Épisode 3 : Celui qui devient végétarien
- Et pourquoi je n’aurais pas le droit de t’interdire de voir ce… Tom ? Sous ses belles apparences, crois-moi, c’est sûrement un vaurien qui…
- Vaurien ? M’enfin p’pa, plus personne n’utilise ce mot-là à notre époque, se moqua Emma.
- Et bien, un voyou ou une « racaille » si tu préfères, lâcha Ross en mimant les guillemets avec ses doigts. Dans tous les cas, connaissant ses mères, il ne peut pas être quelqu’un de bien. Surtout s’il suit l’exemple de… Suzanne.
Il articula ce prénom tant détesté dans un murmure, comme s’il avait peur qu’elle apparaisse soudain au coin de la rue.
- Si, c’est quelqu’un de bien… et Suzanne aussi, figure-toi. Tu le verrais si tu ne te braquais pas contre elle. Et puis je décide encore avec qui je sors ! Va falloir t’y faire, p’pa. Je suis grande maintenant. Quinze ans, c’est quasi adulte à notre époque, t’sais ? Donc c’est bon avec tes crises, là !
Ross soupira en remontant le col de sa veste. Non, décidément, il ne pouvait pas se faire à l’idée que sa fille, sa toute petite fille, grandisse si vite – et qu’elle soit avec le fils de Suzanne, beurk ! Ils étaient quasi… demi-frères et sœurs, là, non ?
Il avait l’impression qu’hier encore, Emma était bébé et qu’elle était devenue ado en un clin d’œil. En réalité, c’était un peu ce qui s’était passé. Tout ça à cause de Rachel qui avait choisi de… Et voilà justement qu’elle la ramenait, celle-là…
- Elle a raison sur un point, Ross, lâcha Rachel en ajustant son écharpe autour de son cou. Elle a grandi et elle est capable de prendre ses décisions. Quant à toi, jeune fille, dit-elle en pivotant vers Emma, je te rappelle que tu ne les as pas encore tes quinze ans. Que non, on n’est pas adulte à quinze ans, loin de là et que, dans tous les cas, tu nous dois le respect à ton père et à moi, c’est bien clair ?
- Ça va, c’est bon quoi… lâcha l’adolescente dans un soupir.
Ross profita de cette intervention de Rachel pour se tourner vers sa fille et lui tirer la langue, dans un sentiment de victoire. Rachel, qui avait aperçu son petit manège, s’énerva :
- Sérieusement, Ross ! Tu ne m’aides pas, là ! J'imagine qu'on n’est pas forcément adulte non plus passé la quarantaine, ragea-t-elle, exaspérée.
- C’est bon, m’man… Calme-toi. Tati Phoebe a raison, faut que tu te décoinces un peu.
- Ah, donc, je prends ta défense et voilà ce que je récolte ? Et bien merci !
Ross s’esclaffa en entendant cette conversation… Rachel qui avait toujours été tendance, devenait, aux yeux de leur fille, la ringarde de la bande. Il entama une petite danse, en plein milieu de la rue, en effectuant des moulinets avec ses bras et en chantant :
- Qui c’est le parent cool, maintenant ? Qui c’est ? Qui c’est ? Hep, hep, hep !
- Papa, ça va pas ou quoi ? T’as l’air complètement stupide, là ! Bon sang, mais c’est juste pas possible d’avoir des vieux qui foutent la honte comme ça.
- Alors, comme ça, on te fiche la honte, demanda Rachel, soudain survoltée ? Et qu’est-ce que tu dis de ça ?
Elle se mit à danser au pied de l’appartement avec des mouvements tous plus ridicules que les autres, mimant un concert de rap raté, sous les éclats de rire de Ross.
- C’est notre fille, Yo ! Yo ! Elle s’appelle Emma, Yo ! Yo ! E-M-M-A !
- Mais sérieux ? fulmina l’adolescente, en entrant dans l’immeuble en un temps record. Ça m’étonne pas que vous ayez été ensemble tous les deux. Aussi barrés l’un que l’autre… Au secours, quoi !
Et elle se précipita dans la cage d’escalier comme si une nuée de paparazzis pouvait capter ce moment de honte intense.
- C'est bon de se lâcher un peu, plaisanta Rachel. Ça faisait longtemps…
- Pas facile le métier de parent, hein ?
Rachel se prit la tête dans les mains.
