Chapitre 4

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CHAPITRE 4 : Le Mariage

La sorcière des marais est un personnage folklorique de la région de Thesser. Selon la légende, cette sorcière porterait secours aux femmes en détresse. Ses tarifs sont toujours chers, mais s’adaptent à la condition de celle qui demande son aide. En cherchant, j’ai découvert que des contes semblables existaient à peu près dans tous les territoires connus, ce qui étaye la thèse de la légende. Cependant contrairement aux contes pour enfants, l’histoire de la sorcière des marais se transmet de mère à fille au moment des premières menstruations. Chose étonnante, la Reine Lyssandra partagea ce conte avec ses trois fils, elle leur disait de toujours respecter les femmes pour ne pas craindre le courroux de la sorcière des marais.

Journal de Dame Claudia, conseillère du Roi.

Le mariage était proche et la famille royale avait déménagé provisoirement chez le Seigneur d’Arlestrand à Port-Royal. L'accueil fut grandiose, tout en opulence. Le port faisait depuis longtemps la fortune de cette famille qui rivalisait sans peine avec celle de la famille royale. Le style des Royaumes du sud semblait déteindre sur les hôtes, ce qui agaçait prodigieusement le Roi. Arlestrand était un homme gras qui semblait être tombé sur un étal de soieries. Ses mains couvertes de bagues massives étaient presque inutilisables. Il était bien plus réputé pour son esprit retors et son sens des affaires que pour son honneur. La famille royale connaissait déjà sa fille Léotie qui vivait à la cour, elle avait le même âge que Tymérand et lui tournaient souvent autour. L’aînée de ses filles, Chirine, était une femme peu gâtée par la nature, Balian n’avait jamais vu de femme au regard si froid. Il rencontra également la belle-mère des deux filles qui semblait avoir à peu près l’âge de Symeith. Il ne manqua pas de remarquer la colère dans le regard de la Reine quand elle rencontra la jeune femme.

Il fallait dire que la Reine avait un comportement des plus difficile depuis la disparition de Symeith. Elle passait le plus clair de son temps dans ses appartements à broder, qu’elle détestait, et ne venait ni aux fêtes ni aux conseils.

Le Roi avait également changé depuis la disparition. Il n'assistait plus qu’aux conseils les plus importants ou les plus publics et il réagissait rarement. Il passait ses journées à entraîner les soldats comme il avait entraîné ses fils autrefois. Balian était désormais le véritable souverain du Royaume et il s’attendait à ce que le Roi l’officialise lors de son mariage.

Celui qui inquiétait le plus Balian était en vérité son frère. Tymérand était de plus en plus absent du Château. Il passait la majorité de son temps à boire dans la Basse-Ville. On le croisait souvent dans les bains, assis sur un banc, toujours à la même place et passant son temps à se frotter sévèrement la peau. Balian avait parfois l’impression d’avoir perdu deux frères au lieu d’un. Cela était d’autant plus difficile que la charge du pouvoir lui paraissait monstrueuse sans soutien.

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Dans les royaumes de l’Ouest et particulièrement en Thésserand, le mariage est pauvre en contenu. Originairement, il avait été fondé par les elfes et les rites et traditions qui l’entouraient étaient, donc très liés au folklore elfique. Tout cela fut bien sûr abandonné durant les guerres. Aujourd’hui, le mariage se résume à une longue cérémonie religieuse commençant à midi et durant jusqu’au coucher du soleil. Pour les mariages nobles, la cérémonie est suivie d’une période de fête avec un tournoi. Elle se finit avec un bal ouvert à un large public.

Ce genre d’événement était aussi une immense foire commerciale. Les artisans de tout le royaume présentaient les ouvrages qu’ils avaient réalisés tout au long de l’année. Les tailleurs travaillaient d’arrache-pied pour créer les robes et les habits les plus raffinés, chacun essayant de se démarquer et de lancer une mode. La ville était donc en effervescence et l’atmosphère joyeuse semblait réveiller les tourments de la famille royale.

