Épisode 1 : Celui qui revient de Paris
La clé dans la main, elle attendait devant la porte. Elle n’osait pas l’enfoncer. Pas encore. Dix ans, déjà. Dix ans sans cet appartement. Elle aurait dû sourire, sentir une douce mélancolie l’envahir comme les paroles d’une vieille chanson qui lui serait revenue en tête.
Mais rien. Pas de vague de nostalgie, juste une impression bizarre — comme si ce retour sonnait l’aveu d’un échec.
Non, non… Elle chassa cette idée. Elle savait qu’elle avait pris la bonne décision. Elle inspira profondément. Elle le faisait pour…
- Maman ?
La voix d’Emma se fit entendre derrière Rachel.
- Maman ?! Maman !
Cette fois, la jeune fille explosa dans le couloir. Rachel sursauta. Emma n’avait jamais été d’un caractère discret… et l’adolescence n’avait fait qu’empirer les choses.
- Mais qu’est-ce que tu fous, bordel ?
- Je suis là ! répondit Rachel, reprenant ses esprits. Je… je cherchais la bonne clé.
- Sérieux ? Tu n’en as qu’une ! Allez, ouvre, ce carton pèse une tonne !
- Ça va, ça va… J’ouvre, dit Rachel en glissant enfin la clé dans la serrure. Voilà, contente ?
Emma bouscula sa mère pour entrer, lâcha sa boîte au sol dans un bruit sourd.
- Les toilettes ?! Vite !
- Première à gauche, mais doucement, j’aimerais éviter de…
Trop tard, Emma avait déjà claqué la porte derrière elle.
Rachel soupira. Elle qui s’imaginait faire découvrir leur nouvel univers à sa fille avec moult explications et anecdotes… c’était raté. Emma s’en fichait. Comme de tout ce qui ne se retrouvait pas enfermé dans l’écran qui était vissé à sa main vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Rachel parcourut la pièce des yeux. Les précédents locataires avaient laissé quelques meubles. Une table, quelques chaises et un fauteuil scandinave que la moitié des habitants new-yorkais devaient posséder. Pas son style, mais elle ferait avec. Au moins un problème en moins à régler.
Pour le reste, rien ne semblait avoir changé. Le coin cuisine avec sa poutre en bois et ses briques rouges – ce que Monica avait pu pester contre ces briques qu’il était impossible de nettoyer ! La grande baie vitrée et le balcon qui faisait exploser le prix du loyer. Un balcon à New York de nos jours ? Un luxe. Même les murs… s’ils avaient été rafraîchis, les anciens locataires avaient décidé de garder les touches de violet qui donnaient toute leur énergie à cette pièce.
Peut-être était-ce une bonne chose d’être rentrée, pour finir. La même ville, le même quartier et le même appartement, mais… une nouvelle vie.
- Mais c’est quoi cette horreur ? hurla Emma derrière elle.
La jeune fille daignait enfin jeter un œil à leur appartement qui, visiblement, n’était pas de son goût, comme en témoignaient sa voix perçante et son nez retroussé…
- C’était pas censé être remis à neuf avant notre arrivée ?
- Et bien… oui. C’est ce qu’ils ont fait, répondit Rachel. Pourquoi ? Qu’est-ce qui cloche, cette fois ?
- Ce qui cloche, bah tout en fait ! C’est hyper moche, c’est vieux et ça a aucune dégaine. Et cette couleur vraiment, c’est pour m’abattre.
- Qu’est-ce qu’il a ce violet? demanda Rachel, piquée.
- Kim Fletcher aurait fait une crise cardiaque. Cette couleur, c’est juste hyper toxique ! Vraiment pas des bonnes vibes.
- Kim qui ?
- Fletcher ! Maman ! Tu le fais exprès ou quoi ? Kim Fletcher, c’est l’influenceuse la plus suivie sur les réseaux ! Elle a genre des millions de followers. Elle vient chez toi et, genre, elle te refait tout.
Et hop, nouvelle déco pour une nouvelle vie ! Je te jure, elle est trop bien cette meuf.
