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Les jours s’enchaînent. Je progresse dans le maniement des armes à feu et dans l’art du combat, tandis que mon frère et mes sœurs se ramollissent, profitant du bon temps. C’est injuste !

Un après-midi, ma sœur Valentina sollicite mon aide. D’ordinaire, elle ne se soucie guère de moi, des autres d’une manière générale. Elle s’introduit dans ma chambre sans me demander la permission. Elle ouvre la porte sans ménagement, créant un courant d’air furtif. Valentina me supplie de l’aider les mains jointes. Je soupire en retenant les feuilles des rapports soulevées par la brise.

— Tu pourrais frapper avant d’entrer.

— Jack ! Tu peux m’accompagner chez Marta ?

— Pardon ? Tu me déranges pour ça ?! Vas-y toute seule, comme tu fais d’habitude, je suis occupé.

— Allez, s’te plaît !

— Arrête tes gamineries, demande à Al.

— Non, c’est toi que je veux.

Je lève la tête des documents, me tourne vers ma sœur.

— Pourquoi as-tu besoin de moi ?

— J’ai peur…

Je soupire. Va droit au but, au lieu de tourner autour du pot.

— De quoi ?

— Un associé me fait du chantage.

— Quel genre ?

— Je n’ai pas bien compris, mais il me fait peur.

— Parles-en à papa.

— Il refuse de m’écouter !

Bras ballant sur ma chaise, je fixe ma sœur, un sourcil levé, les lèvres pincées. Elle semble apeurée. Elle dit que j’ai aidé Maria, alors pourquoi pas elle ? Avec ce genre d’argument, je ne peux qu’accepter. À contrecœur.

Je l’accompagne, empruntant la voiture de mon père, une Packard Phaeton cabriolet 1930. Chemise blanche déboutonnée au niveau du col, costume noir, chapeau noir, je m’y rends décontracté. Valentina, elle, est vêtue d’une robe moulante violette aux bordures bleues marine, de gants et d’un chapeau assorti, perchée sur des talons aiguilles noirs. Elle n’est pas discrète.

— La classe ! Mais si t’abîmes sa voiture, t’auras des ennuis ! lance-t-elle.

— Si tu la fermes, y aura pas de problèmes !

Nous nous dirigeons à l’angle de Lake Street et de la 24th Avenue. Nous n’avons rien à faire là. Irrité par la situation, je deviens suspicieux. Valentina se tortille sur son siège, jetant des regards anxieux partout. Puis, elle se tourne vers moi, les mains sur ses genoux, tire sur l’ourlet de sa robe.

— Jack, pardonne-moi, c’est Pietro Mancini qui m’a obligé. Il m’a promis de m’acheter tout ce que je voulais si je t’emmenais ici. T’es un frein dans leurs affaires.

J’écarquille les yeux, sidéré.

— J’y crois pas, tu m’as emmené dans un guet-apens, ma propre sœur ? T’es sérieuse ?

Bon, j’en ai assez entendu. Je passe la marche arrière, démarre. Et merde, c’est quoi ce bordel ? Une voiture débarque soudainement. Elle me bloque le passage en se garant en travers de la route. Devant nous, deux autres voitures barrent la sortie. Nous sommes coincés.

Des hommes sortent de leurs voitures, armes à la main. Je les reconnais. Les gars de Capo Gio. Ma soeur tente de s’échapper discrètement. Je la retiens par le bras.

— T’as l’intention d’aller où ?

Je la tire fortement vers moi, malgré sa résistance. Je pointe mon arme sur sa tempe.

— Qu’est-ce que tu fais ? dit-elle, tremblante.

— Pietro, c’est ton amant, je me trompe ?

— Oui et alors ?

— On va voir s’il tient à toi ! Je me sers de toi comme bouclier.

— Pietro n’est pas venu, triple andouille ! Tu vas le regretter quand papa le saura !

— Tu plaisantes j’espère ?

— Non, on s’est mis d’accord Pietro et moi.

— C’est pas possible.

Je sors de la voiture en la maintenant fermement. Elle m’a gonflé. Je me cache derrière elle, ils n’osent pas tirer. Je sors mon Colt, tire rapidement sur deux hommes arrivant en face.

Une balle se loge dans la cuisse de l’un, une autre dans l’épaule du second. Ils sont blessés, mais ne bougent pas. S’ils touchent Valentina, leur patron ne le leur pardonnera pas. Tant mieux, je gagne du temps. J’ouvre la portière conducteur pour me protéger. On ne va pas y passer la nuit. Si je n’agis pas, on ne risque pas d’avancer. Je recharge mon arme, je pousse violemment Valentina sur le trottoir. La voie est libre, les gars se lâchent. Ils mitraillent la voiture avec leurs revolvers.

À la fin de la rafale de tirs, je lève la tête, tire deux balles sur les hommes, les tuant sur le coup. Pour les deux autres restant, je me retourne, les hommes font feu à volonté. J’ai juste le temps de plonger sur la banquette avant pour éviter qu’ils ne m’atteignent. Les balles explosent le pare-brise, les deux feux arrière de la voiture, éraflent la carrosserie, trouent le revêtement en cuir de la portière, ainsi que la capote beige. Valentina, tombée à terre, un talon aiguille cassé, regarde la scène, paralysée par la peur.

