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Ce jour-là, Milo me propose de trainer après les cours, au lieu de rentrer chacun chez soi. J’observe un point imaginaire dans la rue menant aux quais. Je serre le sachet de cocaïne caché dans ma poche de pantalon.

— Je n’ai pas trop le temps…

— Allez viens, ce ne sera pas long ! insiste Milo.

— Okay, juste une heure alors.

Nous nous promenons sur Mason Street, discutons de tout et de rien. Soudain, Milo sautille sur place :

— Le dernier arrivé à la plage est un boulet !

Nous nous mettons à courir, puis tournons sur Javowitz Street en direction de la plage, en rigolant.

— Je serai le premier ! crie Milo.

Je suis plus rapide que lui, le distance facilement. J’arrive, pieds dans le sable, me tourne vers lui, bras en l’air.

— J’ai gagné !

— Tu cours trop vite, dit Milo, essoufflé. Je suis complètement naze.

Je mets les mains dans les poches, sourire en coin.

Soudain je reçois une pierre sur le haut du front.

— Aïe…

Je sens un liquide couler sur ma tempe. Je touche ma tête avec l’index et le majeur. Mes deux doigts sont imbibés de sang. Milo me rejoint, inquiet.

— Hey, Jack, ça va ?

Je ne réponds pas, scrute les alentours. Mon regard se fige sur Alfonso et Flavio.

Alfonso tient une autre pierre dans la main. Il la lance vers le ciel, puis la rattrape.

— Qu’est-ce qui te prend ?!

Il balance de toutes ses forces son caillou vers moi. J’esquive en me penchant sur le côté.

Alfonso et Flavio s’approchent de moi, d’un pas assuré.

— Dégage d’ici, c’est notre terrain de jeu ! grogne Alfonso.

— Votre zone est sur les quais du Ferry Plaza.

— Plus maintenant !

— Vous êtes qui vous ? demande Milo, interloqué.

— D’anciens camarades d’école, répond Flavio, provocateur. T’es son nouveau pote ?

Milo fronce les sourcils, hébété et tourne la tête vers moi. Je serre les poings, ne bougeant pas. Le sang continue de couler le long de ma tempe.

— Tu ferais mieux de ne pas traîner avec lui, conseille Alfonso à Milo.

— Et pourquoi ça ? Il est sympa.

— Juste en apparence. C’est un Cal…

Bon, ça suffit. Je donne un coup de poing dans sa mâchoire pour l’empêcher de parler. Alfonso est projeté sur le côté.

— Qu’est-ce qui t’arrive ?! s’étonne Milo.

— Tu ne lui as pas dit ton nom de famille ? raille Alfonso.

— Arrête !

— Qu’est-ce que tu caches ? s’inquiète Milo.

— N’écoute pas ce qu’il dit !

— T’es pas au courant ? sourit Alfonso. La maîtresse mor…

Il me cherche ! Il me trouve ! Je me jette sur lui pour le frapper.

— Tais-toi !

Alfonso riposte. Nous nous battons dans le sable. Je ne vais pas me laisser emmerder par ce type !

— Vas-y Alfonso t’es le plus fort ! encourage Flavio.

— Te laisse pas faire Jack ! me crie Milo.

D’autres enfants s’attroupent autour de nous. Alfonso reçoit le plus de coups. Des bruits d’encouragement se font entendre.

— Hey oh les gosses ! braille un policier. C’est quoi ce raffut ?

Les enfants se retournent, aperçoivent les policiers, puis déguerpissent vite fait. Je jette un œil. Encore ce flic !

— Va me rattraper un des ces gosses ! hurle Kenneth à son coéquipier.

— Oui, chef !

Il court en direction de quelques enfants. Quant à Kenneth, il se dirige vers nous. Alfonso tire sur mes cheveux, envoie son poing dans ma figure. Je lui tord le bras. Il braille. Le flic intervient. Il nous sépare en nous tirant chacun par le col de notre chemise.

— Ça suffit vous deux !

Nous sommes essoufflés.

Kenneth presse mon bras. Il lâche Alfonso.