- Oh non ! Et quand je pense à tout ce que j’ai fait subir aux miens… Ils mériteraient une médaille.
- Attends, attends, ici… ce n’est que le début… N’empêche que pour Tom… répéta Ross.
- On peut parler d’autre chose ? Apparemment, Joey a quelque chose à nous annoncer…
Elle ouvrit la porte de l’appartement et découvrit toute la smala en pleine conversation.
- Eh bien, ça n’a pas changé, à ce que je vois. Vous êtes entrés comment ?
- Ben j’avais gardé un double, tiens, lança Joey avec un grand sourire.
Monica, de son côté, était aux fourneaux à côté d’une jeune femme blonde élancée qui ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans. Ses cheveux descendaient en cascade le long de son dos et son jeans mettait parfaitement en valeur ses formes. Sans même la connaître, Rachel ne put s’empêcher d’éprouver un sentiment de jalousie.
Les rides apparaissaient à présent sur son visage, et le maquillage ne suffisait plus. Son corps avait bien changé depuis la naissance d’Emma et les nombreuses séances de pilates ne résolvaient pas tout. D’ailleurs… nombreuses, nombreuses… cela faisait un petit temps qu’elle n’avait pas pu en faire. Entre le déménagement, les entretiens d’embauche et Emma, le sport n’était clairement pas dans ses priorités. Que ne donnerait-elle pas pour avoir de nouveau la vingtaine et n’avoir qu’elle-même à gérer.
Rachel secoua la tête. Non, non, Emma était ce qui lui était arrivé de mieux et, même si ce n’était pas facile tous les jours, elle ne changerait sa vie pour rien au monde… N’empêche que…
- Rachel, Ross, voici Sarah ! Je l’ai rencontrée grâce à la vidéo d’Emma. D’enfer, non ? Enfin, la vidéo, je veux dire… bref…
La jeune blonde se retourna et s’approcha d’eux dans un sourire.
- Salut ! Je suis trop contente de vous voir ! Rachel, Joey n’a pas arrêté de me parler de toi. Et il n’a pas menti, tu es splendide. C’est vrai que tu as travaillé pour Ralph ? C’est incroyable !
Et sympa, en plus de ça… se dit Rachel.
- J’espère aussi avoir fait toutes ces choses… à ton âge ! En plus, à ton époque, les droits de la femme… c’était pas encore top top. Je t’admire !
Rachel faillit s’étouffer. Elle n’avait pas connu la guerre, non plus… Pour qui se prenait cette dinde décharnée ? Vexée, elle se retourna vers Monica, évitant de répondre à Sarah. Si elle l’ouvrait, ça risquait de piquer. Elle avait peut-être plus le même corps qu’il y a vingt ans, mais elle n’avait rien perdu de sa répartie. Ne pas blesser, Joey, se dit Rachel. Ne pas blesser Joey.
- Monica, tu as besoin d’aide ?
Tout en continuant à préparer tous ses ingrédients, Monica rétorqua, concentrée :
- Sérieux, Rachel… toi en cuisine ? La seule fois où j’ai vu ça, tout le monde a failli s’étouffer avec ton diplomate à l’anglaise.
- C’était pas si mauvais…, répliqua Joey.
- Oui, mais pour toi, tout est bon !
- Pas faux… D’ailleurs j’ai hâte de goûter ton… comment tu appelles ça déjà ?
- Un « Buddha bowl au quinoa avec tofu grillé et kale ».
Ross écarquilla les yeux en voyant Joey hocher la tête avec un sourire jusqu’aux oreilles. Il se retourna vers Chandler, affalé dans le canapé. Ce dernier haussa les épaules, dépité. Il ne dit rien, mais son visage exprimait beaucoup, tandis que Rachel éclatait de rire.
- Très drôle ! Étonnant que tu ne sois pas encore parti en courant, Joey. Monica, je suis consciente que tu te prépares pour ton concours et qu’on vous impose sûrement ces… machins tendance végé ou végane, je n’en sais rien. Mais pour Joey ? T’as fumé ou quoi ?
Cette fois, Monica prit le temps de se tourner vers Rachel, l’air tout aussi peu convaincu que ses comparses.
- C’est… Joey qui me l’a demandé. Enfin, Sarah. Bref…
- Joey accepte de devenir végétarien pour moi, l’interrompit Sarah, rayonnante. C’est hyper romantique, vous ne trouvez pas. Il a compris que c’était mal de tuer de pauvres animaux pour remplir son estomac, n’est-ce pas mon ours d’amour, dit-elle en tapotant la joue de Joey.
