8.

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En 1971, le jeune Herber Parlour, onze ans, avait erré deux jours dans les bois avant qu’on le retrouve grelotant et barbouillé de terre. Mais c’était un enfant à problèmes et qui se préparait déjà un beau casier de justice. Surtout, il s’agissait d’un drame familial. Le gosse n’en pouvait plus d’entendre sa mère supplier son mari d’arrêter de la frapper. Ce jour-là, il avait collé un coup de balai à son paternel et pris la fuite. Affaire sans suite. Depuis, en près de vingt ans de carrière, le shérif Hoover n’avait jamais eu affaire à deux disparitions en moins vingt-quatre heures. Il n’enregistrait évidemment pas les cas de fugueurs qui rentraient d’eux-mêmes, la queue entre les jambes, après s’être aperçus que vivre sans boire et manger, c’était dur.

Madame McPherson ne s’était pas attardée très longtemps, la visite ayant plus ressemblé à une procédure de forme qu’à un appel à l’aide comme pour Drew Bells. Hoover n’avait même eu le temps de l’inviter dans son bureau. Elle lui avait raconté son histoire avec aplomb depuis le hall d’accueil. Son ton avait été informatif et factuel. « Paul rentre d’ordinaire à 19 heures. Il m’embrasse, boit un verre de scotch sur la terrasse et me demande ce qu’on mange. Puis, après dîner, il regarde la télé en fumant cigarette sur cigarette, ravale parfois un scotch, et l’histoire se répète ainsi depuis vingt-deux ans. »

Hoover lui avait conseillé de patienter encore deux à trois jours avant de lancer un avis de recherche, ce qu’elle ne contesta pas une seule seconde. On aurait vraiment dit qu’elle livrait une main courante, histoire de se donner bonne conscience, mais qu’elle se fichait pas mal du sort de son mari.

Hoover avait d’ailleurs jugé ce calme un peu louche et s’était permis de lui faire la remarque avant de lui serrer la main. Gentiment. Une réflexion du genre : « C’est bien de garder son sang-froid sans ces situations. C’est pas donné à tout le monde. » Mais elle ne s’était pas laissée abattre et avait simplement répondu qu’elle devait se dépêcher d’aller à la scierie pour rassurer les employés. L’excuse parut suffisamment censée pour que le shérif n’ajoute rien.

Il était presque 8 heures. Hoover crevait toujours autant de faim. Assis derrière son bureau, il réfléchissait à sa journée de la veille et à Patty. Il était entré dans le restaurant à l’horaire habituel. Patty se tenait derrière son bar, à briquer on ne savait quel ustensile de cuisine. Et il y avait ce type. Comment s’appelait-il déjà ? C’était celui qui avait perdu son gamin dans un accident domestique, quelques années plus tôt. Une sale histoire. Le nom lui reviendrait.

En ce qui concernait Patty, elle n’avait pas eu l’air plus perturbée que d’ordinaire.

Everett Ross aurait peut-être d’autres infos, se dit-il.

Il décrocha son téléphone et composa le numéro du Royal diner. Vu le nombre de fois où il avait commandé son plat à l’avance afin de ne plus avoir qu’à poser son gros cul derrière la table en formica, il tapa le numéro instinctivement.

Les tonalités durèrent plus de dix secondes.

— Allo.

— Eh, salut Everett. C’est le shérif Hoover.

— Ah ! Bonjour. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

— Je voulais savoir si ça allait pour vous. Je suis passé ce matin et il semblerait que Patty ait manqué à l’appel.

— Ne m’en parlez pas. J’ai dû passer moi-même la serpillère en arrivant, et je me retrouve tout seul pour servir un bus de touristes qui a comme pas hasard choisi Ludvig comme étape p’tit déj. C’est vraiment la merde. Je bosse déjà jusqu’à plus de 20 heures. Va bientôt falloir que je m’installe un lit dans l’arrière boutique !

Le premier constat du flic fut que Ross employait son ton habituel, même s’il paraissait un brin essoufflé. Mais peut-être se trouvait-il dans la réserve et qu’il avait dû courir jusqu’au téléphone.

— Vous n’avez pas contacté Ann-Lucy ?

— Bien sûr que je l’ai fait. Mais vous savez, les bonnes femmes, le temps qu’elle se pomponnent la tronche. Enfin… pour ce qui reste de la sienne…

Hoover se contenta de sourire bien qu’il ait eu envie d’exploser de rire.

— La jeune Bells n’est donc toujours pas là ?

— Ça non. Quelque chose qui ne va pas ?

— Mhmm. J’aimerais autant qu’on en parle face à face.

Il y eut un court silence.

— Pas de souci. Je bouge pas du restaurant.

— Parfait. À tout à l’heure, alors.

Le shérif approcha le combiné de la base puis le ramena à son oreille.

— Autre chose, Ross.

— Oui.

Il était toujours en ligne.

— Pouvez-vous préparer une douzaine d’oeufs et du bacon frit, le temps que j’arrive ?

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