- Ah oui ? Eh bien si elle t’apprend aussi à… « genre » ranger tes chaussettes sales, je prends direct son numéro !
La jeune fille s’apprêtait à riposter avec force quand des cris retentirent de l’entrée.
- C’est moi qui rentre en premier !
- Non, c’est moi !
- Je te dis que c’est moi !
- Dégage, espèce de dinde farcie !
- Toi, dégage, le binoclard !
Deux enfants d’une dizaine d’années se prenaient par la gorge, dans une bataille enragée que les plus grands catcheurs auraient admiré avec ferveur. Le spectacle semblait aussi au goût d’Emma qui dégaina son téléphone en moins de deux, un sourire aux lèvres.
- Ça suffit !
La voix stridente de Monica ne parvint pas à calmer les deux monstres qui s’écharpaient comme si leur vie en dépendait.
- J’ai dit, ça suffit ! hurla Monica en empoignant chacun d’eux par une oreille avant d’effectuer une rotation du poignet qui eut le don de stopper net le combat de coqs.
- Aïe, aïe, non… maman, pas ça… supplia Erika.
- Pas la technique de tatie Phoebe, renchérit Jack.
- Vous promettez d’arrêter de crier ? demanda Monica.
- Oui, oui, mais c’est elle qui a co…
Jack n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Monica répéta sa prise.
- On arrête, promis ! Mais lâche-nous !
- Bien, je pense que vous avez compris, soupira Monica en se redressant. Chacun dans un coin de la pièce et que je ne vous entende plus !
Elle releva la tête et, d’un coup, son visage passa de « mère en mode carnage » à « tout va bien, je gère parfaitement la situation ». Jack Nicholson n’aurait sans doute pas pu être plus effrayant.
- Rachel !
Monica se rua sur son amie et la serra dans ses bras avec force quasi olympique. Rachel tenta tant bien que mal de parler, mais les mots restaient coincés, quelque part entre l’émotion et la surprise. Elle ne savait pas ce qui la secouait le plus. Avoir survécu à ce combat acharné ou retrouver son amie de toujours, désormais affublée des cernes dignes des pandas les plus tendance et des restes de pâtes à biscuit collés dans les cheveux.
- Bon sang, tu n’as pas changé ! Et cette frange, c’est le dernier cri à Paris, c’est ça ? dit Monica en lui tapant vigoureusement l’épaule du poing.
- Merci… Toi non plus tu n’as pas… enfin, tu as la même énergie, répliqua Rachel en se massant le bras dans un sourire.
- Ça, c’est la maternité. Pour les séparer ces deux-là, il faudrait une ceinture noire de karaté.
Tout à son élan, Monica accompagna ses propos de mouvements dignes de Chuck Norris – l’élégance en moins, la rage en plus. Rachel eut tout juste le temps de se baisser pour éviter de finir KO dès son arrivée à New York.
En se redressant, elle sentit son dos protester dans un craquement discret.
- Bon sang, Monica, vas-y doucement… Je n’ai plus la souplesse d’il y a dix ans et … mes vertèbres te disent bonjour.
- Je savais que les cours de self-défense me seraient utiles. Deux ou trois mouvements et… c’est le calme plat, bondit Monica. Alors, c’est qui la meilleure maman, hein ? Hein ?
- Monica, je n’oserais en aucun cas remettre en question ton don pour la maternité. Mais sur ce coup-là, je doute que ta démonstration de force soit responsable du silence de tes enfants, répondit Rachel avec un sourire en coin.
D’un geste de la tête, elle désigna Erika et Jack, encadrant Emma, le nez vissé sur son écran. Les jumeaux, bouche ouverte et les yeux écarquillés, semblaient subjugués par les images qui défilaient devant eux.
- Vous avez vécu où ces dix dernières années ? demanda Rachel dans un rire. On dirait qu’ils n’ont jamais vu de smartphone de leur…
- On pratique l’éducation sans écran, coupa Monica, soudain très sérieuse. Les études prouvent que cela évite les colères. Les enfants sont plus calmes et…
- Ah pour ça, c’est sûr que ça fonctionne, répliqua Rachel en désignant les jumeaux, immobiles comme des statues. Ils sont très calmes… depuis qu’ils ont le téléphone devant le nez.