— Tiens donc, mais qui voilà ? Jack.

— Comment ?… Tu… tu connais ce flic ? bredouille Milo.

Inutile de lui répondre. Ça se voit, non ?

— Vous êtes bien amochés tous les deux. Qu’est-ce qui se passe cette fois ?

— Une vengeance entre nous, explique Alfonso.

— Ça ne vous regarde pas.

— Bien sûr que si ça me regarde ! Vous nuisez à la tranquillité des habitants.

— On a fini de toute manière.

— On ne se reverra plus ! fulmine Alfonso. On n’a rien à voir lui et moi !

— Je ne vois pas de différence, souligne Kenneth. Juste deux p’tits ritals qui s’étripent.

— J’suis un sicilien et lui c’est un napolitain ! s’offusque Alfonso. Ça n’a rien à voir !

— Ouais, ouais…

— Vous… vous allez faire quoi ? demande Flavio au policier.

— Juste vous sermonner. Ne vous battez plus dans les lieux publics, c’est clair ? Réglez vos comptes chez vous, dans votre quartier. Pas ici. Vous m’avez bien entendu ?

— Très clair, confirme Alfonso.

— Alors déguerpissez d’ici.

— Viens Flavio, on s’casse.

Alfonso et Flavio me jettent des regards mauvais, puis partent. Ce sont eux qui ont commencé ! Kenneth se tourne vers moi.

— Et toi, alors ?

— Pourquoi vous vous en prenez à moi ?

— Parce que c’est autour de toi qu’il y a des emmerdes.

— Lâchez-moi !

— Ne me parle pas sur ce ton !

— C’est l’autre garçon qui a commencé, intervient Milo. Il lui a jeté une pierre sur la tête.

— Vraiment ?

— Oui, je l’ai vu.

— Et pourquoi a-t-il fait ça ?

Je fronce les sourcils, tire mon bras pour me libérer de l’emprise de Kenneth. Il me lâche involontairement.

— Faut que je rentre.

— Moi aussi. Mon père m’attend… pour l’aider à sa boutique… dit Milo.

— Okay, tu peux partir, répond Kenneth.

Puis il me regarde, me gifle. Je suis abasourdi. Il en profite le salaud ! Milo se retourne en entendant la claque.

— La prochaine fois que tu croiseras mon chemin, je ne te laisserais pas te défiler. Alors évite de créer des embrouilles, t’as bien compris ?

— Laissez-moi tranquille !

— Je fais juste mon job.

— En vous en prenant à des enfants ?

— Je vous rappelle juste à l’ordre. Surtout toi ! Alors tiens-toi correctement !

— Ils ont…

— Ils ont quoi ?

— Rien. Laissez tomber.

Il m’énerve. Il me fatigue. Je n’ai aucune envie de discuter avec ce connard. Kenneth tend son bras pour pointer la direction du quartier Italien. Abruti de flic. Le regard noir, je me dirige furibond sur Mason Street. J’essuie le sang sur mon visage avec la manche de ma chemise.

Milo me rattrape en courant.

— Hey, Jack. Attends-moi !

Je continue de marcher.

— Quoi ?

— T’es le fils de qui en vrai ?

Là, va pas falloir pousser le bouchon trop loin. Je stoppe.

— Tu me lâches avec ça ? Qu’est-ce que ça peut te faire ?

— Bah, les deux gars, ils ont l’air de te craindre… et le flic aussi… Il n’a pas l’air de t’aimer…

— Parce que toi t’es apprécié p’têt ?!

— Je… je ne voulais pas te vexer… Je me fais rembarrer moi aussi, vers mon quartier. Je me prends pas mal d’insultes dans la gueule, mais… personne ne me craint vraiment… Mon père a une boutique de…

— Boucle-là tu veux ! Ça va, j’ai compris !

— Pardon…

— Ça m’énerve tous ces comportements.

— Je te comprends.

Nous arrivons sur Midway Street.

— Bon, me voilà arrivé chez moi. À demain !

— Ouais, à d’main.

Milo doit certainement se demander pourquoi j’ai réagi ainsi… Tant pis, ça passera.

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