Les amis se regardèrent, médusés. Ils ne savaient pas ce qui les dérangeait le plus. Que Joey s'adonne au végétarisme – la blague – pour une femme, ou que cette dernière lui parle comme à un enfant qu’on féliciterait par un bon point. Monica tenta d’interrompre le moment de malaise.
- À table ! C’est prêt !
- Ne compte par sur moi pour manger ce… truc, grommela Chandler dans son coin.
- De toute manière, ce n’est pas pour toi. Avec ton sens gastronomique proche de zéro, tu gâcherais tout, comme d’habitude.
- Bon, je vois que je dérange… encore une fois, lança Chandler en se levant du fauteuil. Je vais rechercher les enfants à leur cours de karaté pendant que tu continues à t’entraîner pour ce merveilleux concours.
Il quitta l’appartement en marmonnant dans ses dents :
- Et quand tu auras cinq minutes à m'accorder, préviens-moi que je les bloque dans mon agenda.
Pendant que Joey s’apprêtait à relever son défi, la bande ne remarqua pas les tensions au sein du couple de leurs amis. Et puis, après tout, Monica n’avait-elle pas toujours eu un fort tempérament ? Chandler ne pouvait-il pas se montrer ronchon de temps à autre ?
Joey s’assit, près à déguster le repas cinq étoiles et zéro viande de Monica. Phoebe, qui n’avait rien dit jusque-là, ne put s’empêcher d’intervenir :
- Tu sais, ce n’est pas facile de devenir soudainement végétarien… Si tu ne le sens pas, tu ne…
- Si, si, il le sent, la coupa Sarah. N’est-ce pas mon Choubidou d’amour, que tu le sens ?
- Et bien si le « Choubidou d’amour » le sent, moi pas, répliqua Phoebe, vexée d’avoir été interrompue par cette oie blanche. Je retourne au Center Cats avec Mike. Joey… bon courage. Tu es un héros aux yeux de la patrie, dit-elle, mélodramatique à souhait, en claquant la porte.
Rachel ne savait pas si, en évoquant son héroïsme, Phoebe parlait du végétarisme de Joey ou de sa capacité à supporter cette Sarah. Un peu des deux sans doute.
- Tonton Joey, intervint Emma. J’peux te filmer pour mon vlog ? « Comment l’amour change quelqu’un en moins de deux ? ». Ça ferait fureur, c’est sûr !
- Euh, oui… si tu veux…
Joey avait un peu perdu de ses couleurs. Pas sûr de vouloir « changer » ou « être changé » comme le disait Emma. Mais Sarah était si belle, si dynamique, si… oui, il fallait bien faire des efforts, dans un couple, non ? Il prit sa fourchette et commença sa dégustation.
- Mhmmm… ch’est… pas mauvais, dit-il la bouche pleine, ne parvenant pas à avaler.
- Pas mauvais ? rugit Monica. Avec toi, ça veut dire catastrophique, ça. Mon Dieu, je vais rater ce concours, c’est sûr !
Elle s’effondra sur la table, dépitée.
- Mais non, renchérit Sarah. C’est succulent, Monica. Sérieusement. J’en parlerai à mon groupe, les « amis des animaux ».
- C’est vrai ? Tu me le jures ?
Monica avait relevé la tête et regardait Sarah comme si elle était face à une apparition divine. Joey voulut approuver, tout occupé à faire bonne impression sur Sarah.
- Oui, oui. C’est… très… bon. Tu peux juste me passer le paquet de lards dans le frigo pour donner un peu plus de goût à…
- Du lard ? s’exclama Sarah.
- Ben oui, ça ajoute du…
- Mais c’est de la viande, Joey !
- Le lard, c’est… de la viande ?
- T’es con ou tu joues le jeu ? lâcha une Emma sans filtre – pour une fois – et toujours en train de filmer.
- Emma ! rugit Ross. N’en rajoute pas ! Et ferme cette fichue caméra !
- Un téléphone, c’est un téléphone…
- Emma !
- Bon, bon, ça va…
Joey, tout perdu face à cette révélation, tenta une nouvelle solution.
- Ah, bon ben… du jambon alors.
