Chapitre 1
Le soleil finissait sa course dans le ciel et, sous les arbres de l’ancienne forêt, la luminosité commençait à baisser. Le Prince Balian avait fait sonné le retour de la chasse avec soulagement. La chasse, il détestait cela. En tant que fils aîné, Prince héritier du royaume du Rand, ses devoirs étaient multiples et ce divetissement lui paraissait être une perte de temps. Bien sûr, il savait que cette tradition permettait d’unir les nobles sous la coupe de la famille royale. Participer aux activitées était un honneur que beaucoup se disputaient. Même si le roi ne participait pas.
Le cortège évoluait lentement, il y avait des nobles fatigués à cheval, une carriole transportant les bêtes et enfin tous les serviteurs et autres valets qui cheminaient à pied. Au côté du prince héritier, ses deux frères offraient une joyeuse compagnie. Tymérand, le cadet, et Symeith, le benjamin, n’étaient pas non-plus là de bon cœur. Tymérand aimait la chasse pour le sport, il préférait s’accompagner d’une poignée de bon chasseurs et ne traquait que le gros gibier. Symeith, aimait beaucoup trop les animaux pour se plaire à les chasser. Paradoxalement, c’était probablement le meilleur chasseur, il percevait un animal bien avant tout le monde et ses compétences sur un cheval restaient inégalées parmi ses frères. Il avait, par ailleurs, l'ouï très fine et pouvait repérer un animal se déplacer au loin avant tout le monde. Ses frères avaient depuis longtemps remarqué un léger spasme au niveau de son oreille quand il percevait un bruit soudain. Le phénomène se porduisait actuellement.
- Tu as entendu quelque chose ? demanda Balian.
- Oui... Mais c’est loin, répondit Symeith en fronçant les sourcils.
- Bon, de toute façon, nous sommes sur le retour.
- Cela vient vers nous, rapidement, et c’est très gros,
Il paraissait de plus en plus nerveux.
- Un ours ? Demanda Balian inquiet.
- Il n’y a pas d’ours dans le coin, objecta Tymérand avec un sourir moqueur.
- Cette bête se déplace étrangement. Elle ne se soucie pas du tout du bruit ou des obstacles. C’est étonnant que vous ne l’entendiez pas …
Mais à present, même ses frères l'entendaient. La bête traversait la forêt en direction de le tête de la troupe où se trouvait les princes.
Les chevaux se cabrèrent au moment où l’énorme créature jaillit d’entre les arbres. Ses puissantes mâchoires s’enfoncèrent dans la poitrine de cheval de Tymérand. D’un geste de la tête, la créature secoua l’animal et son cavalier qui se retrouva projeté dans les fourrés. Le cheval fut éventré et jeté à terre.
Le monstre avait les dimensions d’un grizzli, mais son museau était plus allongé et ses poils plus ras. Ses yeux nimbés de rouge exprimaient une fureur surnaturelle.
Symeith décocha une flèche qui vint se ficher dans son dos musculeux sans causer de blessure apparente. La créature se tourna vers lui avant d’être attirée par l’intervention de Tymérand qui la chargeait, lance à la main. La bête voulut donner un coup de griffe à Tymérand, mais ce dernier para le coup en enfonçant son fer de lance dans sa patte. Ayant retrouvé la maîtrise de son cheval, Balian chargea et planta sa propre lance dans le flanc de la bête qui se cambra alors en direction de son assaillant. Symeith tira de nouveau au niveau du cou. La bête semblait blessée cette fois. Les nobles les plus proches des princes tirèrent sur la créature à l’arbalète. La bête leva sa tête et se mit à hurler. Tymérand en profita pour enfoncer sa lance dans la gueule du monstre et transpercer son crâne d’un coup violent. La bête s’effondra raide morte.
Le silence tomba. Tout le monde se rassembla autour du cadavre de la bête. Personne n’avait jamais vu quelque chose de semblable.
Qu'est-ce que c’est que cette chose ? Grogna Tymérand d’un air curieusement décontracté en délogeant la lance du cadavre.
- Un loup-garou, répondit Symeith. J’en ai vu des illustrations à la bibliothèque et les descriptions correspondent bien. C’est une bête possédée par un démon, ajouta-t-il avec frisson dans la voix.
Cette révélation engendra encore plus d’inquiétude dans l’assemblé. Les loups-garous et les autres démons avaient disparu depuis des siècles des régions civilisées.
- Père va être furieux ... L’inquisition devait nous débarrasser de ce genre de monstre, pesta Balian.
Au loin des hurlements se firent entendre, ressemblant étrangement à celui de la bête.
- C’est une meute ! cria Symeith paniqué. Fuyons !
En un instant ce fut le chaos, les serviteurs se mirent à courir, les nobles leur lançaient des ordres à la volée, les chevaux s’affolèrent en sentant l’agitation. Balian siffla forçant le calme.
- Je veux le plus de monde possible à cheval, nous laissons là le chariot. Bors, prends un serviteur et va donner l’alerte, Alfred, tu prends la tête, tout le monde au trot, allez ! »
Les gens s’exécutèrent, le capitaine de la garde attrapa un jeune page par la peau du cou et le hissa sur son cheval avant de le pousser au galop. Le reste de la formation se fit au plus vite dans l’irrespect total du protocole. Les nobles prirent leurs serviteurs sur leur cheval. Tymérand monta avec son frère aîné et Symeith prit son valet avec lui. La troupe évoluait bien, mais trop lentement. Chacun savait que si les créatures les rattrapaient, la victoire n’était pas assurée.
Symeith avait beaucoup lu sur les loups-garous dans des livres peu recommandables. Il savait qu’ils traquaient uniquement des proies humaines et que lorsqu’ils étaient en meute, ils se vengeaient systématiquement du meurtre d’un des leurs. Il savait aussi qu’en neutralisant l’alpha, il neutraliserait tous les autres.
