomède. Comprenant qu’il ne pourra jamais échapper à la déesse, et rentrant dans un temple, il avait trouvé refuge auprès de Junon qui avait plaidé sa cause. Cette dernière avait alors réussi à convaincre sa comparse à le condamner à ne plus jamais poser les pieds sur sa terre natale. Diomède était donc parti en Italie, où épousant la fille du roi Daunus, il avait fondé la ville d’Arpi. Plusieurs années après, il y avait trouvé la mort. Toujours apprécié de Minerve, cette dernière l’avait rendu alors immortel, et lui avait donné comme troisième épouse la fille de Ménélas et d’Hélène, Hermione.

Cette dernière avait été mariée à Pyrrhus, fils d’Achille et de Déidamie, par son père avant son départ pour Troie. Malheureusement, ce mari, souverain de Scyros et d’Epire, lui avait préféré Andromaque, femme d’Hector. Il avait alors profité de la guerre de Troie pour se remplir de gloire, mais aussi assouvir sa passion. Lors de la prise de la ville, il s’était introduit avec ses soldats dans le palais, y avait tué Priam, et le prince Politès de sa main, Il avait également réclamé Polyxène qu’il immola aux mânes d’Achille. Puis, il s’était emparé d’Andromaque, comme trophée de guerre. Afin de rompre tous ses liens avec Hector, il s’était saisi de leur fils, Astyanax, et l’avait précipité du haut des remparts. Revenant sur ses terres, il avait épousée la veuve, la forçant. Toutefois, il n’en avait pas beaucoup profité. En effet, offensée par cette trahison, Hermione avait alors fait appel à Oreste. Ce dernier avait été son fiancé avant que Ménélas trahisse sa parole en la donnant à Pyrrhus.

Ce fils d’Agamemnon et de Clytemnestre, souverain d’Argos, de Mycènes et de Sparte, avait toujours nourri du ressentiment envers ce voleur d’épouse. Toujours épris de son ancienne fiancée, il avait été résolu à la récupérer. Ayant appris que son rival se rendait à Delphes pour apaiser Apollon qu’il avait offensé, suite à la mort de son père Achille, il l’y avait précédé. Avec l’aide de son cousin Pylade, il avait exhorté les Delphiens en leur racontant que l’arrivée de Pyrrhus ne possédait qu’un seul objectif, le pillage de leurs biens. Les habitants avaient donc pris les armes, et avait tué l’époux d’Hermione au pied de l’autel. Devenue veuve, cette dernière avait finalement épousé Oreste, et était restée à ses côtés jusqu’à la mort de ce dernier, mordu par un serpent. Quand était venu le décès de Diomède, Minerve était venue la voir, et l’avait mariée avec ce fils de Vénus, l’immortalité en cadeau.

De son côté, après la mort de Pyrrhus, Andromaque s’était remariée à Hélénus, le frère d’Hector, qui était monté sur le trône d’Epire. Bien que reine, il était raconté que jusqu’à son trépas, jamais elle n’oublia son premier époux, pour qui elle avait érigé un monument sur une terre étrangère. Ainsi, c’était terminé l’histoire de certains héros de la guerre de Troie, une guerre qui avait fini par apaiser le cœur de Vénus et celui de Mars. Malheureusement, bien qu’heureux du lien inflexible qui régnait entre son père et sa mère à présent, celui de Cupidon avait gardé quelques amertumes, et il le fit savoir, en pleurant, ses émotions déjà bien ébranlées par sa crise du matin :

« Je suis heureux pour vous. Mais, et moi, là-dedans ! »

Himéros s'approcha de lui, et le prit dans ses bras, ses ailes l’entourant. Il comprit en cet instant que son frère avait autant souffert que lui, si ce n’était plus, ou du moins depuis plus longtemps.

« Nous sommes désolés, mon ange, continua Vénus. Nous pensions te protéger en t'éloignant de nos problèmes, mais nous avions eu tord. Tu en as souffert, plus que nous. Nous aurions dû te mettre dans la confidence.

— Oui, cela aurait été moins douloureux. C'est le silence, le plus pénible. Etre dans l'ignorance n'est pas facile à vivre. Cela m'aurait évité pas mal de cauchemars.

— Mais, pourquoi ne pas nous en avoir parlé ? demanda Mars, qui comprenait qu'une partie des crises de son fils étaient de leur fait.

— Surement, pour les mêmes raisons que vous, pour ne pas vous inquiéter, et d’une certaine manière, vous protéger. Je souriais pour cacher mes vrais sentiments. Notre famille n'avait pas besoin de plus de soucis. Puis, en souriant, je faisais croire aux habitants de l'Olympe que leur moquerie et leur regard ne me touchaient pas, renifla le dieu de l'Amour, essuyant ses larmes du plat de son bras.

— Cupidon, parles-nous maintenant. Nous sommes là pour t'écouter, » encouragea son père.

Ce fut ainsi qu'une famille longtemps séparée par la souffrance et le doute se retrouvait sous le soleil d’Apollon-Phébus. Tout le monde vida ses peines, et soulagea son cœur. Ils discutèrent jusqu'à ce que Diane fasse lever la lune. Ce qu'ils ne savaient pas, fut la présence d’une personne entrain d’écouter leur conversation, et se promettant de les aider le mieux possible. Finalement, elle venait peut-être de trouver le moyen de rembourser sa dette.

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