- Tu le fais exprès ou quoi ? s’agaça Sarah. Le jambon aussi c’est de la viande. Comme le saucisson, le pastrami, le chorizo, la dinde, le…
- Attends, y a des exceptions pour Thanksgiving, quand même ?
Désolés, Monica, Ross et Rachel le regardaient se décomposer au fur et à mesure des annonces. Il n’avait visiblement pas saisi l’ampleur de l’effort à fournir.
- Non, pas d’exception. Mais ne t’inquiète pas, je suis sûre que Monica pourra nous préparer quelque chose de succulent à la place. N’est-ce pas, Monica ?
Monica se renfrogna. Elle aimait qu’on la flatte, qu’on la challenge… Mais là, Sarah en demandait trop. Et son ton condescendant commençait sérieusement à l’agacer. Sans compter qu’elle n’avait pas dormi depuis des jours avec l’arrivée de ce concours qui pourrait influencer toute sa carrière. Donc, non, elle n’avait pas envie de sourire à Sarah et à ses cheveux peroxydés, même pour faire plaisir à Joey.
Rachel, qui voyait que Monica était sur le point d’exploser, tenta de calmer la situation.
- Sarah, ça te dirait une petite séance shopping ? Ça nous permettrait de faire davantage connaissance et… je pourrais te donner des conseils.
Ross lui lança un regard reconnaissant.
- Super idée ! s'écria la jeune femme enthousiaste. Et moi, je pourrai t’expliquer la dernière mode à New York, dit-elle en observant Rachel. Ça a bien changé depuis le temps, tu sais ?
Rachel soupira. Bon sang que cette journée allait être longue. Très longue… Joey de son côté, était ravi de voir une complicité s’installer entre sa belle et ses amis. Il était tellement amoureux qu’il ne remarquait pas les signes d’agacement qui commençaient à animer tout le monde.
- Ça ne te dérange pas si je vais voir les Knicks avec Chandler, ce soir, au Madison Square Garden ?
- Bien sûr que non, répliqua Sarah d’un ton pincé. C’est… ton ami après tout. Mais tu vas me manquer mon roudoudou !
- Comment ça, un match… Encore ? Je n’étais pas au courant, moi ! grogna Monica.
Joey la regarda, les sourcils redressés.
- Ben si ! Tu étais là quand on en a parlé et tu as même dit que, de toute façon, tu avais du boulot pour ton concours et que…
- oui, bon. Ça va, ça va… Ne vous en faites pas pour moi, lança dramatiquement Monica les yeux et les bras levés. J’ai l’habitude…
Sur ces paroles, chacun fila à ses occupations. Rachel et Sarah partirent dans leur folle virée shopping, laissant Emma libre de poster ses vidéos et d’envoyer des tonnes de messages à Tom.
Ross, enfin seul, s’affala dans le canapé pour regarder un épisode passionnant sur l’effet que la caféine aurait pu avoir… si elle avait existé au temps des dinosaures. Fasciné, il hocha la tête tout le long de l’émission comme si chaque seconde dévoilait une nouvelle révélation scientifique.
Phoebe et Mike s’occupèrent de leur joyeuse tribu, jonglant entre les bêtises des enfants et les câlins des chats – ou inversement – tandis que Monica essayait tant bien que mal de mettre ses jumeaux au lit pour tenter sa dernière recette. Erika et Jack avaient d’autres plans, évidemment…
Chandler avait culpabilisé un temps à l’idée de laisser Monica gérer seule les enfants. Mais ces derniers temps, il avait l’impression d’être dépassé et il décida de profiter de l’occasion : une soirée entre amis, devant un bon match, sans devoir courir après des jumeaux en folie…
Le lendemain après-midi, ils se retrouvèrent au Central Cat, reprenant leurs vieilles habitudes.
- Où est Joey ? demanda Phoebe en comptant les membres du groupe.
Chandler, après avoir jeté un bref coup d’œil à son téléphone, répondit, dans un soupir :
- Il va arriver… Sarah est parvenue à le traîner à une convention des « Amis des animaux ».
- Oh, mais c’est chouette ! s’exclama, Phoebe, hystérique.
- « Comment convaincre votre cactus de ne pas manger d’insectes » ? Oui, tu as raison, c’est choueeeeeetttte ! rétorqua Chandler d’un ton sarcastique en imitant Phoebe. Cette fille est tarée et elle va nous changer notre Joey.
