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Lorsque j’arrive le lendemain à l’école, Alfonso s’avance vers moi, poings serrés. Il se tient bien droit. Derrière lui, quatre mètres plus loin, je vois Flavio et les deux garçons du groupe me fixer d’un air mauvais.

Je soutiens le regard d’Alfonso, remarque un coquard à son oeil droit et un hématome sur sa joue gauche.

— T’as vu ce que ces types nous ont fait ?

— Je…

— À cause de toi !

Je suis confus.

— Ils m’ont jeté à l’eau.

— Et alors ? T’es toujours en vie à ce que je vois !

Je fronce les sourcils, tremblant de déception. Il n’en a rien à foutre des autres.

— Ne t’approche plus de nous, c’est compris ?

Je grimace, en écoutant sa rancœur.

— Nous sommes des parias de la société par nos origines. Et toi, t’es un paria aussi par ton nom de famille. Ne viens pas nous causer plus de soucis ! Va te faire foutre, toi et ton clan !

— Je ne suis pas responsable de ce que fait mon père.

— T’es un Calpoccini.

— Et après ?

— Tu suivras tôt ou tard ses traces. On ne peut absolument pas te faire confiance !

— Je ne suis pas comme lui, je…

— Tu attires les ennuis, Jack ! Alors ne nous approche plus. Plus jamais !

— Écoute Alfonso, je…

— Tu ne fais plus partie de l’équipe ! C’est clair ?

Je fronce les sourcils, serrant les lanières de mon cartable.

Il crache au sol, puis retourne auprès de ses potes sur le terrain de football. Bravo. C’est officiel, absolument tous les élèves de l’école m’évitent.

Je me retrouve de nouveau seul. J’en ai marre en réalité.

À la sortie de l’école, je rejoins mon frère et mes sœurs. Finalement, je suis content de les avoir auprès de moi, même s’ils sont souvent casse-pieds. J’ai envie de les taquiner.

— Vous n’avez pas fait l’école buissonnière ?

— Ah ah, très drôle ! raille Valentina.

— Vous n’y mettez pas souvent les pieds.

— Oh si, suffisamment, crois-moi ! Je ne comprends pas comment tu peux y aller tous les jours, Jack, c’est d’un ennui !

— Je suis d’accord avec toi, Val, ajoute Alberto. Il est taré notre petit frère !

Valentina pouffe de rire.

— Mais laissez-le tranquille ! intervient Maria.

— Bah t’es pareil que lui, alors tais-toi, tu ne comprends pas non plus qu’on puisse détester l’école ! reproche Valentina.

Tous deux ricanent. Bref, on se lance des piques entre nous, rien de méchant en soi.

Sur le chemin, nous croisons une fratrie d’une famille rivale.

— Tiens, mais qui voilà ? lance le grand garçon. Les Calpoccini.

— Ah tiens donc, les Giacomuzzi ! répond Alberto. Qu’est-ce que tu veux Emilio ?

Ce n’est pas mon jour. Nous voilà face à face, nous, enfants de mafieux. Les Calpoccini d’un côté, et de l’autre, les Giacomuzzi, une fratrie de quatre garçons, dont l’aîné, Emilio, âgé de quinze ans, est le plus violent des frères.

— Vous allez où comme ça ? commande Emilio.

— Ça ne te regarde pas ! râle Alberto.

— Votre père a piégé le notre. Et ça, les gars, vous allez le payer.

— Notre père est bien plus fort que le tien ! Il a rétamé le tien comme une merde !

— La ferme sale gamin !

Emilio sort un couteau de son sac, le brandit devant lui.

— Antonio ! Va t’occuper de lui !

Âgé de treize ans, comme Alberto, les deux se ruent l’un sur l’autre, se donnant des coups de poing et des coups de pied. N’y-a-t-il pas un autre moyen de régler nos comptes ? Discuter par exemple ?

J’essaye d’intervenir pour changer. J’avance vers Emilio.

— Nos pères ont joué au poker le mois dernier, et le tien a perdu, dis-je.

— Menteur ! s’écrie Emilio. C’est le tien qui a volé le mien !

Maria se retourne vers moi.

— Ne dis pas de choses stupides, tu ne sais pas ce qui s’est passé !

Hein ? Elle ne me croit pas ?

— Au contraire, j’y étais.

