Épisode 5: Celui qui organisait un dîner presque parfait

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1 Celui qui organise un dîner presque parfait

Parfait. Tout était parfait.

Monica fit un tour sur elle-même, inspectant chaque recoin de la pièce avec la satisfaction d’une cheffe étoilée qui aurait réussi à dresser une table digne d’un magazine.
Elle reprit sa liste. Plus que trente minutes avant l’arrivée de ses amis.

La dinde ? Check.

Joey n’en mangerait pas. Elle a donc dû revoir les portions à la baisse. Quoique… avec tout ce qu'avalait Chandler ces derniers temps, elle aurait peut-être dû prévoir un supplément… D’ailleurs, cela commençait à se voir. Il faudrait qu’elle lui en parle. Discrètement. Enfin, façon Monica.

Les petits fours et la pièce principale végé ? Check.

Elle avait l’habitude avec Phoebe. Mais en général, cette dernière se contentait de picorer les accompagnements sans faire de remarque et sans juger les carnivores. Avec Sarah, c’était… différent. Plus militant, disons.

La décoration ? Check.

Sobre, élégante. Tout à fait elle. Dans l’esprit de Thanksgiving, sans tomber dans le kitsch des citrouilles en plastique. Ce serait leur premier repas « officiel » tous ensemble depuis le retour de Rachel et elle tenait à ce que tout se déroule parfaitement.

Le plan de table ? Check.

C’était nouveau, mais cette année, elle ne voulait ni disputes ni blagues ringardes – désolée Chandler.

Elle l’avait placé auprès de Joey – au moins, ça limiterait les dégâts. Phoebe serait à côté de Sarah, la seule à la supporter… un peu. Quant à elle, elle s’était dévouée pour séparer Ross et Rachel. On ne savait jamais de quoi ces deux-là étaient capables.

Les enfants ?

À leur propre table. Pas trop proche pour éviter les confidences malencontreuses – même si avec Joey, ils avaient l’habitude. Pas trop loin non plus, pour garder un œil sur eux.

Elle avait hésité pour Emma. Après tout, la jeune fille allait avoir quinze ans. Mais elle l’avait tout de même placée du côté des enfants.

Huit adultes. Huit enfants.

Pair. Symétrique.

Elle n’aurait pas pu faire mieux. Tout était parfait, donc. Enfin, jusqu’à ce que des hurlements retentissent.

- Mais arrête ! M’man ! Y a Jack qui fait tout pour m’ennuyer.

- C’est pas vrai, d’abord ! C’est elle qui crie pour un rien !

- Mais bordel, tu m’saoules, toi !

- Erika, ton vocabulaire !

S’il y a bien une chose que Monica ne supportait pas – en dehors d’un plat non terminé ou, pire, d’une pièce en désordre – c’étaient les grossièretés.

- Quoi ? lâcha Erika en déboulant dans le salon. C’est Emma qui dit toujours ça…

Ben voyons… Emma, encore elle. Dix ans à élever ses enfants avec des règles dignes d’un camp militaire et voilà que cette ado boutonneuse allait tout réduire à néant.

Erika était habillée – ou plutôt attifée – d’une jupe légère à fleurs bleues et d’un top orange ligné. Quant à ses cheveux… il fallait croire qu’un ouragan était passé par là. Un ouragan qui, dans sa grande générosité, avait disposé à divers endroits des turbans arc-en-ciel. Les yeux de Monica piquaient.

- Mais… Erika, ce n’est pas… Enfin, on n’est pas en plein été ! Et ces mélanges de couleurs… ces rubans… c’est…

Bon sang, la seule chose qu’elle avait demandée à Chandler, la seule, c’était de gérer les enfants. Toutes les tenues avaient été préparées la veille. Ce n’était quand même pas si compliqué, si ?

- J’aimais pas la robe que t’avais choisie. J’suis plus un bébé, tu sais. Et les rubans, c’est tati Phoebe qui me les a donnés.

Phoebe… Évidemment. Elle aurait dû s’en douter.

- Va tout de suite t’habiller avec ce que j’ai mis de côté.

- Mais…

- Pas de discussions !

Erika monta les escaliers vers sa chambre en soupirant.

- C’est trop nul, quoi !

Monica inspira profondément. Elle qui espérait avoir encore le temps avant d’affronter l’adolescence…

- Tadam ! T’en penses quoi ?