Les deux hommes accélèrent le pas. Quand l’un d’eux se penche vers l’habitacle, je donne un coup de pied dans son arme pour la faire valser. Puis je profite de sa seconde d’inattention pour lui asséner un coup de pied dans le nez. Il crie en se tenant son arête cassée.

Je me relève, le deuxième m’attrape par l’épaule, m’administrant un coup de crosse derrière la tête. Volte-face pour lui donner un direct dans la mâchoire, faisant fi de la douleur.

Je me précipite pour m’installer au volant de la voiture. Les deux hommes gémissent au sol. Tandis que les deux autres gisent dans leur sang. Ces heures de tir tous les soirs avec mon père, m’ont permis d’agir vite, et de viser juste. Ah, j’ai oublié ma sœur. Je la regarde. Valentina reste recroquevillée, serrant ses jambes contre son menton, le mascara noir dégoulinant sur ses joues. Faut que j’aille la ramasser. Quel boulet ! Je sors, furieux, la relève de force par les épaules. Elle ne tient pas sur ses jambes, tétanisée. Je la secoue. Voyant qu’elle ne réagit pas, je la repousse. Elle se laisse retomber sur les fesses.

Je jure à voix haute. Les hommes de main reprennent leurs esprits. Dépêche-toi de te lever ! Tant pis, elle n’a qu’à rester ici si ça lui chante.

Les coups de feu reprennent, je me protège la tête. Tiens, ils visent à côté. Ils ont peur de toucher Valentina. Quelques habitants osent tirer leurs rideaux pour observer la scène se passant dans leur rue. Des sirènes de police se font entendre. Il est de temps de déguerpir ! J’insère la clé, démarre. Je prends un instant pour faire vrombir la voiture, les pneus fument en patinant sur le bitume.

— Jack ! Jack ! Ne me laisse pas ici ! hurle Valentina, en panique.

J’hésite. C’est tentant. Mais je me ravise.

— Alors dépêche-toi de monter !

Elle s’installe aussi vite qu’elle le peut à côté de moi, pieds nus, les chaussures dans ses mains.

— T’es vraiment chiante, tu sais !

Les sirènes de police se rapprochent. Je baisse le frein pour libérer la voiture et la laisser bondir en avant. Je fonce sur Lake Street, puis bifurque à gauche sur la 25th Avenue. J’aperçois les gyrophares derrière moi. Je roule plus vite qu’eux, m’engage sur California Street, les sème sur Geary Boulevard après avoir tourné sur la 10th Avenue. Ils ne nous rattrapent pas, ou alors, ils ont abandonné. Ça arrive. Certains évitent de se mêler aux affaires de la Mafia. Je décélère lorsque j’entre sur Vallejo Street, me dirigeant vers notre domicile. Je me gare dans la cour. Alberto est assis sur les marches. Qu’est-ce qu’il fiche ici ? Il fume le cigare. C’est nouveau. Toujours à vouloir imiter notre père.

— Tu vas te faire fumer par papa ! se moque Alberto.

Je claque brutalement la portière.

— Tu la boucles Al !

Valentina sort à son tour, chancelante, déboussolée par cette course-poursuite intense. Elle s’assied à côté d’Alberto. Je la rejoins pour l'engueuler fermement.

— Plus jamais tu ne me refais un coup pareil ! Sinon je te jure que je t’abandonnerai dans ces ruelles paumées ! C’est clair ?!

— Oui, oui… s’excuse-t-elle, en secouant la tête et se mordillant les lèvres, tête basse.

— Et pour la voiture, tu en es entièrement responsable. Compris ?

— Moui…

— Je n’ai pas entendu !

— Oui !

Alberto se lève pour en découdre.

— Hé, tu ne lui parles pas comme ça !

— Ce n’est pas le moment Al ! Pousse-toi !

— Non, tu t’excuses auprès d’elle !

Je lui lance un regard noir et lui envoie un coup de poing dans la mâchoire. Alberto vacille. Il me laisse passer. Je grimpe les marches d’un pas lourd, furibond.

Maria me croise, ouvre de grands yeux.

— Jack, tu saignes !

— Ça n’a aucune importance !

Je me dirige vers ma chambre, claque la porte. Je nettoie les traces de sang séché. J’entends des bruits en bas. Valentina pleurniche auprès de Marco. Elle sanglote comme une mauvaise actrice. Elle explique notre mésaventure avec les hommes de Mancini. Je m’agrippe au bord du lavabo. Elle m’agace ! Ça va encore me retomber dessus ! J’ai tué deux gars et tabassé deux autres. Et alors ? C’est ce que m’apprend mon père !

— Jack ! hurle Marco. Descends tout de suite ! On va chez les Mancini !