Le jour du mariage, heureusement, chacun revêtit son masque de personnage public. Le Roi semblait royal, la Reine digne et les Princes charmants. Balian entra dans la chambre des révélations, une petite structure de bois séparé par un rideau, dans laquelle les conjoints se découvrent avant de s’avancer ensemble vers l’autel. C’est à ce moment précis qu’il commença à se demander avec anxiété à quoi pourrait bien ressembler sa future femme. Il espérait qu’elle ne soit pas trop laide, pas idiote, qu’elle ait de la tenue et de la dignité.

Comme Père a eu de la chance, pensa-t-il, en épousant une femme comme mère

À ce moment, le rideau s’envola et il découvrit une jeune femme dans une superbe robe verte. Ce n’était pas la plus belle femme qu’il ait vue, mais elle lui convenait. Son visage était rond, son menton prononcé et ses joues légèrement tombantes. Son port était impeccable, son visage insondable à l’exception de ses yeux qui trahissaient de la curiosité. Balian s’autorisa un sourire, elle le lui rendit, elle était belle quand elle souriait. Ils se tournèrent vers l’autel et Balian lui prit la main. Elle était plus rugueuse que bien des mains de jeune fille, il devinait qu’elle était habituée aux longues chevauchées plus qu’aux travaux d’aiguille. Il sourit, jeta un regard vers l’autel devant lequel attendait un Exarque.

Son corps se raidit, il avait oublié ce détail. À présent, la peur, la colère et le chagrin le traversaient à parts égales. Il se souvint que sa dernière confrontation avec un Exarque ne s’était pas bien passée, il revoyait encore la scène :

C’était une semaine après l’évasion de Symeith, on avait rassemblé la cour pour annoncer la nouvelle plus officiellement aux nobles ainsi que pour informer la décision prise vis à vis du peuple et de l’étrange. Officiellement, Prince avait trahi et s’était fait tuer en tentant de prendre la fuite.

L’exarque avait fait alors une entrée qui était non sans rappeler sa première. Il avait déclaré que les recherches ne menaient à rien et que Symeith avait certainement reçu une aide. Il demanda à interroger la famille royale. Mais alors qu’il discourait, il s’était interrompu brutalement et s'était tourné vers l’arrière de la salle. Les courtisans s’était écarté laissant apparaître une vieille femme en haillons gris, appuyé sur une canne en bois noueux.

- qui es-tu ? avait demandé l’Exarque qui s'était mit à flotter dans sa direction.

  • Je suis la sorcière des marais, avait répondu la vieille femme. Je viens réparer un tort que vous avez causé ici même Exarque.

Sans prévenir, l’Exarque avait créé une flamme au milieu de sa main gantée et l'avait projeté sur la sorcière. Celle-ci l'avait frappé avec sa canne et la trajectoire du feu avait changé pour venir s’écraser contre un mur dans une explosion assourdissante. La sorcière avait frappé le sol avec sa canne et l’exarque s’était effondré.

- La magie a toujours un coût, vous avez levé le déguisement du jeune prince, maintenant je lève le vôtre, avait-t-elle déclaré avant de disparaître en frappant de nouveau le sol de sa canne.

Les soldats inquisiteurs présent s'était rendu auprès de l’exarque. Après avoir chuchoté entre eux ils finirent par lui ôter son heaume. Etait alors apparut la tête d’un vieillard décharné. Il semblait à peine vivant et incapable de porter son armure. La sorcière venait de lui rendre son apparence humaine. Il finit rapidement par succomber, le corps écrasé par son armure.

Cet autre Exarque semblait en tout point semblable. Bien sûr, il était tout à fait normal qu’il soit présent pour une telle cérémonie, mais Balian s’en serait bien passé. Il sentit la poigne de sa fiancée se resserrer sur sa main et lui donner du courage. Il était trop tard pour fuir de toute façon, il devait y arriver. Il vit que son frère scrutait déjà l’assistance, il comprit alors qu’il cherchait la sorcière. Elle avait disparu dans un nuage de poussière la dernière fois, elle pouvait tout aussi bien revenir.

Balian s’était plusieurs fois demandé pourquoi la sorcière n’était pas réapparue. Si la légende disait vrai, la sorcière serait apparue à la demande de quelqu’un et dans un but précis. En l’occurrence, elle avait été appelée afin de venger Symeith, mais le simple fait qu’une femme aussi puissante puisse exister était un sujet d’inquiétude en soi.

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