Chandler fit son entrée dans le salon avec un déhanché digne de celui d’Hugh Grant dans Love Actually… déguisé en lapin rose. Monica manqua de s’étouffer.

- C’est une blague ? Je rêve, c’est ça ? Ou un cauchemar plutôt !

- J’ai retrouvé ça dans un placard en cherchant après une cravate pour Jack. Ça te plaît, poussin ?

Chandler, sûr de son effet, poursuivait son pas de danse. Monica plissa les yeux de rage, prête à imploser.

- Si ça me plaît ? Mais Chandler, ce n’est pas du tout une tenue de Thanksgiving. Vous vous êtes passé le mot pour me rendre dingue, c’est ça ? Tout le monde arrive dans quelques minutes et…

La sonnette retentit.

- À l’avance… Ils sont en avance en plus de tout ça…

Monica soupira tandis que Chandler se dirigeait vers la porte en bougonnant.

- Il y a quelques années, ça t’aurait fait rire… et puis, c’est toi qui me l’avais offert, je te rappelle.

- Oui… Pour Halloween, Chandler ! Pour Halloween !

- Ben justement, on ne l’a pas fêté cette année. C’est ma manière de compenser. Salut copains de moi !

Le ton de sa voix changea instantanément quand il ouvrit la porte à un Mike ahuri.

- Eh ! t’as oublié de nous prévenir qu’on devait venir déguisés ! Quoique… certains n’ont pas attendu ton invitation, dit-il en se tournant vers ses enfants.

Un Spiderman, une fée clochette, Tic et Tac et un curieux mélange entre Freddy Krueger et Mrs Doubfire déboulèrent en hurlant dans la maison. Les festivités pouvaient commencer… et le rythme cardiaque de Monica s’accélérer.

Phoebe entra à son tour. Les bras croisés, elle toisa son ami de bas en haut avant de lancer, d’une voix perçante :

- Bonjour… Chandler… Bing !

Elle avait appuyé sur son nom d’un ton si mielleux qu’on aurait pu croire entendre Janice elle-même. Chandler cligna des yeux, un sourire incertain aux lèvres.

- Euh… Bonjour Phoebe… Buffay !

Il avait tenté de répondre sur le même ton, sans comprendre que la pique n’avait rien d’un jeu.

Soudain, un éclat de rire retentit dehors. Joey, désignant son ami déguisé en lapin rose, peinait à se contenir. Il n’en fallait pas plus pour relancer Chandler qui se remit à sautiller partout, les bras levés dans une chorégraphie improbable.

- Je savais… Je savais que ça allait te faire rire !

Sarah, imperturbable, donna à Joey un coup de coude sec que Chandler ne put manquer.

- Non, il ne trouve pas ça… drôle. Il trouve cela… Comment disais-tu la dernière fois ? Pathétique. N’est-ce pas Joey ?

Joey observait tour à tour sa petite amie et son meilleur pote qui se dévisageaient, comme l’auraient fait deux cowboys avant un duel. On aurait presque pu entendre la musique de Sergio Léone en fond.

Il était désespéré. Il avait cru que la lubie de Sarah passerait, qu’elle oublierait vite cette guerre froide avec Chandler. Mais non. Elle semblait prête à tout pour l’en éloigner. Coûte que coûte.

Joey tenta le tout pour le tout, dans un sourire forcé.

- Euh, oui… enfin, pas vraiment. Je riais à une blague de Sarah. Elle est très drôle, tu sais. Je suis sûr que vous pourriez très bien vous entendre.

- Ça m’étonnerait, répondirent en chœur Sarah et Chandler.

Au moins, ils étaient d’accord sur un point. C’était déjà une victoire.

Le couple entra dans une tension si palpable que Monica aurait pu la couper avec le couteau de la dinde.

Chandler s’apprêtait à leur emboîter le pas quand il vit un taxi se garer devant la maison. Ross en sortit aussitôt, furibond.

- Et moi, je vous dis que ça ne se fait pas !

- C’est bon, Ross, renchérit Rachel. Monica a l’habitude de recevoir du monde. Une personne de plus ou de moins, ça ne changera pas grand-chose !

- Oui, ben quand même !

Emma émergea à son tour du taxi, suivie d’un jeune garçon aux cheveux gominés et à la chemise impeccablement repassée. Tom… pensa Chandler. Emma avait amené Tom avec elle. La journée s’annonçait… intense.

