8.

2 minutes de lecture

Il commença à pleuvoir sérieusement vers dix heures sur Ludvig. La plupart des clients habituels avaient pris leur collation et fichu le camp, rendant le Royal diner aussi triste que désert.

Time after time passait à la radio et Patty fredonnait les paroles en se tortillant une mèche de cheveux. Mais comme elle ne les connaissait pas, elle achevait toutes ses fins de phrase par un oho ou un ing-ing inaudible. Heureusement que son patron s’activait en cuisine et n’entendait rien, sans quoi il ne se serait pas gêné pour se foutre d’elle.

Toutes ses pensées convergeaient vers ce coup de folie qui lui était passé par la tête au matin. Elle avait du mal à remettre clairement le visage du type qui s’était agité en elle comme un labrador en rut, mais elle se rappelait de son nom : Rick Paterson. Elle repensait à leur conversation et à cette espèce d’aura qu’il avait dégagée. D’ailleurs, elle ne pensait qu’à ça. Au charisme. Parce qu’à bien y réfléchir, ce mec était assez crade et pas plus attirant qu’une frite écrasée sous une chaise. Pourtant, elle était tombée dans ses bras sans plus réfléchir. Réfléchir ! C’est pourtant ce qu’on te reproche de ne jamais faire, songea-t-elle en visualisant ses parents. À commencer par son père, Drew Bells, qui ne s’était jamais montré très démonstratif en compliment. Jamais démonstratif en rien, pour ainsi dire. Peut-être cherchait-elle son parfait contraire en Rick ? Une sorte de complexe d’Œdipe inversé.

— T’as pas autre chose à faire que des bouclettes dans ta tignasse ?

Patty, accoudée au bar jusqu’à maintenant, sursauta au point de se cogner un genou sur une chaise haute. Everett se tenait de l’autre côté du passe-plat de la cuisine, la dévisageant. Il avait sûrement profité qu’elle soit cambrée pour la reluquer quelques secondes avant de l’interpeller, profitant que Cindy Lauper chantait et couvrait l’ambiance. Il tenait un chiffon gras sur son épaule, le même chiffon qui avait servi à s’essuyer les mains et la plaque à hamburger, et il semblait clairement attendre une réponse censée à sa question.

— Si, bien sûr. Bien sûr.

Patty avait encore le service du midi à honorer avant la relève d’Ann-Lucy. Elle se dirigea vers la partie de la salle où les chaises étaient encore retournées sur les tables et s’activa à les mettre en ordre.

— C’est un bon début, lui lança Everett Ross. Tu me rejoindras en cuisine préparer les salades après.

Patty baissa la tête tout en s’attelant à la tâche.

— Mais je veux que tu vérifies l’état des toilettes avant. Le sheriff a tendance à humidifier les murs si tu vois ce que je veux dire… Doit avoir une bite en biais ce con-là.

— Oui, Everett.

Patty acquiesçait, Patty validait. Mais au fond d’elle, elle commençait à se demander si ce job était vraiment ce qu’elle désirait. Ce qu’elle méritait.

La réponse était non.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire BriceB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0