La voix de Monica monta dans les aigus.
- Alors, ça y est ? À peine rentrée que Rachel Green me donne des conseils d’éducation.
Monica se dirigea d’un pas décidé vers le trio et saisit le smartphone des mains d’Emma qui se mit à hurler.
- Non, mais elle est pas bien, celle-là ? C’est quoi, ça sérieux ?
- Monica, tenta de s’interposer Rachel,… je pense que…
- Mais tu vas me rendre mon téléphone, oui ! clama Emma.
- Certainement pas… Tu pourras me dire merci, cela te rendra moins idiote, répliqua Monica.
- Monica Geller, tu vas parler autrement à Emma ! gronda Rachel.
Monica, ne l’écoutant pas, commença à courir en direction du balcon. Rachel grogna avec une voix caverneuse et lui sauta sur le dos, essayant d’agripper ses épaules comme si sa vie en dépendait.
- Donne-moi ce téléphone, espèce de pie voleuse !
- Rachel, tu m’étrangles ! Je fais ça pour ton bien !
- Pour mon bien ? Tu viens d’agresser ma fille ! Et on ne touche pas à ma fille !
Monica zigzaguait tant bien que mal entre la table basse et le canapé, Rachel ballotée derrière elle. Les enfants hurlaient de rire et poussaient des cris d’encouragement, comme s’ils assistaient à un match de catch en direct.
- Arrête Rachel, tu vas faire tomber le vase !
- Bien essayé, mais je te signale que tout est encore dans les cartons !
Toutes à leur dispute et à leur combat, elles ne remarquèrent pas le téléphone qui glissa des mains de Monica. Emma se rua dessus à quatre pattes, tentant d’éviter les coups qui pleuvaient.
- Ouf ! il n’a rien… soupira la jeune fille. Trop bien, je vais pouvoir filmer ! ça va cartonner sur mon vlog #folieàNY !
La lutte était aussi intense que si les dix ans d’absence de Rachel n’avaient jamais existé. En quelques secondes, elles étaient redevenues ces deux trentenaires qui se battaient pour une écharpe… ou un cookie.
- Mais tu vas me lâcher, s’époumona Monica.
- Je te lâcherai quand toi tu me lâcheras !
- Dans ce cas… je tombe… tu tombes !
Un BAM sonore retentit quand elles s’écroulèrent sur le canapé, dans un mélange de cris, de cheveux ébouriffés et jurons à peine contenus.
- Ça suffit !
Un cri perçant fendit l’air, suivi du bruit strident d’un sifflet. Rachel et Monica plaquèrent instinctivement leurs mains sur les oreilles, les yeux écarquillés.
- J’ai dit ça suffit ! hurla une Phoebe pleine d’énergie, les bras levés dans une posture théâtrale. Sa mine faussement sévère et sa robe bariolée, qu’Esmeralda aurait sans doute enviée, la transformaient en arbitre improbable du chaos ambiant.
Les deux amies se regardèrent, haletantes, se rendant soudain compte de l’absurdité de la situation.
Ces quelques secondes de calmes métamorphosèrent le visage de Gorgone de Phoebe en celui de Miss Amérique, sourire éclatant inclus.
- Rachel ! Qu’est-ce que je suis contente de te voir, clama Phoebe.
Elle fit quelques petits bonds sur place avant de se précipiter sur le canapé et de sauter sur ses amies.
- Comme au bon vieux temps ! Vous qui vous bagarrez et moi qui arbitre ! J’adore, j’adore, j’adore !
- Pas faux, Phoebe, répliqua Rachel.
Et toutes les trois éclatèrent de rire sous le regard incrédule des enfants qui ne comprenaient pas comment on pouvait passer d’une émotion à une autre à une telle vitesse. Décidément, leurs mères ne cesseraient jamais de les surprendre.
- Mike n’est pas là ? demanda Rachel
- Il s’occupe de Peach, Apple et Kiwi.