- De toute façon, ce qui te gêne, c’est pas Monica, rugit Emma. C’est que je sois venue avec Tom, c’est tout !

Ross redressa les épaules, la voix légèrement trop aiguë pour paraître crédible.

- Moi ? Mais pas du tout, enfin… Pas du tout ! Je… Tom est… quelqu’un de bien. Je… je l’apprécie.

- Et il est juste ici, à côté de vous, répliqua le jeune homme, visiblement agacé de voir Emma et son père se disputer à son propos comme s’il n’était pas là.

Dans l'énervement, Ross et Rachel ne remarquèrent même pas l’accoutrement de Chandler, au contraire de Tom, qui le dévisagea, sceptique.

D’un geste autoritaire, Emma attrapa son petit ami par le bras.

- Allez viens. Et t’inquiète pas pour lui. Je t’ai dit qu’ils étaient tous cinglés.

- Bonjour à toi aussi et joyeux Thanksgiving, rétorqua Chandler avec son ton le plus sarcastique.

Puis, pour lui-même :

- Bon, je pense que je vais quand même aller me changer, moi.

Quand Monica vit toute la tribu arriver, elle se figea. Avec autant de naturel que miss Amérique prônant la paix dans le monde, elle lâcha :

- Oh, mais c’est que vous n’êtes pas trois… mais quatre. Quelle bonne idée d’avoir amené Tom !

- Tu vois, dit Ross en se tournant vers Rachel. Je t’avais dit que ça la dérangerait.

- Non, non pas du tout ! Plus on est de fous… plus on rit !

Huit adultes, dont un lapin.

Neuf enfants, dont cinq qui avaient déjà ravagé son salon et deux… adolescents aux hormones en furie.

Pour le plan de table parfait, elle repasserait.

Un cri retentit soudain. Emma s’était pelotonnée dans le fauteuil et fixait une grande besace orange.

- Tati Phoebe… y a… y a ton sac qui bouge !

Avec un flegme désarmant, Phoebe s’approcha et ouvrit tranquillement son cabas.

- T’inquiète… C’est Scarlet. J’ai dû la prendre avec. Elle ne va pas bien. C’est compliqué pour le moment avec Bouli. Figurez-vous que ce coquin ne fait plus attention à elle maintenant que Suzi est arrivée.

Sa voix était douce, presque attendrie, comme si elle évoquait la relation de deux amis perdus de vue… Mais quand Chandler descendit l’escalier – dans une tenue enfin appropriée – son regard changea instantanément.

- Ah ces mâles qui ne peuvent pas se retenir… lança-t-elle d’un ton sec, les yeux rivés sur lui.

- Bah, c’est la nature, répliqua Chandler, sans comprendre le sous-entendu.

Phoebe se redressa d’un bond, furieuse, la mèche folle.

- Et leurs deux chatons ? Il y a pensé aux chatons, le mâle ? Non ! Parce que môôônsieur est égoïste !

Chandler cligna des yeux, incrédule.

- Je parle d’un chat, là…

- Moi aussi ! hurla Phoebe, en enlaçant Scarlet comme si elle venait de sauver la victime d’un adultère félin.

Scarlet, qui ne tolérait visiblement pas davantage les bras qui l’enserraient que le mâle qui la trompait, griffa Phoebe d’un coup de patte avant de s’enfuir à travers la pièce. Au passage, elle renversa un vase – et, ce faisant, provoqua un cri guttural de Monica.

- Apparemment, les chats n’aiment pas les psys non plus… lâcha Chandler, hilare.

- Médiatrice, pas psychologue, répliqua Phoebe en se frottant la joue.

Monica, elle, tremblait. Il y a une demi-heure, tout était parfait. Et voilà que son salon ressemblait à un champ de bataille : les enfants de Phoebe avaient ouvert le feu et Scarlett terminait le travail en éventrant ses précieux coussins.

Visiblement, la situation ne semblait déranger ni Phoebe, ni Mike, qui observaient la scène avec un calme olympien.

Monica prit une profonde inspiration. Le repas allait remettre de l’ordre dans tout ce… ce désastre.

Elle afficha alors son plus beau sourire – celui réservé aux moments désespérées – et frappa des mains, comme une maîtresse d’école novice qui s’attend à voir tous ses élèves soudain disciplinés.