Tous stoppent pour m’observer. Emilio agrippe le col de ma chemise. C’est quoi cette façon de faire ? Laissez ma chemise tranquille !

— Sale mioche ! C’est quoi ce délire ?!

— Ils ont joué une partie de poker, après leur entrevue et un repas, au cours duquel ils ont beaucoup picolé. Le tien, Domenico, a perdu tout son argent… au tapis, en misant sur un brelan, alors que mon… père avait un carré d’As.

Si je dis que c’est moi qui ai gagné, ça risque fort d’envenimer la situation. Tous me scrutent, bouche bée. Emilio me donne un coup de poing dans la mâchoire. Aïe. J’ai rien dit !

— Arrête de mentir ! Tu ne peux pas comprendre les jeux de grand !

Crois-moi, bon sang ! J’ai l’air d’être bête ou quoi ? Alberto se jette sur Emilio, Valentina donne des tapettes sur son bras. Les autres frères se ruent sur nous pour se battre. Maria m’agrippe de justesse pour m’emporter à l’arrière de la mêlée.

— Jack, tu as vraiment compris ce qui s’est passé ce soir-là ?

Elle le fait exprès ma parole ! Je décide de lui avouer la vérité.

— Oui, car c’est moi qui ai dépouillé Domenico au poker. Furieux, il a tout envoyé valser.

— Mais ? Comment ?

Je hausse les épaules.

— Giovanni m’a appris à jouer. C’est papa qui m’a forcé à participer. J’ai gagné. Ce qui ne lui a pas plu…

— Tu m’impressionnes Jack. Et après ?

— Ils se sont tous battus, alors je me suis enfui par la porte arrière. Je croyais que papa les avait tués. Mais Domenico a seulement un œil crevé et s’est pris une balle dans la cuisse. D’après le compte-rendu de Fabio. Ses soldats sont bien morts, eux.

— Vraiment ?

Oui ! Puisque je te le dis ! Vous avez si peu confiance en moi ? Merde ! Je garde mes remarques pour moi, encore une fois. Je hoche la tête. Maria se retourne vers Alberto, cloué au sol, Emilio et Antonio le frappent dans les côtes.

Soudain, Emilio entaille l’avant-bras d’Alberto avec un couteau de cuisine bien aiguisé, avec un large sourire, se délectant de la souffrance qu’il inflige à sa victime. Il est malade ce type. Valentina se cramponne à Emilio pour le frapper dans le dos de toutes ses forces. Emilio lâche son couteau. Quant aux deux autres, les plus jeunes, ils se mettent en retrait pour observer la scène. Alberto se met à crier de douleur. Maria s’approche de la scène de combat.

— Ça suffit ! Laissez-le tranquille ! Laissez nos pères gérer ça entre eux !

Emilio stoppe son geste, se redresse avec un regard de tueur. Cet adolescent svelte, au nez crochu, avec de petits yeux et de gros sourcils noirs, surplombe de toute sa hauteur Maria, qu’il regarde avec dédain. Ça craint.

— C’est nous la relève. Nous défendrons notre père quoi qu’il en coûte. Et un jour, je prendrai sa place ! C’est moi qui régnerai sur le milieu !

La situation commence à dégénérer. J’observe les alentours et aperçois deux policiers sur le trottoir d’en face. Je me tâte. Emilio est dangereux. Les seuls qui peuvent empêcher Emilio d’agir, ce sont eux. Tant pis. Je traverse la route pour les rejoindre.

— Jack, non ! gronde Valentina.

Je sais, mais… Je ne vois pas d’autre moyen de sortir Alberto de ce bourbier. Devant les policiers, je m’exprime en un anglais parfaitement maîtrisé.

— S’il vous plaît Messieurs les agents, ces garçons là-bas viennent de tabasser mon frère. Il est en sang ! Vous pouvez nous aider ?

Les deux policiers lèvent la tête pour observer la scène, les sourcils froncés.

— Kenneth, qu’est-ce qu’on fait ?

— Ne m’appelle pas par mon prénom quand nous sommes en service !

— Désolé, chef…

Le chef Kenneth. Le cliché parfait du flic, rondelet et joufflu avec un chapeau de cow-boy. Il m’ignore complètement. Vu sa bedaine, il est incapable de courir. Je soupire. Ils ne me prêtent pas attention.

— Ce sont des querelles de gamins de gangsters, non ?

— Allons jeter un œil, propose Kenneth.