Rachel hoqueta. Bien entendu, elle connaissait le nom des triplés, mais l’entendre les prononcer avait un côté… détonnant malgré tout.
- Et.. euh… les jumeaux ?
- Banjo et Jango ? Chez Ursula
Rachel lui lança un regard interrogateur. Ursula ? La sœur maudite ? Vraiment ?
- Oui, je sais que cela t’étonne, mais nous avons entrepris une « thérapie de sororité » et il faut que « j’apprenne à lui faire confiance ».
- En… commençant par lui laisser tes enfants ?
- Oh, ne t’inquiète pas. Ce sont de véritables terreurs. Si il y en a une qui risque quelque chose, c’est bien Ursula. Pas les jumeaux.
Des jumeaux et des triplés. Phoebe et Mike avaient toujours voulu une famille nombreuse et, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils y étaient parvenus, se dit Rachel. Elle jeta un œil à Emma, lobotomisée par son téléphone. Une ado à maîtriser, c’était déjà bien assez. Et quand elle voyait les furies qu’étaient devenus Jack et Erika chez Monica, elle se demandait bien comment Phoebe et Mike pouvaient gérer toute cette marmaille. Très peu pour elle. Elle aspirait à plus de calme et d’organisation dans sa vie.
Misère, voilà qu’elle réfléchissait comme Monica. Non, non… Tout, mais pas ça… Elle et Chandler devaient sans doute… D'ailleurs...
- Où est Chandler ? demanda-t-elle.
- Il devrait bientôt être là, répondit Monica dans un soupir. Je lui ai donné une liste de courses pour que tout soit parfait à ton arrivée, mais… j’imagine qu’il a encore dû se perdre dans les rayons du magasin. Tiens, quand on parle du loup…
Un Chandler épuisé, les bras chargés de sacs mais le sourire vissé aux lèvres franchit le seuil de la porte.
- J’ai survécu ! Si vous voulez me remercier, j’accepte les espèces ou les cookies. Le paiement en nature est aussi autorisé, dit-il en se tournant vers Rachel. Viens-là, ma grande !
Les deux amis tombèrent dans les bras l’un de l’autre.
- Ça fait quoi ? Dix ans ? demanda Chandler. En tout cas, tu n’as pas changé. Quoique… le nez peut-être ?
- Une chose est certaine, ton humour n’a pas changé d’un iota, Chandler Bing, répliqua Rachel en lui tapant l’épaule, faisant mine d’être vexée.
- Je confirme, soupira Monica en farfouillant dans les sacs et en commençant à tout ranger et organiser comme si elle était chez elle. Aucun changement en vue. D’ailleurs, où as-tu mis les pâtes sans gluten ? Et le quinoa.
- Pas trouvé… En même temps, celles avec ou sans gluten, on s’en fiche un peu, non…
- Mais enfin, Chandler… Je t’ai dit qu’Emma était intolérante ! cria Monica.
- Tu sais, ce n’est pas grave, tenta d’intervenir Rachel qui voyait la situation s’envenimer. Décidément, certaines choses ne changeraient jamais…
Monica ne l’écouta pas et continua à invectiver Chandler.
- Tu n’as pas suivi la liste ? J’avais tout organisé par rayons.
- Ah si, je l’ai vue… Je pense même que le gérant du magasin l’a gardée pour l’encadrer. Par contre, j’ai dégoté une pépite qui n’était pas dans ta liste… Des biscuits en forme de dinosaures. Ça devrait faire plaisir à Ross, non ? D’ailleurs, où est-il ?
Monica lui lança un regard assassin, tentant tant bien que mal de lui faire comprendre qu’il ne devait pas s’aventurer sur ce terrain-là…
- Il ne viendra sans doute pas. Il avait ce… cette « exposition »… tu te souviens ?
- Ah oui… L’ « exposition », articula Chandler dans une mimique théâtrale digne des plus mauvais acteurs hollywoodiens.
- C’est bon, les gars, les interrompit Phoebe. Rachel n’est pas idiote. Elle a bien compris que Ross ne voulait pas la voir…
Le silence se fit dans la pièce. Même les enfants levèrent leur nez du GSM d’Emma, conscients de la tension. Tous les yeux se tournèrent vers Rachel.