- Je vous propose de passer à table ! J’ai préparé un plan et…

- Si ça ne te dérange pas, j’ai un peu changé tout ça… l’interrompit Sarah.

Déjà installée, elle avait pris place près d’un Joey contrit.

- Tu comprends, il vaut mieux pour Joey qu’il soit assis entre deux végétariennes pour ne pas être… tenté. Donc, Phoebe ira de l’autre côté.

Un ton qui ne laissait aucune place à la discussion.

Une façon de s’assurer que Joey serait aussi loin que possible de Chandler.

Personne ne remarqua le subterfuge et chacun s’installa alors, sans que Monica ait l'occasion de protester.

Tout ce temps passé à concevoir un plan de table aux petits oignons pour… rien. Et le pire ? Il ne restait qu’une place pour elle : entre Sarah et Chandler. Elle ne savait pas ce qui la dérangeait le plus. Les piques incessantes de la jeune femme ou les blagues de Chandler, qui redoublait d’efforts pour impressionner Joey ces dernières semaines ?

Elle soupira. De toute façon, avec ses allers-retours en cuisine, elle n’aurait guère le temps de s’asseoir.

Ross, de son côté, semblait soucieux. Il balayait la pièce des yeux, tentant de paraître détendu, décontracté. Peine perdue.

Il finit par se pencher vers Rachel :

- Tu… tu as vu Emma ? Cela fait un petit moment que…

- Bon sang, Ross, fiche-lui la paix, le coupa Rachel. Tu ne veux pas lui coller un GPS, tant qu’on y est ?

- C’est-à-dire que…

Rachel reposa son verre de vin un peu trop vivement, puis le fixa, les yeux plissés.

- Ne me dis pas que… non ? Tu n’as quand même pas installé un traceur sur son téléphone ? Dis-moi que tu n’as pas fait ça !

Penaud, Ross tenta de se justifier.

- Ben, on est à New York et… on ne sait jamais, quoi !

- Arrête ! Dis plutôt que tu passes ton temps à la fliquer. Tu ne pourrais pas lui faire confiance, non ?

Ross ne répondit rien, mais son regard en disait long. Non, il ne faisait pas confiance à sa fille. Ni à Tom d’ailleurs… surtout pas à Tom.

Rachel se leva d’un bond.

- Ça suffit, je vais la chercher. Comme ça tu verras qu’elle est en train de reluquer le dernier épisode de Kim… machin chose, avec Tom.

Menaçante, elle le pointa du doigt.

- Par contre, mon ami, tu vas lui expliquer cette histoire de traceur. C’est clair ?

D’un pas décidé, elle quitta la pièce. À peine deux minutes plus tard, son cri résonna dans toute la maison.

- Enlève tes sales pattes de ma fille !

Tom dévala alors les escaliers à vive allure, en reboutonnant sa chemise, suivi par Rachel qui le frappait avec son sac à main. Emma, sur ses talons, rugissait à son tour.

- M’man ! Arrête ! Mais arrête !

Hors d’elle, Rachel ouvrit la porte d’entrée pour expulser le jeune homme d’un coup de botte.

- Dégage d’ici ! Et qu’on ne te revoie plus jamais !

- Mais, mais… balbutia Tom. J’ai pas de taxi !

- Rien à cirer, vociféra Rachel. Il fallait y penser avant de glisser tes mains sous le chemisier de ma fille !

- Quoi ?!

Cette fois, c’était Ross qui venait de bondir, furieux, juste au moment où Monica arrivait avec la dinde. Le choc fut brutal et la volaille entama… un vol plané avant d’atterrir dans un bruit mou auprès de Scarlett, ravie de ce festin tombé du ciel.

Ross se rua vers Tom, prêt à l’étrangler, mais retenu de justesse par Joey.

- Ma fille ! hurla Ross.

- Ma dinde ! répondit Monica.

Quand Tom quitta enfin la maison, le chaos était total, chacun au bord de la crise de nerfs. Monica bondit pour récupérer ce qu’il restait de la dinde, sous le regard outré de Scarlett.

Ross et Rachel s’invectivaient à qui mieux mieux.

- Alors, on « devait lui faire confiance », c’est ça ? cracha Ross, le cou rouge, les bras en l’air.

- Oh, c’est bon Ross ! Ce n’est quand même pas de ma faute si ton « pseudo beau-fils » saute sur notre fille !