Les deux policiers s’avancent vers le groupe. Les enfants se taisent. Kenneth interpelle le plus âgé, Emilio.

— Qu’est-ce qui s’passe ici ?

Emilio répond en italien, provocateur, levant les épaules et faisant semblant de ne rien comprendre. Il fait même une accolade à Alberto pour simuler une amitié. Saleté.

— Je comprends que dalle, déclare le flic.

— Arf, ce sont des gamineries entre fils d’immigrés. Laisse tomber.

Ah non, vous n’allez pas rester les bras croisés ! Je grogne. Putain d’enfoiré cet Emilio.

— Mais, attendez, vous ne pouvez pas partir comme ça sans intervenir !

— Écoute petit, vos histoires de gamins, ça ne nous regarde pas.

— Tant que vous ne mettez pas en danger la vie d’autrui, on vous laisse gérer vous-même vos problèmes.

— Mais…

— Vos histoires vous les gardez pour vous ! Ne foutez pas la merde chez nous, c’est tout ! Compris ?

— Allez, allez, dispersez-vous !

Les deux policiers nous repoussent, puis continuent leur ronde sans se retourner. Ils servent à quoi, sérieux ? Je suis déçu.

Les flics partis, Emilio se met à crier :

— Tu vas me le payer Alberto ! Ton frère est une balance ! C’est un traître !

Les Giacomuzzi partent, agacés.

Alberto et Valentina me lancent des yeux noirs.

— Jack, t’es chiant ! gronde Alberto. Ça va pas de faire ça ?! Appeler les flics ! Non mais je rêve !

Nous rentrons aussi. Je voulais seulement l’aider.

Une fois arrivés sur le pas de la porte, Alberto et Valentina se précipitent vers le bureau de notre père, en scandant :

— Papa ! Papa ! Jack est une balance !

Je fronce les sourcils et crispe les lèvres, agacé par leur gaminerie. Je ne peux vraiment pas compter sur eux.

— C’est quoi encore cette histoire ? Vous quatre, dans mon bureau !

Valentina et Alberto s’avancent sereinement vers les deux fauteuils libres en cuir marron à leur disposition. Tandis que Maria et moi restons debout, en retrait. Alberto prend la parole.

— Emilio et ses frères nous ont barré la route en rentrant de l’école. Regarde mon bras ! Emilio m’a fait une entaille ! Ils ont voulu en découdre avec nous, car il parait que leur père a perdu au poker ! Ils sont jaloux que tu lui aies mis une branlée !

Marco, assis dans son fauteuil, derrière son bureau, écoute attentivement son fils, bras croisés, cigare au coin des lèvres, comme à son habitude. Il me toise du regard. Je le vois venir à des kilomètres.

— Ce n’est pas moi qui ai gagné au poker. C’est votre petit frère. N’est-ce pas Jack ?

Nous y voilà. J’en étais sûr qu’il allait me dénoncer. Tous me dévisagent. Je suis gêné. Je voudrais bien me cacher comme les petites souris.

— Je me suis fait tabasser pour rien ! grogne Alberto. Merci Jack !

— Jack, tu as vu l’état dans lequel est ton frère ? lance Marco. Par ta faute ?

Avec lui, c’est toujours ma faute. Je me justifie.

— Ils voulaient se venger, Alberto a agi en premier, suite à l’attaque d’Emilio. Il s’est défendu.

— C’est toi qui aurait dû te battre si c’est toi le coupable ! peste Alberto.

— Surtout que tu sais très bien te défendre, toi qui a déjà tué deux hommes avec une arme à feu, clame Marco nonchalamment.

J’écarquille les yeux. À quoi il joue ? Il est pas bien de balancer ça comme ça ! Je ne voulais pas qu’ils le sachent. Surtout pas Alberto et Valentina. Marco a réussi son coup, ils sont ébahis à l’annonce de cette information. Alberto me fusille du regard.

— Pourquoi t’as pas tiré alors ?

— Mais je n’ai pas d’arme sur moi…

— Tu aurais pu les envoyer au tapis, leur foutre une bonne raclée ! reproche Valentina d’une voix stridente. À quoi tu sers, à part nous causer des ennuis ?

— Arrêtez de vous en prendre à lui ! intervient Maria.

Je ne voulais pas me battre. Je ne veux plus me servir d’une arme. Je refuse de revivre ça. Pourquoi ne comprennent-ils pas ce que je ressens ? Les larmes me montent aux yeux. Ma gorge se noue. Marco fait signe à Valentina de poursuivre.

