La folie d'un père

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Quand tout fut terminé, la foule de curieux quitta les lieux, laissant les Junius Silanus se recueillir un instant, avant de se disperser petit à petit. Au bout d’un moment, il ne restait que Colinus et Marius. Ce dernier, mettant une main sur l’épaule de son cousin, lui signifiait tout son soutien. Malheureusement, il dût partir à son tour. Le fils d’Octavie était maintenant seul, à regarder cette eau devenue le linceul de sa mère. Bien que cette dernière ne lui avait pas gratifié de son amour maternel, elle restait celle qui lui avait permis de fouler Terra. Une part de lui continuait à l’aimer, comme un fils aimait sa mère. Seul devant les soubresauts de la rivière, ses larmes coulèrent, signe d’un ultime adieu. Puis, reprenant contenance, il se résolut à quitter les lieux, sans savoir que venant derrière lui, son père prit sa place, et jeta à l’endroit où son épouse avait trouvé la mort, des fleurs.

Il les suivit du regard, emportées qu’elles étaient par le courant. Severus ne bougea pas pendant plusieurs minutes. Puis, soudainement, ses épaules commencèrent à sursauter, comme s’il pleurait, mais, étonnant les rares passants, un rire sortit de sa bouche, un rire de fou. Affichant une face aux yeux exorbités et au sourire reflétant la démence, il était méconnaissable. Il repartit ensuite en courant, au travers des rues de Rome, toujours en s’esclaffant sans aucune retenue. A son passage, les citoyens lui libéraient le chemin. Les mères serraient dans leur bras leurs enfants, de peur qu’il s’en prenne à eux. Les fiancés protégeaient leur promise, alors que les pères blâmaient cet étranger, d’offrir un tel spectacle à tous. Oui, en cet instant, Severus avait perdu toute dignité, toute raison, alors qu’il disparaissait pour, sans doute, ne jamais revenir.

Pendant ce temps, Infama était depuis bien longtemps rentrée en ses appartements. Comme à son habitude, elle s’était réfugiée dans la chambre de Lua, là où elle savait que personne ne viendrait la déranger. Appuyée sur le lit de sa fille, elle tremblait de satisfaction d’avoir été ainsi blanchie, et d’avoir assisté à la fin de ceux qui avaient faire d’elle leur ennemie. Toutefois, la colère l’habitait également, cette colère qu’elle avait enfoui au plus profond de son être lors de son mariage. L’arrestation et l’exécution de ses beaux-parents ne l’avaient ni adoucie, ni réconfortée de l’épreuve que Psy lui avait faite endurée. Elle était encore sous le choc de ses accusations, mais aussi des regards sombres qu’elle devait subir depuis lors. De plus, la veuve de Sol n’était pas venue la voir pour s’excuser de sa calomnie, envoyant juste cet idiot de Colinus comme porte parole. Infama savait que jamais Psy ne s’abaisserait à lui demander pardon en public. Elle se sentait toujours si humilier, et si rabaisser par toute cette famille. Pourtant, elle avait fait un énorme effort pour endeuiller son arrogance, et se mettre à leur niveau, elle qui était issue d’une lignée bien plus supérieure à celle des Junius Silanus. Etait-ce donc la récompense à tous ses sacrifices ? Si oui, alors ils allaient tous payer.

Non, non, elle devait se calmer, et ne pas se laisser aller à la colère. Elle se mit à lentement respirer pour reprendre le contrôle, au point que ses tremblements diminuèrent. Pourquoi réagir avec autant de virulence ? Ca ne servirait à rien, car sa conscience était intacte. Quand elle jugea qu’elle se maitrisait à nouveau, Infama se pencha sur l’image endormie de sa fille. Quelle belle enfant, se disait-elle, lui caressant doucement la joue. En cet instant, le sentiment d’impuissance ressentie depuis des semaines laissa la place à de la détermination. Jamais elle ne permettra que sa petite Lua subisse à son tour une telle humiliation. Elle y mettra toutes ses forces et son intelligence dans ce projet. Elle ne laissera personne l’entraver, et surtout pas Psy. En pensant à cette dernière, la rage l’envahit à nouveau, une telle rage qu’elle se promit de se venger. Oui, elle se vengera de cette fichue veuve, et de cette famille. Une image des plus satisfaisantes lui vint alors à l’esprit… Quel beau couple elle formera ! Le seul obstacle à cette réalisation était le lien qui existait entre eux. Heureusement, un tel lien était facile à défaire. Il fallait juste attendre la bonne opportunité pour bouger ses pions. Un sourire en coin, et les yeux pétillants de revanche, elle se décida à réfléchir à un plan. A cet instant, en son cœur, une prison venait de s’ouvrir, une prison où résidait, depuis trop longtemps enfermé, un monstre d’orgueil et de cruauté, un monstre qui se mit à s’esclaffer d’un rire machiavélique.