- Faut avouer qu’il n’a pas tort, répliqua Rachel. J’ai passé l’après-midi à faire du shopping avec elle. Il me semble que j’ai de l’expérience dans le domaine, non ?
- Ah, ça oui… Avec toi, les cartes bleues risquent le burn-out, lança Ross dans un rire.
- Bref… Elle a remis en question tous mes choix et suggestions.
Rachel commença à mimer Sarah.
- « Mais Rachel, enfin, ce tissu n’est plus du tout "stylé"… Mon Dieu, c’était donc si horrible, la mode à Paris ? », « Rachel, tu devrais plutôt opter pour cette coupe pour… tes hanches. C’est plus adapté quand on a passé la quarantaine… ». Mais le must, ça a été quand elle m’a vu essayer des chaussures en cuir. Elle s’est mise à pleurer. Littéralement. « Rachel, mais tu ne te rends pas compte du nombre d’animaux sauvagement assassinés chaque année pour que des personnes comme toi puissent assouvir leurs besoins… ». Rhooo, mais qu’est-ce qu’elle peut être agaçante ! Je pense que je n’ai jamais… Saraaahhhh ! Comment vas-tu ?
Rachel changea de ton à la vitesse de l’éclair au moment où Sarah entra dans le Central Cats avec Joey.
- Quand est-ce qu’on remet ça ? continua-t-elle avec sa voix aiguë ?
Sarah n’avait visiblement pas entendu les explications de Rachel. Ou alors, elle jouait très bien le jeu !
- Et bien, la semaine prochaine, pourquoi pas ? Par contre, c’est moi qui te guide cette fois. Je préfère des magasins, disons… plus éthiques.
- Ben voyons, marmonna Rachel dans ses dents. Et pourquoi pas une friperie tant qu’on y est ? Beurk, beurk, beurk…
- Tu disais ?
- Non, pardon, j’ai avalé de travers le latte de Phoebe.
- Un latte ? Mais, Phoebe, tu sais ce que subissent les vaches qui sont séparées de leurs veaux, hurla Sarah.
- Oui, mais ici, c’est du lait de chèvre, répliqua Rachel, fière et persuadée d’avoir résolu le problème.
Mike calma le jeu en proposant à Sarah un Maté bio, sans une once de lait. Mais la tension était palpable. Monica, quant à elle, se mordait les doigts en se demandant comment elle allait pouvoir préparer un repas de Thanksgiving digne de ce nom avec toutes ces contraintes. Ce serait peut-être l’occasion de trouver une recette originale pour le concours ?
- Et sinon, cette conférence ? questionna Chandler. Tu as adopté un cactus ? Fais gaffe que ça ne perde ses piques, lâcha-t-il en riant.
- Est-ce que tu étais au courant que les plantes ressentent les émotions et qu’on peut leur parler ? réagit Joey, on ne peut plus sérieux.
- Alors, je devrais peut-être en prendre plus à la maison. Est-ce que tu sais si elles répondent quand on leur parle, elles ?
- Chandler, c’est bon ! rugit Monica. Tu n’as vraiment aucune idée de la pression qu’il y a autour de ce concours. Et avec les enfants à gérer c’est…
Chandler lui fit un signe de la main, comme si elle n’avait pas remarqué sa présence !
- Hello, Monica ! Je suis là ! Je peux aussi gérer nos enfants… Si tu ne remettais pas constamment en question mes décisions…
- Pour ça, il faudrait qu’elles soient bonnes tes décisions !
Le ton montait et la tension était palpable. Ross coupa court à la conversation en changeant de sujet.
- Et sinon, les gars, ce match ?
- C’était incroyable ! s’exclama Joey. Il y a avait un suspense comme jamais. Les Knicks perdaient de deux points à la fin du second quart temps. Et là, Anthony est remonté et a mis un panier à trois points. Le type à côté de nous était tellement excité qu’il s’est relevé d’un bond. Ça c’était moins cool parce qu’il a fait tomber mon burger. Mais bon, je l’ai ramassé et…
- Ton burger ? questionna Sarah, les lèvres pincées. Tu as mangé… un burger ?
Chandler tenta de sauver la mise à son ami. Mais il avait encore de sacrés progrès à faire en tant que comédien et il balbutia :
- Non, c’était mon burger… Je devais… boire un coup et j’ai l'ai passé à Joey pour qu’il le tienne et…
- Tu as donné ton burger à Joey alors que tu sais qu’il fait des efforts ?