- Ce n’est certainement pas mon « pseudo beau-fils » !

- Ah non ? Et…

Un cri plus fort encore les interrompit.

- Mais vous faites vraiment tout pour me gâcher la vie ! C’est trop la honte, votre attitude, là !

Furibonde, Emma n’avait pas compris qu’elle aurait mieux fait de se taire. Son intervention eut au moins le mérite de mettre Ross et Rachel d’accord. Ils se tournèrent vers elle, la menaçant du doigt.

- Alors, toi, jeune fille, tu n’as pas intérêt à la ramener ! s’époumona Rachel. On te faisait confiance et voilà où ça nous a menés !

- C’est bon, quoi, j’ai quinze ans et j’fais ce que je veux de mon corps.

Phoebe leva les yeux au ciel. Ces adolescents pouvaient vraiment être idiots. Elle n’avait qu’à se taire, mais non, il fallait qu’elle en rajoute.

Ross ramassa ses affaires à une vitesse folle.

- Monica, tu nous excuseras, mais on va y aller. Une petite discussion s'impose.

- Mais… on n’a même pas encore mangé la dinde.

Monica était proche de la syncope, mais Rachel, toute à sa colère, n’y fit pas attention.

- Pour une fois, je suis d’accord avec Ross, lâcha-t-elle. On a des choses autrement plus importantes qu’une dinde à gérer.

Puis se tournant vers sa fille.

- Emma, tu nous suis !

La jeune fille ouvrit la bouche pour répliquer, mais Rachel ne lui en laissa pas le temps.

- Si tu dis quoi que ce soit, je te promets que ce seront tes dernières paroles. Et tu me passes ton téléphone. Tout de suite !

Emma n’avait jamais vu sa mère dans une telle colère. En grommelant, elle lui céda son « précieux », en comprenant enfin qu’il ne valait mieux pas qu’elle intervienne. Pour le moment.

Quand la porte claqua derrière eux, les enfants de Phoebe applaudirent en chœur et Apple hurla de bonheur.

- Encore ! Encore ! On aime bien les spectacles chez tati Monica, nous ! Sinon... on peut avoir le gâteau ?

Monica, dépitée, finit par s’effondrer sur sa chaise.

- Franchement, faites ce que vous voulez… il est dans la cuisine. Moi, j’abandonne.

Les enfants bondirent hors du salon en criant à tue-tête. Au moins, ils seraient occupés pendant quelque temps.

Un silence lourd pesait dans la pièce. Personne ne pipait mot… sauf Chandler.

- La dinde a effectué son dernier envol… Paix à son âme !

Ce fut la phrase de trop. Joey gonfla les joues, tentant vainement de se retenir… puis explosa dans un rire tonitruant. Sarah lui lança un regard assassin – ce qui ne le calma pas, que du contraire.

- Joey, ça suffit, siffla-t-elle entre ses dents. Tu es ridicule et cette blague n’a rien de drôle !

- Ben si, pouffa Joey. T’as pas compris ? La dinde ? Le dernier envol ?

Il se mit à battre des bras, imitant la volaille, sous les rires de Chandler. Sarah, elle, restait de marbre.

- On ferait mieux d’y aller. Maintenant !

Son ton se voulait ferme, mais Joey décida de ne pas céder, cette fois.

- Vas-y si tu préfères… moi, je reste avec mes amis.

Sarah ouvrit les yeux, incrédule.

- Mais…

- Écoute, l’interrompit Joey. J’ai essayé. Vraiment. Je suis devenu végétarien, pour toi. J’ai arrêté de parler à Chandler parce que tu trouvais qu’il avait une mauvaise influence et…

- Je le savais ! hurla Chandler. Je savais qu’il y avait quelque chose qui clochait !

- Bref… continua Joey. J’en ai marre de tout ça. Chandler est mon ami. Si tu n’es pas d’accord avec ça, eh ben c’est qu’on n’est peut-être pas faits pour être ensemble. Bon, maintenant, tu m’excuseras, mais… je vais goûter à cette fameuse dinde.

Sarah se leva, tremblante.

- Joey, je te préviens, si tu touches à cette... volaille, je m’en vais. Et ça sera définitif.

- Je sais pas trop ce que ça veux dire, définitif… mais ouais, tu peux partir.