Derrière un mur, une personne y était cachée, toute tremblante face à cette promesse exprimée à haute voix, et à cette colère destructrice. Elle venait de tout entendre, et son cœur était dans la confusion la plus totale. Devait-elle révéler sa découverte, ou ne rien révéler ? A qui allait sa loyauté ? Cet espion involontaire était en plein dilemme, un dilemme qui ne le quitta pas de la nuit.

Au matin, un étranger toqua à la porte des Junius Silanus, et se présenta auprès de Marius. Après l’avoir reçu, ce dernier l’écouta, son cœur se désolant à chaque mot prononcé. Puis quand tout fut dit, il le remercia de sa prévenance, et le reconduisit jusqu’à la sortie. Puis, il convoqua Colinus dans son bureau. Quand ce dernier rentra, il était dos à la porte, regardant par la fenêtre pour réfléchir à comment lui annoncer la nouvelle. A son nom prononcé, il se retourna, et montra un visage grave à son cousin. Celui-ci, inquiet, s’enquerra de son état. La seule réponse qu’il reçut fut une invitation à prendre un siège. Après s’être exécuté, il attendit que Marius prenne le temps de s’asseoir, et de rassembler ses pensées. Le regardant dans les yeux, le chef de famille lui annonça qu’une patrouille avait retrouvé son père, errant dans les rues de Rome, et tenant des propos incohérents, tout en riant à gorge déployée. Il semblerait que Severus ait perdu la raison. Afin d’éviter des incidents, les soldats l’avaient emmené au cachot, le temps qu’un médecin l’ausculte. Après avoir examiné son patient, et étant un de ses amis, ce dernier avait envoyé son apprenti le prévenir.

C’était ainsi qu’il avait été tenu au courant de cet évènement, mais aussi du diagnostic. Le praticien avait confirmé la folie, avec peu d’espoir de guérison. Après cette annonce, Colinus resta sans réaction. La seule chose qu’il ressentait était la culpabilité, mais aussi la compassion. Severus restait tout de même son père. Souhaitant se rendre compte de son état lui-même, il se leva, et informa Marius de son projet de le visiter. Son cousin hocha de la tête, comprenant parfaitement sa décision. Il se proposa de l’accompagner. Ainsi, après avoir cheminé sur plusieurs kilomètres, les deux hommes se trouvèrent devant une cellule, où une silhouette en haillons, recroquevillée sur elle-même, se balançait d’avant en arrière, dans un mouvement continuel. S’approchant, les larmes aux yeux de voir ainsi son père, Colinus l’appela doucement :

« Père… Père… »

A cette voix qui semblait sortir d’outre-tombe, Severus libéra son visage de ses genoux, et regarda celui de cet inconnu, dont les traits lui étaient pourtant si familiers. Ses yeux étaient comme morts. Aucune lueur n’y dansait, sauf, quand soudain, il eut une révélation. Rapidement, il se leva, et se précipita en passant les bras au travers des barreaux pour enlacer Colinus.

« Mon fils… Mon fils… Tu es là. Tu vas bien, n’est-ce pas ?

— Oui, père, je vais bien, lui répondit-il d’un ton qui cachait mal son bouleversement.

— Que les Dieux soient loués ! Tu es revenu de la guerre en vie. Mon sacrifice et ces jours en prison ne furent pas vains ! J’ai bien fait de prendre sur moi les accusations, et de subir la sentence à ta place… Oui, j’ai bien fait.

— La guerre ? » Ne comprenait pas trop Colinus, quand les souvenirs lui revinrent.