- Il ne veut pas… ? Ah… vous êtes sûrs? Pourtant, au téléphone, il semblait… enthousiaste, dit Rachel d’une voix tremblante.
- Bon, et bien oubliez ce que j’ai dit, poursuivit Phoebe. Rachel, tu es une idiote pour finir. Sérieusement, tu pensais qu’il allait t’accueillir à New York avec un bouquet de fleurs ? Que tout serait comme avant après tout ce qui s’est passé ?
- Je… à vrai dire, je ne sais pas, souffla Rachel.
Plus un bruit... À peine une respiration. Personne n’osait plus intervenir de peur d’empirer la situation. S’il était possible de l’empirer davantage. C’est le moment que choisit Joey pour entrer dans l’appartement.
- Salut, la compagnie !
D’un pas décidé, il se dirigea vers le frigo, l’ouvrit et prit une bière. Il bifurqua ensuite, sans un regard pour personne vers le canapé, où il s’installa confortablement. Ses yeux se mirent à circuler de la gauche vers la droite. Il souleva un coussin, puis l’autre et jura.
- Mais enfin, où est-elle passée ? Elle est toujours là, normalement. Sur la petite table basse.
- Euh, Joey, de quoi parles-tu, le questionna Monica.
- Ben de la télécommande… c’est quand même dingue ça…
Soudain, ses yeux s’écarquillèrent.
- Mais, mais… Ce n’est pas possible.
Rachel s’avança vers lui en souriant, pensant qu’il l’avait enfin remarquée… Mais Joey désigna le mur.
- Où est-elle passée ? Elle est toujours là, normalement. Sur la petite table basse. Où… où est la télé ?
- Je n’ai pas encore… tenta Rachel.
Joey ne la laissa pas terminer et se leva d’un bond.
- Il y a un voleur dans l’immeuble ! Rachel, tu dois absolument appeler les… Rachel ? Rachel !
Il ouvrit les bras, courut vers son amie et la souleva en la faisant tournoyer dans la pièce.
- Ça y est, expliqua Chandler. La lumière est enfin allumée à l’étage. Avec Joey, ça prend toujours un peu plus de temps. Faut l’excuser, il ne connaît pas le principe de la vitesse de la lumière…
- Oh, c’est bon, lui répondit Joey. Et puis c’est n’importe quoi, ton truc, là. La lumière ne court pas à ce que je sache. Qu’il est bête parfois, soupira-t-il en hochant la tête les yeux fermés.
- Mais enfin, Joey. Tu as quand même bien dû voir qu’il y avait du changement… interrogea Phoebe. Ça fait, quoi, dix ans que tu n’es plus rentré dans cet appartement ?
- C’est le principe du réflexe de Pavlov, répliqua Chandler. Un chien revient toujours vers son morceau de steak.
Il se mit à rire, fier de sa blague que la plupart n’avaient pas comprise, Joey le premier.
- N’importe quoi. Ils ne s’appelaient pas Pavlov, les anciens locataires. C’était les MacArthur. Et ils n’avaient pas de chien, d’ailleurs. Mais très sympas… Ils n’ont pas appelé la police la première fois que je suis rentré chez eux par erreur. Donc, j’ai continué à venir.
- Tu as continué à entrer chez tes voisins sans frapper alors que c’étaient des inconnus ? demanda Rachel, estomaquée.
- Bah, crois-moi, après avoir vu John sur le pot et Alice sous la douche… ce n’était plus des inconnus pour moi… Ah, Alice… répéta Joey d’un ton rêveur. Si seulement elle n’avait pas si bien visé en m’envoyant le savon à la figure… Bref, il fallait bien que je me nourrisse…
- Joey, répliqua Monica. Je te rappelle que tu as aussi ton propre appartement au-dessus de notre garage. Et ne viens pas me dire que je ne te donne pas tous les jours de quoi manger.
Son regard était assassin. Joey comprit très vite qu’il devait faire profil bas. Surtout s’il voulait encore profiter des gâteaux de Monica à l’avenir…
- Bien sûr, bien sûr… il fallait juste que je vous laisse un peu de… comment ça s’appelle déjà ?