— Il est allé chercher les flics !

Marco se lève d’un bond, tape des poings sur la table.

— Quoi ?!

Valentina et Alberto braillent en même temps en vociférant des insultes sur mon dos. Je suis figé. Quant à Maria, elle cache sa bouche, lutte pour se retenir de pleurer. Marco se prend l’arête du nez. C’est son tic. Il secoue la tête, agacé, puis parle d’une voix forte et grave.

— Ça suffit !

Nous sursautons. Le silence retrouvé, Marco se place devant son bureau, s’appuie sur le rebord. Il croise ses jambes et ses bras. Je suppose qu’il s’apprête à nous exposer sa façon de penser. Il nous sort, en réalité, le code d’honneur. Je croyais que c’était pour les Siciliens ? C’est Alfonso qui me l’a dit. Et Giovanni. Nous, nous avons une seule loi, celle de l’argent. Je hausse les épaules. Marco s’approprie ce qui l’arrange. Nous écoutons tout de même avec une grande attention le discours de notre père.

Marco explique que, d’un côté, les mafieux font face à la loi, aux représentants de la justice, aux policiers, etc et de l’autre, ils protègent la famille. Le point le plus important. La famille ne fait jamais appel aux forces de l'ordre. Elle se fait justice elle-même. Si quelqu'un lui crée du tort, il ne doit pas faire appel à la police. Il se défend ou alors, informe le chef de famille, autrement dit, Marco. Dans ce cas là, il s’en débarrasse. En d’autres termes, il le tue. C'est comme ça que les choses fonctionnent entre eux. Et nous nous devions de réagir de la même manière. Une dernière chose : le code stipule que l’organisation mafieuse est basée sur le secret. Ce qui veut dire que les affiliés taisent son existence. À l’image de la criminalité organisée, la mafia, pragmatique, est clandestine dans le but de se prémunir de la répression. Ils imposent le respect du secret aux non-initiés en tuant ceux qui ne respectent pas la loi du silence, autrement dit, l’omertà. Ils ne dénoncent pas et ne laissent jamais personne leur causer du tort.

— Vous avez intérêt à honorer ce code et la famille, est-ce clair ? conclut Marco.

— Ouiiii ! répondent en chœur Alberto et Valentina.

— C’est surtout à Jack qu’il faut faire comprendre ça ! raille-t-elle.

Quelle peste. Je ne suis pas sourd.

— Bon, dégagez maintenant, ordonne Marco.

Et à moi :

— Reste-là, toi, j’ai à te parler !

Il va me gifler. Je m’avance vers lui, anxieux.

Marco me donne un coup de poing dans la joue, sans retenue. Je ne m’attendais pas à ça ! Je vacille sous le choc. Il m’a déboité la mâchoire ! Je tâte mon visage, non, rien de cassé. Par contre, du sang coule de ma lèvre fissurée.

— Tu veux nous créer des ennuis ?! Qu’est-ce qui t’a pris d’aller voir les flics bon sang ?

— Je voulais juste… je croyais qu’ils pourraient défendre Alberto,

— Tu veux renier ta famille ? Nous avons un code d’honneur à respecter ! On ne demande pas l’aide des autres ! Surtout pas des flics !

Marco m’agrippe par les épaules et me secoue pour m'obliger à le regarder, prendre conscience de ma position. Il exerce une pression douloureuse.

— Tu sais te battre, tu sais utiliser une arme, tu as déjà tué des gens, tu es la relève de la famille, Jack ! Je dois impérativement compter sur toi ! N’agis pas comme un lâche !

Je baisse les yeux.

— Bats-toi ! Défends ta famille bordel ! C’est compris ?!

— J’ai… j’ai compris…

— Je n’ai pas bien entendu, répète-le !

— J’ai compris ! Je protégerai ma famille ! Dorénavant je me défendrai sans demander l’aide de qui que ce soit !

— Et bien voilà ! s’exclame-t-il en me libérant. Tu vois quand tu veux !

Je me masse le bras, nerveux.

— Maintenant, que les choses sont claires, dégage toi aussi dans ta chambre, j’ai à faire.

Je sors, le souffle court, me prends la tête entre les mains, marchant d’un pas rapide vers ma chambre. Je sens un poids dans ma poitrine. L’abandon de ma famille me pèse.