En effet, quand il avait eu dix-sept ans, âge de rentrer dans l’armée, et dans le désir de se distinguer, afin de rendre fier son père, il s’était engagé dans la légion. Au vu de son rang social, il y était rentré en tant qu’officier. Au début, tout s’était bien passé. Il s’était lié d’amitié avec d’autres jeunes, possédant le même rang que lui, bien que ne participant pas au commandement des même centuries. Ainsi, ils s’étaient souvent réunis autour d’un verre quand tous rentraient au camp après une journée à patrouiller. Malheureusement, après une forte bataille qui avait valu à l’armée la perte d’un grand nombre de légionnaires, un centurion avait découvert que certains de ses amis avaient déserté le champ de bataille, emmenant derrière eux tous leurs hommes. Suite à cette affaire, une enquête avait également révélé plusieurs projets de mutinerie. Quand le consul de Rome avait eu vent de l’affaire, il avait eu à cœur de punir les coupables et leurs complices, qu’ils aient été de haut rang, ou simples soldats, et en avait profité pour en faire un exemple pour les autres. Il les avait donc condamnés à subir la décimation. Tous les officiers incriminés et leurs légionnaires avaient donc été divisés en groupe de dix individus. Un sac fut confié à chaque groupe. Piochant à l’intérieur, chaque condamné en avait pris un papier. Le militaire, qui s’était retrouvé avec celui où était peinte une marque, était mis à mort par les neuf autres. L’exécution choisie avait été la lapidation. Ainsi, des centaines de soldats étaient partis pour les Enfers, pendant que les autres furent punis à manger que de l’orge et à dormir en dehors du camp, dans le froid.

Ce funeste sort aurait été celui de Colinus, si sa famille n’avait pas réussi à prouver son innocence auprès du consul. En effet, certains de ses soi-disant amis avaient essayé de l’incriminer, en le rendant complice dans une de leurs tentatives de mutinerie. Heureusement, son père avait réussi à rassembler le témoignage des légionnaires qui étaient sous ses ordres. Tous avaient juré que jamais il n’avait déserté la bataille, et jamais il ne les avait poussés à se rebeller contre l’autorité de Rome. Plusieurs officiers avaient également plaidoyé en sa faveur. Ainsi, sain et sauf, Colinus avait juste été obligé de quitter l’armée. Les soupçons, même démentis, n’avaient pas leur place dans les rangs de la légion, et auraient risqué de compromettre son autorité sur les soldats. Voici à quoi se référençait Severus. Pourtant, son fils n’avait jamais entendu parler d’un quelconque sacrifice, ou que son père ait passé des jours en prison pour subir une peine à sa place. Il comprit alors que l’homme dans ses bras se créait un monde à lui. Colinus continua, tout de même, à le serrer dans ses bras, ne cherchant pas à le démentir :

« Ta mère va pouvoir retrouver la paix, et vivre sereinement maintenant. Tu sais qu’elle s’occupe à planifier un beau mariage pour toi, dit Severus.

— Ma mère, fut encore un peu perdu Colinus, avant de comprendre que son père la croyait encore en vie, et lui pas encore marié.

— Oui. Tu vas voir. Ta fiancée nous fera tous honneur, et t’apportera beaucoup dans ton futur rôle de patriarche de la famille, pas comme cette Infama. Je suis heureux que tu ais renoncé à l’épouser, se détacha Severus. Allez, ouvre cette grille, et allons les retrouver. »

Un silence suivit cette déclaration, poignardant le cœur du père de Lua. Il ne savait pas ni comment réagir, ni quoi dire. Il trouvait juste cruel de le confronter à la vérité brutalement. De toute façon, sa gorge nouée par le chagrin empêchait toute parole d’en sortir. Il ne savait pas quoi faire. Son salut vint de son cousin, qui était resté en arrière :

« Nous allons bien sûr vous faire sortir. N’ayez aucune crainte, mon oncle. »

Entendant cette voix, Severus tourna son visage vers Marius. Malheureusement, dès que ses yeux se plongèrent dans les siens, le sourire qu’il affichait à la vue de son fils, disparut en une seconde. Ses traits se durcirent, et il recula jusqu’au fond de sa cellule, s’adossant au mur. En un instant, la réalité le frappa de plein fouet. Les images de l’accusation de son fils, du procès et de l’exécution d’Octavie attaquèrent son esprit, au point qu’il s’agrippa la tête de ses mains. Il se mit alors à crier, roulant des yeux dans l’espoir de les effacer. Puis, sans savoir pourquoi, un rire, mélange de démence et de machiavélisme, envahit la cellule, alors que son doigt pointait vers son neveu, comme pour l’accuser. Le cœur brisé, Colinus tenta de lui parler, afin de le calmer, mais sans grand succès. De son côté, Marius resta impassible, mettant une main sur l’épaule de son cousin, autant pour le soutenir, que pour l’empêcher de rentrer. Il avait peur, que dans sa folie, Severus s’en prenne à lui. Après plusieurs secondes qui parurent une éternité, le dément cessa son hilarité, et s’affala sur la paillasse en paille, qui faisait office de lit. Le regard dans le vide, il reprit sa position initiale et recommença à se balancer d’avant en arrière.