- On doit faire une diversion, lança-t-il.
- J’y ai pensé, répondit Balian, mais comment les attirer ?
- La lance de Tymérand est encore couverte de sang, l'odeur devrait suffire. Donne-la-moi.
- Hors de question, rétorqua Tymérand.
- Je peux le faire Altesse, proposa le Comte de Melk.
- Moi de même, dit Jérôme, le valet de Tymérand.
Balian réfléchissait. Il se serait volontier dévoué mais son devoir n’était pas de se sacrifier. Cependant, l’honneur était toujours de mise et si la Foi ne pouvait pas protéger les sujets du royaume, la maison du Roi se devait de le faire.
- Gustave, vous être trop important pour faire l’appât et vos fils sont encore des nourrissons, répondit-il au Comte. Et toi Jérôme, c’est hors de question, ça serait l’opprobre pour nous tous de laisser un domestique risquer sa vie.
- C’est pour ça que je dois y aller mon frère, lança Symeith. Je suis le meilleur cavalier, j’ai plus de chance de m’en sortir. Il y a le lac de l'Œil à quelques miles d’ici. Je me réfugierais sur un îlot, ils ont peur de l’eau. Je serais en sécurité et vous pourrez rentrer sauf et revenir avec du renfort.
Balian se mordit la lèvre, il détestait cette situation. Risquer de perdre son frère était insupportable, mais risquer la vie de tant de grands seigneurs et de tous les héritiers au trône était inconcevable.
S’il meurt, j’arrêterai les conscriptions pendant dix ans, se promit-il intérieurement.
- C’est d’accord, mais ne prend aucun risque, c’est un ordre. Reste caché jusqu’à l’arrivée des renforts.
Symeith déposa son passager et saisit la lance que son frère lui tendit à contrecœur. Il prit la direction du Sud en soufflant dans son cor. Il fit exprès d’entailler les arbres sur sa route pour répandre l’odeur du sang le plus possible. Quand il fut sûr d’avoir fait assez de boucan, il s’immobilisa pour essayer de se représenter la trajectoire des bêtes. Au bout de quelques minutes, il perçut leur présence au loin, son plan avait fonctionné !
Il repartit au galop à travers les bois. Il fallait maintenant qu’il se dépêche. Il avait menti, l’eau ne les arrêterait pas, même si elles n’aimaient pas ça, rien n’indiquait qu’ils ne savaient pas nager. Mais contrairement à tous les autres, lui savait faire de la magie et en cela il voyait son salut. La magie était interdite pas l’inquisition, qu’on soit prince ou paysan, c’était le bûcher. Symeith était autodidacte en la matière. Il s’entraînait quand il était seul dans la forêt. Pour l'essentiel, il savait faire voler des objets en air. Son plan était d’amplifier le jet de la lance pour qu’elle tue l’alpha, ce qui neutraliserait les autres.
Il lança sa monture qui filait à toute vitesse dans ce qui semblait être la piste d’un cerf. Ils prirent un peu d’avance, car les bêtes devaient, elles, briser tous les obstacles sur leur chemin.
Il arriva à temps sur les rives du lac de l’œil. Il y venait souvent, le lieu était magnifique. Il repéra rapidement sa déstination : un petit îlot non loin de la plage sur lequel se trouvait un grand arbre et une arche en pierre blanche. Symeith descendit de cheval et le guida sur la plage de galet blancs. Il fit nager son cheval jusqu'à l’îlot et se retourna en brandissant la lance.
Symeith n’eut pas à attendre bien longtemps, les créatures surgirent du bois non sans rappeler leur camarade décédé. Elles s’arrêtèrent devant l’eau en fixant leur proie avec avidité. L’esprit de Symeith était à présent totalement plongé dans l’action. Ce n’était pas lui la proie, les loups-garous étaient tombés dans son piège.
Soudain, l'un des loups-garous se dressa et se mit à hurler, imité ensuite par les autres. Symeith avait sa cible. Il projeta sa lance comme un javelot et se concentra. La magie nécessitait un contrôle total, il mit tout ce qu’il avait dans ce tir. La lance transperça la gorge du monstre et poursuivit son trajet dans la forêt.
Epuisé, Symeith s’effondra en même temps que l’alpha qui tomba raide mort. Il avait voulu assurer son tir et avait trop puisé dans son pouvoir. De l’autre côté de la berge, les autres créatures furent légèrement distraites par la mort de leur alpha, mais elles tournèrent rapidement leur attention vers l’îlot avec une rage encore plus palpable. Les livres s’étaient trompés… Symeith n’avait pas la force de se relever pour faire face, il allait mourir en ayant sauvé ses frères.
Les loups-garou bondirent dans l’eau presque à mi-distance de l’îlot. Une lumière vive mais éphémère apparut a la surface de l'eau attirant l’attention de Symeith. Un feu s’était déclenché. Les monstres étaient en train de se brûler comme des fétus de paille. Ils périrent rapidement et continuèrent à se consumer jusqu'à ce que leurs cadavres s’échouent contre la rive. Symeith perdit connaissance en contemplant l’eau qui avait retrouvé son calme.
La lune était bien haute quand Balian arriva en armure complète, avec une troupe de guerre. Ils trouvèrent six cadavres carbonisés sur la rive, un autre un peu plus proche de la forêt avec un trou de la taille d’un galet dans le cou et, sur la rive, le Prince Symeith étendu, immobile.
Balian sauta de sa monture et se rua vers son petit frère tandis que les cavaliers restèrent en retrait. Il trouva Symeith profondément endormi, paisible. Balian soupira de soulagement, une larme roula sur sa joue.
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