Chapitre 2
La Foi est la religion principale des royaumes de l’Ouest. Son influence permit de diminuer drastiquement les guerres entre les royaumes et lança une ère de prospérité. Les soldats abandonnaient leurs lances pour les fourches et les seigneurs de guerre devinrent Prince Marchand. Les royaumes s’affaiblirent et les bourgades devinrent la proie des monstres. C’est sur ce terreau que se fonda la Réforme. L’idée était que ce n’était pas aux Rois de protéger le peuple, mais à la Foi. Une armée de religieux transcendant les royaumes fut créée et domina peu à peu toute la région. Les règles de la Foi se durcirent ordonnant la purification par le feu de tous les infidèles et mettant en place les moyens de réaliser cela. Par crainte, les souverains se plièrent à l’autorité de l’inquisition. Aujourd’hui, l’inquisition est plus crainte que respectée, moins les gens les côtoient, mieux ils se portent. »
Journal de Dame Claudia, conseillère royale.
- Donc, pour résumer : tu as tué d’un coup chanceux le premier de tes poursuivants, tu t’es ensuite mis à l’abri sur l’îlot, le reste est arrivé, ils ont voulu te suivre, mais ils ont pris feu sur l’eau. Dit Balian avec une pointe d’incrédulité.
- Si tu préfères croire que j’ai tué un à un ces monstres et que je les ai brûlés sauf un avant d’aller me coucher ça me va aussi ! répliqua Symeith avec mauvaise humeur. J’admets que tout s’est passé très vite et que je n’ai pas des souvenirs très précis, mais l’important c’est que la situation soit réglée non ?
- C’est loin d’être réglé… soupira Balian. On ne va pas pouvoir cacher ça à l’inquisition. Oh quelle galère ! On va devoir en parler à père.
Symeith avait choisi de ne cacher à son frère que la manière dont il avait terrassé l’alpha. Le phénomène qui avait brûlé les autres monstres lui était inconnu mais il savait qu’il n’en était pas la cause et qu’il n’était donc pas problématique d’en parler. Mais en voyant la réaction de son frère, il se rappela que les inquisiteurs ne s’encombraient pas d’explications face à des phénomènes curieux. Il était toutefois certain que son frère trouverait une solution.
Ils revenaient à cheval du lac, le temps était splendide. Sur les arbres, les fleurs venaient de laisser place aux feuilles et aux fruits. En sortant de la forêt, ils arrivèrent sur les champs. Le blé était encore vert, mais il avait déjà presque toute sa hauteur. Les fourrés le long de routes étaient pleins de fraises. Symeith, affamé, s’arrêta pour en cueillir, mais Balian insista pour que la troupe rentre au plus vite.
Perché sur la corniche rocheuse, le château répandait une ombre protectrice sur la vallée. Des rivières jaillissaient de sources en petites rivières pour irriguer les champs alentour. À mesure qu’ils contournaient la rocaille, les habitations se multipliaient. Abattoirs, tanneries, porcheries et briquetiers se massaient autour des ruisseaux qui se gorgeaient de teinture et de sang. Les faubourgs étaient composés de petites bâtisses de bois misérables qui provoquaient toujours un profond malaise aux princes. Deux gardes somnolents faisaient le guet devant la porte de la ville. En voyant la troupe approcher, ils rentrèrent le ventre et redressèrent fièrement leurs hallebardes.
L’intérieur de la cité contrastait avec les faubourgs, les bâtisses étaient faites à l’aide de pierre de taille grise et surmontée d’un ou deux étages ornés de colombages. Des villageois faisaient la queue çà et là devant de nombreuses fontaines gravées de motifs de poissons ou de coquillages.
La troupe rentra dans la cité royale sous le son des trompettes. Une foule improvisée vint les rencontrer sur la place du Roi. Au milieu des statues des grands héros du royaume se tenait l’estrade utilisée pour les exécutions. Balian s’y dirigea et y grimpa :
- Mes chers sujets, honorez ce jour, car mon frère a sauvé le royaume d’une terrible menace ! Pendant qu’il parlait, un valet vint planter la tête du chef de meute sur une pique derrière lui.
Il y eut quelques cris à la vue de la tête monstrueuse, mais dans l’ensemble, les villageois se contentèrent de pencher leur tête de sorte qu’on ne vit plus qu’une marée de coiffes blanches. Le Prince s’inclina à son tour et repartit.
À partir de la rive-est, l’accès au château se faisait par un long chemin de ronde formant trois lacets. Une fois l’ascension faite et la barbacane franchie, on arrive dans la vaste cour. La troupe fit l’ascension aussi rapidement que possible et tous descendirent de cheval à côté des écuries, à l’entrée de la cour. Là les attendait la reine entourée d’une foule de courtisans parés de couleurs criardes. Il y eut un déchaînement d’allégresse à la vue des deux Princes qui furent saisis par une véritable marée de soie. La Reine ne se montrait pas aussi inquiète que ses fils l’aient pensé même si sa coiffure disait le contraire. Elle avait la fâcheuse habitude d’ébouriffer sa longue chevelure noire quand elle angoissait. La Reine approcha de ses fils, faisant miraculeusement s’écarter les courtisans à mesure qu’elle avançait. Elle voulut parler, mais Balian fit signe de l’interrompre, elle se ravisa alors avec un froncement de sourcils.
- Mes amis ! clama-t-il. Je vois que vous êtes tous d’humeur à célébrer le retour de mon petit frère ! Allez donc lui préparer une fête en l’honneur des parents et amis dont il a sauvé la vie hier.
Sa proposition fut accueillie avec enthousiasme. La foule se dispersa alors et le Prince reprit sa marche. Son frère et sa mère le suivirent.
- Pourquoi tant d’empressement ? grogna la Reine. Votre frère ne peut-il se reposer après avoir passé une nuit en forêt ?
- Désolé mère, et toi aussi Symeith, mais quand on a affaire à la magie la moindre seconde compte.
La Reine ne répliqua pas. Elle suivit son fils dans les couloirs du château, le regard absent. Cette partie du donjon était de facture relativement récente. Les hautes arches décorées de bannières et de tapisseries gigantesques annonçaient le faste de ce lieu. Symeith furetait à gauche et à droite jusqu'à tomber sur ce qu’il cherchait : une servante portant un plat rempli de petits pains. Arrivant à leur destination, ils tombèrent sur le Roi qui attendait impatiemment devant une porte au côté de son fils cadet qui semblait lui aussi anxieux. Autour d’eux, une poignée de conseillers attendaient dans le silence le plus respectueux. En voyant son aîné arriver, le Roi se tourna et entra dans la pièce suivie par la famille royale puis par les conseillers.
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