- D’intimité ? proposa Rachel.
- C’est ça, l’intimité, articula Joey, comme un enfant qui vient d’apprendre un nouveau mot. Jamais trop capté pourquoi tout le monde fait tout un foin autour de ça mais… bref.
Il se rassit dans le canapé et chercha à nouveau instinctivement la télécommande.
- Mais c’est pas vrai, ça. J’ai encore oublié.
- Mon Dieu ce qu’il est idiot, soupira Emma, dans son coin, sans même relever la tête de son écran.
- Hey ! On ne parle pas comme ça de son tonton Joey. En plus, tu ne sais jamais quand tu auras besoin de moi. Toujours là pour rendre service.
Son regard parcourut la pièce qui lui semblait bien vide sans la télévision.
- D’ailleurs, si vous voulez un meuble télé - ce qui ne ferait pas de mal à cet appartement, je suis votre homme. J’ai pas mal d’expérience pour rappel…
- Pas si elle tient à sa porte… répliqua Chandler en haussant les épaules.
- Ou je peux aussi te donner plein de tuyaux pour séduire les garçons et faire le mur sans que personne ne le voie, poursuivit Joey, sans prêter attention aux propos de Chandler.
- Mais ça va pas la tête, hurla Rachel ! Tu ne t’approches pas de ma fille avec tes idées foireuses…
Emma daigna cette fois lever le nez et regarda sa mère dans un petit rire.
- Maman, je vais avoir quinze ans, pour info. J’ai pas besoin des conseils d’un vieux. Je sais très bien gérer toute seule…
- Comment ça… ? vociféra Rachel.
- Bon, bon, tenta de tempérer Monica. Et si on s’installait, plutôt ?
Tous se tournèrent vers elle. Pendant la conversation, Monica avait eu le temps de réchauffer les lasagnes qu’elle avait préparées, de mettre la table et de ranger toutes les courses de manière ordonnée. La cuisine était immaculée.
- Mais… comment ? Comment as-tu fait pour ? s’étonna Rachel.
- J’avais pris un peu d’avance et puis… oh, tout ça m’avait tellement manqué ! Faire à manger pour tout le monde. Comme au bon vieux temps.
Voir chacun s’installer à table et commencer à dévorer la lasagne – ou la terminer, pour Joey n’aurait pas pu davantage combler Monica, qui savourait l’instant.
- Tout est absolument parfait ! Enfin, presque parfait… Il ne reste plus que…
- Bonsoir…
La voix venait de l’entrée. Ross se tenait là, les mains dans les poches de son manteau, un peu raide, le regard fixé sur Rachel. Elle, figée, le dévisageait, à la fois surprise et bouleversée.
- Papa ! hurla Emma en bondissant de sa chaise.
La jeune fille se précipita dans les bras de son père qui rit de bonheur. Chandler, lui, sentit la tension monter et tenta d’alléger l’atmosphère.
- Oh, tiens, je pensais que tu avais une… « exposition » lança-t-il avec un air faussement naturel, les doigts dessinant des guillemets tremblants.
Il accompagna sa phrase d’un sourire figé – le genre de sourire crispé dont lui seul avait le secret. Monica ferma les yeux, exaspérée.
- Très discret, Chandler...
- Quoi ? J’essaye de faire du soutien conjugal.
Rachel s’était levée et faisait face à Ross. La tension était à son comble.
- Tu es venu, pour finir ? tenta Rachel d’une petite voix.
- Pas pour toi. Pour Emma. Tu te rappelles, notre fille que tu as emmenée à Paris ?
Emma, sentant que la situation dégénérait, s’était éloignée de Ross et avait dégainé son téléphone. Ross parcourut la pièce des yeux.
- Et bien, je vois que tu es déjà bien installée. Tu comptes donc rester… cette fois ?
C’est le moment que choisit Emma pour prendre ses parents en photo qu’elle s’empressa de poster sur les réseaux. #Nouvellevie #nouveauxdrames #WelcomebackinNY.

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