De nouveau calme, il devint complètement indifférent à Colinus, qui, emmené par Marius, se laissa faire. Il fallait se rendre à l’évidence, le mari d’Octavie était devenu complètement fou à sa mort. Le chef de famille tira son cousin jusqu’à chez lui, et le confia à Infama, qui l’abandonna sur un sofa sans un regard. Puis, il se rendit de nouveau à la prison avec quatre esclaves. Ces derniers s’emparèrent de Severus, qui, se débattant au début, finit par les suivre sans faire de vague, résigné. Tous rentrèrent jusqu’à la demeure des Junius Silanus, où l’infortuné fut isolé de la famille. Dans la soirée, Marius convoqua à nouveau l’infortuné. Il avait réfléchi à la situation toute la journée, et une idée lui était venue en lisant des documents en attente. Sans détour, il commença :

« Colinus, je ne voudrais pas paraître brusque, mais il nous faut régler la situation de votre père.

— Je comprends, se résout-il à répondre. Avoir un père et un oncle touché de démence, ce n’est pas très bon pour les affaires.

— Colinus, souffla Marius, en se levant de derrière son bureau et à se mettant à ses côtés. Ce que pensent les autres citoyens m’importent peu, bien qu’une certaine vérité réside dans vos paroles. Severus reste mon oncle avant tout, et cela malgré ses erreurs et son crime. De plus, les Dieux l’ont assez puni en l’affublant de la folie. Je pense surtout à vous, ainsi qu’à votre épouse et votre fille.

— Merci.

— C’est pourquoi, il nous faut réfléchir à comment gérer les choses avec lui. Pour le moment, il est confiné dans la chambre la plus isolée du domaine, sous la surveillance d’esclaves. Il ne peut rester ainsi jusqu’à la fin de sa vie. De plus, il existe peut-être encore de l’espoir pour qu’il retrouve la raison. Toutefois, je ne pense pas que rester à Rome sera bénéfique pour un quelconque rétablissement. Qu’en pensez-vous ? »

Colinus ne put qu’acquiescer à ces paroles. La capitale portait maintenant trop de mauvais souvenirs, des souvenirs qui risquaient d’enfermer son père dans sa folie, au lieu de l’aider à en sortir. Oui, il fallait trouver une solution. Marius reprit la parole :

« Je crois me souvenir que votre mère était issue d’une branche des Junius Silanus, résidant en Sicile.

— En effet, répondit Colinus. Ce fut sur cette île qu’ils se sont rencontrés, et mariés. Nous y allions passer des séjours forts agréables dans ma jeunesse, jusqu’à ce qu’une épidémie ait presque décimé la famille de ma mère. Il me semble qu’il me reste un oncle, le plus jeune frère de ma mère, et ses enfants… Toutefois, je ne vois pas en quoi cela va nous aider.

— Voyez-vous, j'ai reçu il y a quelques jours une demande, en provenance de la Sicile, de la part de votre oncle justement. Il désire renforcer ses liens avec la famille principale, en rouvrant la succursale qui avait fait la fortune, et la réputation de votre famille maternelle dans le commerce et la banque. J’ai trouvé son projet très prometteur pour les deux partis. Bien que j’aie dû ajourner le contrat le temps de régler cette affaire d’empoisonnement, j’ai toujours l’intention d’y envoyer un homme de confiance pour le mener à bien.

— Vous avez donc pensé à moi.

— En effet. Vous avez été l'assistant de Sol et le mien pendant des années, et je ne vois pas à qui d'autre confier ce projet. Cependant, je vous connais. Vous êtes attaché à la maison mère et à la ville de Rome. De plus, avec l’état de votre père, je ne sais pas si vous êtes en état de…

— Mon cousin, permettez moi de vous interrompre, proclama le père de Lua, qui avait réfléchi tout en l’écoutant. Je suis honoré de votre grande confiance en moi, et en mes compétences. Il est vrai que j'ai beaucoup d'attachement pour Rome, et notre demeure. Cependant, je suis prêt à faire mes preuves, et mon devoir envers notre famille. De plus, je compte amener mon père avec moi. Vivre en Sicile lui rappela que de bons souvenirs, alors peut-être retrouvera-t-il la paix de l’esprit, même sans récupérer complètement sa raison. Je suppose que vous y avez également pensé en me faisant cette proposition.