Le jour suivant, Marco m’interpelle du salon.

— Jack !

Quoi ? J’ai pas envie de répondre. Je suis fatigué.

— Jack ! Descend tout de suite !

Je ne suis pas là, laisse-moi tranquille.

— C’est l’heure d’y aller ! Jack ! Tu te bouges ?!

Il s’époumone. Il va finir par avoir une crise cardiaque s’il continue à hurler.

— Mais qu’est-ce qu’il fout encore ce gosse ?

— Je ne sais pas.

Ah, maman est en bas avec lui.

— Va me le chercher !

— Maintenant ?

— Oui ! Dépêche-toi ! Je n’ai pas que ça à faire d’attendre !

— D’accord, j’y vais.

J’entends les talons de ses chaussures claquer sur les marches de l’escalier. Elle vient me chercher. Je n’ai pas la force de me lever, je reste allongé dans mon lit, enveloppé dans le drap et la couverture, remontés jusqu’au menton.

— Jack ? Qu’est-ce que tu fais ? Ton père t’appelle depuis tout à l’heure !

J’ouvre à moitié les yeux, m’assieds lentement, en gardant mes bras bien au chaud. Je tremble de froid.

En voyant ma tête, Daniela s’approche de moi. Elle pose sa main sur mon front.

— Jack ! Tu es brûlant !

— J’ai mal à la tête…

— Quand tu es malade, tu ne fais pas semblant toi !

Pourquoi je ferais semblant ? Aucune confiance en moi dans cette famille.

— Que t’est-il arrivé avant-hier ?

— Rien…

— Jack… Paola m’a dit que tu es rentré à la maison trempé jusqu’aux os ! Et ce n’est pas dû à la pluie, vu qu’il fait beau et chaud depuis deux semaines.

Daniela se courbe pour me regarder dans les yeux. Je lève légèrement la tête, attristé. Elle marque une pause. Puis elle se redresse, gênée.

— Pourquoi tu me regardes comme ça ? Je n’ai pas envie de parler de ce qui s’est passé…

— Tu lui ressembles tellement…

— À qui ?

Daniela ne répond pas, se contente de me fixer avec des yeux larmoyants. À qui je ressemble ? Dis-le moi.

— Euh… Maman ?

— À ton oncle, répond Marco.

En entendant sa voix, un frisson me parcourt le corps.

— Daniela, sors d’ici.

Non, ne me laisse pas seul avec lui. Il s’approche, mains dans les poches.

— T’es aussi crétin que mon frère des fois.

Vraiment ? Je grimace, détourne la tête vers la fenêtre.

— Qu’est-ce qui s’est passé avant-hier ?

— Rien… C’est fini…

Marco m’empoigne le bras. Je me tourne vers lui, nerveux.

— Jack ! Quand quelqu’un te fait du tort, tu viens me le dire ! C’est la règle ici !

— C’est-à-dire que…

— Quoi ?

— Ça n’a plus d’importance…

— T’es pénible, tu sais ?

Je me mordille la lèvre inférieure. Si je lui dis la vérité, il risque de m’emmener voir ces types et de m’ordonner de les tuer. Je n’ai aucune envie de recommencer. Alors, je préfère garder le silence, quitte à me prendre une raclée. J’applique ce qu’il m’a enseigné, l’omertà. Il se penche et pose sa main sur mon front.

— T’as une sacrée fièvre !

Il se redresse, mains sur les hanches.

— On t’a jeté à la flotte ou quoi ?

Je relève la tête, surpris. Marco me fixe de ses yeux noirs, essaye de me faire cracher le morceau. Mais je ne céderai pas. Je reste muet comme une carpe.

— Repose-toi. Que tu sois vite rétabli. Compris ? J’ai des projets pour toi.

J’acquiesce. Marco s’apprête à sortir, quand son regard se pose sur le châle rose aux petites fleurs violettes plié sur la commode. Il fronce les sourcils, se tourne vers moi. Je me cache vite fait sous la couette. Oups, j’aurais dû le ranger.

Je ne bouge pas d’un poil, retiens ma respiration, jusqu’à ce que Marco disparaisse. J’écoute ses pas s’éloigner. D’autres prennent la relève.

— Jack ?

Ce n’est que Maria. Je suis rassuré, sors la tête. Elle entre avec une bassine d’eau et une serviette de toilette.

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