Chapitre 34 Autoportrait
Je commencerai, moi aussi, par mon apparence — puisqu’il le faut.
Je suis d’une taille entre moyenne et grande. Mon corps, que d’autres qualifieraient de féminin, harmonieux ou banal, je le trouve changeant, incertain, souvent difficile à aimer. J’ai la taille fine, les hanches larges, la poitrine modeste, et un ventre que les douleurs rendent instable. Mes cuisses sont solides ; mes joues, rondes. On les dit mignonnes ou enfantines — moi, je les trouve trop présentes.
J’ai tranché mes cheveux blonds. Ils sont courts, épais, indisciplinés, portés en undercut et souvent noués sous un foulard. Ce geste me ressemble : un besoin d’affirmation et de protection mêlés.
Mais mes yeux… ce sont eux, je crois, qui me sauvent du commun. Ils hésitent entre le bleu, le vert et le gris. Leur teinte change selon la lumière, l’humeur, le vêtement. Parfois doux, parfois durs, parfois lointains — ils reflètent l’âme mieux que tout le reste.
Quant à cette âme, parlons-en.
Elle vacille. Elle cherche, elle tombe, elle se relève. Déchirée entre le monde et Dieu, entre la lumière promise et les ténèbres intimes. J’ai reçu une éducation solide, soignée, exigeante ; une mère brillante, des lectures nombreuses, un cadre stable. Et pourtant, j’ai grandi dans le désordre intérieur : TDAH, TCA, OCD — des lettres qui marquent un combat invisible.
Je suis la quatrième d’une fratrie de huit. Le handicap de mon frère cadet m’a appris la tendresse active, le service silencieux. Je suis hypersensible — tout me touche, me transperce, m’épuise ou m’élève. C’est à la fois don et fardeau.
On dit de moi que j’ai une belle plume, une voix d’ange, une vraie fibre artistique. Je veux le croire, car ce sont les seuls langages qui me permettent de respirer vraiment. Mais je manque de constance. De courage. Je m’abandonne trop souvent à l’instinct, à la douleur, au doute. Je suis une amie fidèle, mais une amante confuse ; je suis généreuse, mais souvent dans l’attente d’être aimée en retour.
Je suis ce papillon social qui brûle ses ailes à force de vouloir plaire, comprendre, soigner. Je suis ce regard trop lucide qui n’oublie pas les blessures. Je suis un être de paradoxe : croyante et perdue, forte et vacillante, lucide et submergée.
Mais je suis vivante. Et je veux que ma vie serve. Que mes dons, mes failles, mon chemin blessé deviennent refuge pour d'autres. Si je pouvais choisir un mot pour me définir, ce serait en chemin. Et c’est peut-être là que réside ma plus grande beauté.
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