Élias
Tu vas sûrement jamais lire ça.
Et même si tu tombais dessus, tu comprendrais peut-être pas que c’est pour toi.
Tant mieux. Ou tant pis.
J’en sais rien.
Je t’écris parce que j’ai besoin que ça sorte, même si personne ne me reçoit.
Comme quand on crie sous l’eau : on se noie quand même, mais au moins, ça résonne un peu.
Tu sais, au début, t’étais juste une présence agréable.
Une lumière de passage, comme quand le soleil tape sur la vitre du bus, à une heure parfaite, et qu’on se dit « tiens, ça fait du bien ».
Mais t’es restée.
Et maintenant, chaque détail de toi fait partie de mon quotidien mental.
Ta manière de lever les yeux au ciel quand tu fais semblant d’être saoulée.
Le petit pli qui se forme entre tes sourcils quand tu lis et que tu te concentre.
Ta voix, que je reconnaîtrais dans un brouhaha de foule ou dans un rêve sans image.
Je m’étonne moi-même.
Je pensais pas qu’on pouvait construire autant d’attachement sur des gestes volés, des échanges indirects, des demi-sourires.
Mais voilà.
Je ressens les choses comme un orage silencieux : rien ne bouge dehors, mais à l’intérieur, c’est l’apocalypse.
Tu sais
J'ai pas besoin de grandes déclarations.
J’veux pas de promesses.
Je veux juste continuer à te regarder quand tu ne le remarques pas.
Te poser des questions débiles juste pour entendre comment tu y réponds.
Trouver des excuses pour te parler, même quand j’ai rien d’intelligent à dire.
Même quand j’ai rien à dire du tout.
Tu sais,
j’écoute les chansons que tu postes en story. Même celles que j’aime pas.
Je regarde les films que tu cites, même si c’est pas mon genre.
Je mémorise des anecdotes que tu balances à la va-vite, pour pouvoir les ressortir un jour — pas pour impressionner, mais pour que tu saches que j’écoute.
J’écoute tout.
Toi, surtout.
Tu sais,
Je ne suis pas dupe.
Je sais très bien que t’es libre, que t’as ton monde, que tu navigues sans attaches.
Et je ne veux pas être une ancre.
Je veux juste être une escale.
Quelque part où tu pourrais revenir quand le monde te fatigue un peu trop.
Mais tu sais quoi ?
Même si tu reviens jamais, même si tout ça reste suspendu, figé dans ce non-dit élégant —
je suis content.
Oui. Content d’avoir croisé ton chemin.
Parce qu’il y a des gens qui passent et laissent une trace comme une cicatrice.
Toi, t’as laissé une empreinte.
Un truc doux. Un peu salé. Mais vivant.
Alors je t’écris, sans espoir que ça change quoi que ce soit.
Je t’écris pour moi.
Pour pouvoir dire : j’ai ressenti ça.
Et c’était immense.
Tu comprendras jamais, peut-être.
Ou peut-être qu’un jour, dans dix ans, tu repenseras à moi en buvant ton café.
Tu souriras.
Et tu sauras.
Un peu.
Élias
Annotations
Versions