Le regard de Sarah était plein de rage envers Chandler.
- Oui, c’était pas très malin, mais je… je…
- Non, c’était mon burger, lâcha Joey.
- Comment ?
- Pas la peine de t’énerver sur Chandler. C’était mon burger. J’ai craqué, voilà… Et je pense que…
- On y va.
La voix cinglante de Sarah avait jeté un froid dans au sein du groupe d’amis. Elle le remarqua et tenta d'adopter une attitude faussement enjouée.
- On y va, mon… roudoudou ? J’ai… des choses à te dire.
Elle s’était relevée, raide, et attendait la réponse de Joey. Personne n’était dupe. Ça allait chauffer.
- Oui, bien sûr, je… je te suis.
Joey et Sarah laissèrent la bande là. Ils étaient tous estomaqués et Chandler se tenait la tête dans les mains. Ils voulaient tous le bonheur de leur ami, mais avaient de sérieux doutes. Sarah pouvait-elle rendre Joey heureux ? Rien n’était moins sûr.
Pendant ce temps, le couple était arrivé à l’appartement de Joey. Ce dernier état penaud. Il aimait Sarah, il en était certain. Comment pouvait-il en être autrement ? Elle était belle, souriante. La plupart du temps. Tous les autres étaient bien parvenus à gérer une relation sur le long terme à un moment donné. Alors, pourquoi pas lui ?
- Je suis désolé, Sarah. On était dans l’ambiance, avec Chandler. Il est parti chercher un burger et je l’ai suivi… J’ai été con, je sais. Mais je ne le ferai plus, promis.
Sarah regarda Joey et laissa le silence s’installer, avant de répondre d’une voix étrangement calme.
- Je ne t’en veux pas, mon roudoudou. Je suis consciente que ce n’est pas facile, surtout au début. La viande, c’est un peu comme une drogue et tu ne peux pas t’en passer du jour au lendemain. Crois-moi, je comprends ...
Joey soupira de soulagement. Il se laissa tomber dans le fauteuil.
- Ouf, tu ne peux pas savoir à quel point je suis content. J’ai eu tellement peur de tout gâcher. Mais toi, tu es exceptionnelle. Je ne te mérite pas, mais je ferai tout pour que ça change. Je vais arrêter la viande. Même les sandwichs au pastrami. Et je…
- Je sais tout ça… ça ne m'inquiète pas. En revanche… Il y a un autre problème, bien plus compliqué à résoudre.
- Ah bon ? répondit Joey abasourdi.
Il ne voyait vraiment pas ce qui pouvait être plus compliqué que de se passer de viande. De sexe peut-être ? Non, non, décidément, le plus difficile, c’était la viande. Sarah poursuivit.
- Tes amis ne sont pas… très porteurs.
- Mais si ! C’est parce que tu ne les connais pas encore bien que…
- Non, j’ai bien vu. Phoebe est sans doute la plus ouverte, mais même elle semble avoir du mal avec ton changement. Quant à Rachel, j’ai bien compris son petit jeu… À se demander si elle n’a pas encore des sentiments pour toi… Vous avez bien eu une aventure tous les deux ?
Joe se mit à rire.
- Oula ! Si tu savais. C’était il y a plus de dix ans et crois-moi, c’était une erreur pour l’un comme pour l’autre. Non… Rachel n’est pas du genre jalouse…
- Bref… Peut-être que je me trompe sur elle, même si je ne pense pas…
Sarah soupira et s’assit auprès de Joey. Elle lui prit les mains et le fixa, avant de poursuivre.
- Quoi qu’il en soit, tes amis ne t’aident vraiment pas. Et ne m’acceptent pas. C’est très difficile à vivre, tu comprends ?
Elle ne laissa pas à Joey le temps de répliquer.
- Mais le pire dans toute la bande… C’est Chandler. Il se moque de moi… mais surtout de toi et de tout ce que tu entreprends. Tu ne vas pas pouvoir évoluer avec une personne comme lui dans ton entourage.
- Que… quoi ? Qu’est-ce que tu veux dire ?
- Je veux que tu arrêtes de lui parler, Joey. Si tu désires continuer notre aventure… c’est le moins que tu puisses faire.
- Que je… mais non… c’est…
- Joey… C’est lui ou moi.

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