Sarah n’écouta plus la suite. De toute façon, Joey parlait la bouche pleine – on ne comprenait plus rien à ce qu’il disait. Elle quitta la maison et personne ne se proposa pour la raccompagner.

Chandler se dirigea vers Joey, qui continuait à manger, et le prit dans ses bras :

- Je suis bien content de te retrouver, copain de moi !

Mike, amusé, intervint :

- Dis, Joey, tu sais que la dinde a fini par terre et a été en partie dévorée par Scarlett ?

- Et alors ? Tu voudrais quand même pas que le chat ait tout, en plus ? Et puis, fichez-moi la paix… Trois semaines sans viande… faut que je me rattrape !

Tout le monde éclata de rire, heureux de revoir leur Joey authentique. Du cent pour cent Tribbiani !

Monica, les yeux brillants, ne put retenir une petite larme. Sa dinde allait être mangée. Et appréciée ! La journée n’était pas complètement fichue…

Une heure plus tard, la maison avait récupéré un semblant de calme.

Les amis aidaient Monica à ranger et à débarrasser. Bon, pas exactement comme elle l’aurait voulu – qui ? qui ne rince pas les assiettes avant de les mettre au lave-vaisselle ? – mais, à cet instant, elle s’en moquait.

Dans la cuisine, Phoebe se retrouva soudain nez à nez avec Chandler. Son visage se ferma à nouveau, ce qui n’échappa pas à Chandler.

- Euh, tu me dis ce qui ne va pas ? C’est Sarah qui t’a aussi demandé de ne plus me parler ? lâcha-t-il dans un sourire.

- Je suis au courant… Chandler Bing !

Chandler la regarda, incrédule.

- Je suis censé comprendre quelque chose ?

- Sérieux, Chandler. Tromper Monica… tu croyais que j’allais laisser passer ça ? Et avec Janice, en plus. Janice !

Les yeux écarquillés, il secoua la tête le temps de réaliser… avant d’éclater de rire.

- Mais je ne trompe absolument pas Monica avec Janice ! Ni avec qui que ce soit, d’ailleurs !

Phoebe soupira et imita Janice.

- Ah non ? Mon Chandlerounet… Biiing !

Chandler pouffa malgré lui.

- Mais enfin, tu connais Janice. Il faut toujours qu’elle en fasse des caisses !

Phoebe n’était pas encore convaincue.

- Et comment tu expliques qu’elle t’appelle à tout bout de champ ? Que tu passes le nez scotché à ton téléphone ? C’est pour parler investissements boursiers peut-être ?

Le visage de Chandler se décomposa.

Il hésita, mal à l’aise. Pouvait-il vraiment se confier à l’une des meilleures amies de Monica ?

- Écoute… Avec Monica c’est… compliqué. Je sais que je ne suis pas toujours facile à vivre, que mes blagues sont lourdes. Mais avant, j’arrivais à la faire rire. Depuis les enfants, tout est devenu…. Tout doit être parfait. Elle court partout. Et moi… j’ai l’impression d’être de trop. De ne jamais faire les choses comme il faut. Toi et Mike, vous avez trouvé votre équilibre. Nous, on s’épuise. Et maintenant, avec son concours de cuisine c’est… comme si je n’existais plus.

Le regard de Phoebe se fit moins dur. Elle n’avait pas réalisé que leur couple battait de l’aile et s’en voulait.

- Mais ça n’explique quand même pas pourquoi tu te confies… à Janice !

- Janice a vécu ça aussi avec son ex. L’éloignement, l’impression de ne plus compter... Elle me comprend, c’est tout. Elle me donne juste des pistes pour améliorer les choses.

Il se redressa, sincère.

- Je t’assure qu’il n’y a rien entre nous ! Monica est ce que j’ai de plus précieux… Et Janice est heureuse en couple aujourd’hui. Elle a même réussi à trouver un homme qui adore sa voix criarde !

Il rit. Un petit rire forcé, celui qu’il utilisait pour cacher ses blessures. Phoebe sentit son cœur se serrer.

Elle avança et prit Chandler dans ses bras.

- Je suis désolée. Je n’avais pas compris. Je serai toujours là pour toi, mon chaton.

Un cri retentit alors derrière eux. Monica, le plat de restes de dinde dans les mains, se tenait à l’entrée de la cuisine. Elle les dévisageait, stupéfaite.

- C’est une blague !?

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