Chapitre 35 Un grand frère

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On parle souvent des ruptures bruyantes, des cris, des pleurs...

Mais qu’en est-il des ruptures silencieuses, lorsqu’il reste des non-dits, quand le silence est plus bruyant que les cris ?

Je suis née quelques années après mon grand frère.

Notre famille était alors composée de mes parents, de deux petites filles de 7 et 5 ans, et enfin de Barthélémy, 2 ans.

2006

Je pense que mon arrivée a été plus traumatique qu’on ne se l’avoue pour le pitchoun haut comme trois pommes.

D’abord heureux d’avoir une petite sœur, un possible camarade de jeu. Puis, la jalousie, les blessures d’abandon.
La petite blonde, aux yeux bleus, aux grosses joues, était bien plus mignonne et adorée que lui — du point de vue du presque bébé qu’il était encore.

S’ensuivit rapidement une compétition, dès que je fus en âge de la comprendre. Ce fut à qui serait le meilleur. Puis, le harcèlement.

De mon ressenti, atroce. Du sien, sûrement une manière de se protéger, de s’affirmer — ce qui n’excuse rien.

Le processus s’accéléra avec l’adolescence, et devint pire.

Je me souviens des incessantes remarques sur mon physique, mes tenues, mes actes ; des moqueries, des injures.

J’essayais sans cesse de m’excuser, de make things right, d’avoir enfin cette relation grand frère – petite sœur dont les livres me faisaient rêver, et en laquelle ses quelques actes de gentillesse me faisaient espérer.

Je suis certaine qu’il ne se rend pas compte de l’importance que son comportement a eue sur moi.

Je suis encore plus certaine que l’internat n’a pas aidé son sentiment de devoir prouver sa place et sa supériorité.

Quoi qu’il en soit, il devint soudainement silencieux en rentrant au lycée.

Le harcèlement se faisait sentir par l’évitement. Il embrassait ma mère et mes sœurs en rentrant de l’internat — mais pas moi. Il ne me parlait pas, ou très peu.

Enfin, récemment, ces deux dernières années, il est étrangement friendly. Comme si rien de tout ça n’avait jamais existé entre nous. Comme si ne pas en parler effaçait tout.

Pourtant, je n’arrive pas à effacer ce goût amer au fond de ma gorge, cette peur qui me tord les entrailles quand il a un geste trop brusque, un froncement de sourcils trop prononcé.

Devrais-je juste pardonner parce qu’il a oublié ? Changé ?

Parce qu’il est devenu le magnifique jeune homme fiancé à la plus jolie et gentille fille que je connaisse ?

J’aimerais bien…

Mais je ne suis pas sûre que ni ma mémoire, ni mon corps ne parviennent à oublier des années de violence et de haine à peine cachées.

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