— En effet, lui sourit Marius, heureux d’avoir été compris.

— Alors, j’accepte cette mission. Je vous demanderai qu'une faveur, continua Colinus. Comme l'affaire demandera surement plusieurs mois, voire années, j'aimerai que ma femme et ma fille m'accompagnent. De plus, je ne suis pas certain de revenir à Rome, au vu de l’état de mon père, et du peu de chance dans son rétablissement. Ma destinée est surement de finir mes jours en Sicile.

— Je vous en remercie, vraiment, déclara Marius en lui serrant la main, reconnaissant du sacrifice auquel son cousin se résignait. Il va de soi que votre épouse et votre fille peuvent faire parti du voyage. Je vais vous transmettre tous les documents, et les dossiers nécessaires pour notre projet et votre périple. Je vais également vous assigner des esclaves qui seront à votre service pour prendre soin de Severus.

— Je vous en suis gré, lui rendit Colinus. Je vais donc prendre congé de vous, car il me faut commencer à préparer mon prochain départ.

— Au revoir, cousin. Je vous reverrai au souper, » salua l’époux d’Idylla.

Sur ce, le père de Lua sortit, et se rendit à ses appartements. Le regardant partir, l’époux d’Idylla était satisfait de la tournure des événements. Il avait conclu une affaire commerciale, tout en réglant un souci personnel. Loin de Rome, Severus ne risquait plus de créer des problèmes. Il espérait également que ce séjour sicilien lui permette de retrouver la raison, au moins pour le bien de son cousin. Ce dernier était un brave homme, qui méritait le respect. Il se demandait tout de même pourquoi Colinus avait accepté aussi vite. Il aurait pensé qu’il serait plus difficile à convaincre. Laissant cette question de côté, il se consacra à d’autres tâches.

Celle qui fut la plus contrariée d’un tel arrangement fut Infama. Son mari lui avait apprise qu'il avait accepté le plan de Marius pour leur avenir. Il s’apprêtait à l’amener sous peu, avec leur fille, jusqu'en Sicile. Il avait également osé lui confier les soins de Severus, dont elle fut informée de la démence. Horrifiée autant par ce départ que par cette dernière nouvelle, elle protesta, en le suppliant de revenir sur sa parole. Voyant qu'il refusait, elle le pria de la laisser à Rome avec sa fille, et de partir sans elles. Là encore, il refusa. Elle se mit alors en colère, et le menaça de divorcer. Après cette menace, Infama pensa avoir gagné, mais elle fut plus qu'étonnée par son mari. Ce dernier lui tint tête pour la toute première fois :

« Madame, il suffit ! Vous désirez divorcer. C’est votre droit, mais sachez que si vous faîtes cela, jamais Lua ne résidera à vos côtés. La loi est claire. Elle restera sous ma tutelle, et aucun juge ne peut me juger mauvais de ne pas vous la confier. Et puis, où iriez-vous ? Dans les rues des bas-fonds où je vous ai retrouvée à errer, et protégée des ivrognes qui désiraient abuser de vous ? Je peux vous y conduire dès à présent.

— Vous n’oseriez pas, n’en revenait pas Infama.

— Bien sûr que oui, si vous décidez de divorcer, se mit presque en colère Colinus, ses sentiments blessés par les menaces de son épouse. Il est temps que vous compreniez que vous avez des devoirs à remplir envers la famille Junius Silanus, et envers moi. J'ai décidé d'accepter la mission, dont mon cousin m'a honorée... De plus, je refuse d'être séparé de ma fille pendant des mois, voire des années.

— Mais…

— L'affaire confiée est importante, et me permettra de me distinguer en tant que chef d'une succursale Junius Silanus en Sicile. C'est ce que vous aviez toujours espéré pour moi, non ?... Que je me distingue !

— Bien sûr, mais…

— Alors, c’est réglé. Nous partirons donc dans une semaine, l’interrompit-il. Préparez-vous, ainsi que les affaires de Lua et de mon père. »

Après ces mots, Colinus quitta son épouse, et partit tout organiser malgré l’heure tardive. Alors, tout avait été décidé, et bientôt, elle sera en Sicile, pensa Infama, de son côté. Tout son plan venait de tomber à l’eau. Jamais elle ne pourra s’élever au-dessus de tous. Elle s’affala sur un fauteuil, et se désola d’une telle décision, avant de, finalement, se résigner, la cage qui s’était ouverte semblant se fermer à nouveau. Les préparatifs se déroulèrent tranquillement durant la semaine suivante.

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