Qu’est-ce que je disais ? Sa réaction n’a pas tardé…

En descendant les escaliers, je scrute Valentina, qui me souffle dans un murmure :

— Je ne t’ai pas dénoncé ! J’te jure !

Je ne dis rien, rejoins mon père, les poings serrés, la fusillant du regard. Elle m’énerve. Je lui mime la décapitation. Valentina croise les bras et détourne les yeux vers le plafond, d’un mouvement hautain.

Marco analyse l’état de la voiture d’un oeil mauvais. Hey ! J’y suis pour rien si les gars m’ont tiré dessus ! Règle ça avec Valentina. Cette idée ne lui viendrait pas à l’esprit. On règle nos comptes, entre hommes. Il fait signe à Renato et Fabio de monter avec nous. La nuit commence à tomber. Je suis éreinté. J’observe le croissant de lune, songeur. Vivement que ça se termine.

Nous nous dirigeons sur Green Street, au domicile des Mancini. Marco tambourine à la porte. La discrétion, ce n’est pas son fort. Des hommes de main apparaissent aux fenêtres, guettant la personne venant les déranger à l’heure du souper. Gio Mancini vient nous ouvrir, sommant ses affranchis de nous laisser passer.

— Entre Marco, qu’est-ce qui t’amène ?

En avançant tous dans le salon, Pietro se fige en me voyant. Il semble surpris. Il est livide comme s’il venait d’apercevoir un fantôme.

— Que… ?! Qu’est-ce que tu fous là ?! T’es pas mort ?

Tous se retournent vers nous, les deux grands dadais.

— Jack, il s’est passé quoi aujourd’hui ? interroge Marco.

— Pietro, qu’est-ce que ça veut dire ? ajoute Gio.

J’observe Pietro, le petit ami de ma sœur, avec froideur. Un grand type d’1m85, à la mâchoire carrée et aux cheveux bouclés, plaqués en arrière. Elle l’a rencontré lors d’un dîner entre nos deux familles, au restaurant de Zio.

— Bah, je croyais, enfin… ça devait pas… il… s’emmêle Pietro dans ses mots.

Il n’est pas doué le gars. J’explique la situation.

— Votre fils m’a tendu un piège, en amadouant ma soeur Valentina pour m’attirer dans un endroit à l’écart de notre quartier. Dans le but de m’éliminer.

— Quoi ?! s’emporte Marco. C’est une plaisanterie ?!

Gio lève les mains pour le calmer. Les affranchis se tiennent tous prêts, revolver à la main. Qu’est-ce que j’ai dit encore ? Mollo. Vous ne voulez pas éviter, pour une fois, les effusions de sang ? Pietro se dandine d’un pied sur l’autre, se frotte l’arrière de la nuque. Il est mal à l’aise, dis donc.

— C’était juste pour lui faire peur. Je voulais juste lui donner une leçon pour que les Calpoccini te laissent l’affaire Byrne.

— Lui faire peur ? s’exclame Marco. Ton fils t’embobine Gio ! Regarde ma voiture bordel ! Criblée de balles !

Il ouvre la porte d’entrée pour pointer l’état de la voiture garée sur le trottoir et appuyer ses dires.

— Et regarde un peu mon fils, blessé de partout ! Du sang coule même sur sa nuque !

— Quoi ?

Je me passe une main derrière la tête, effectivement du sang imbibe mes doigts. Je pensais avoir arrêté le saignement.

— Attends Marco, on ne va pas en venir aux mains pour si peu…, tremble Gio.

— Pardon ? J’ai cru mal entendre il me semble ? Pour si peu ?

— Bah ce n’est pas grand cho…

— Tes hommes ont tiré sur mon fils et ma fille !

— Et le tien a tué deux de mes hommes de main ! Sans compter ceux blessés lors de notre entrevue !

— Deux ? Vraiment ? me demande Marco.

— Euh oui…,

Je me passe une main dans les cheveux. Marco semble satisfait. Il n’y a pas de quoi être fier.

— C’est un danger public ton fils !

— Je me suis juste défendu…

— Regarde plutôt le tien qui ose transgresser nos règles avec ses coups de pute ! lance Marco.

— Je t’interdis de parler de mon fils comme ça !

— C’est ce qu’il est, un hypocrite comme son père !

Gio lève le poing, agrippe le revers de veste de Marco, qui fait de même. C’est parti. Ils vont se taper sur la gueule.

— Stop ! Ça suffit !

Ah, baston évitée. Valentina, vient d’apparaître dans l’embrasure de la porte de cuisine. Que fait-elle ici ? Elle était à la maison quand nous sommes partis ! Elle a certainement filé chez Pietro pour le prévenir de notre arrivée. Je comprends mieux pourquoi Gio n’était pas plus étonné que ça.

— Que fais-tu là ? interroge Marco.

Valentina annonce qu’elle et lui s’aiment. C’est d’une évidence. Elle n’arrête pas d’en parler à longueur de journée. Elle roucoule comme Alberto. Pas un pour rattraper l’autre. Elle supplie les deux familles de faire un effort pour s'entendre. Je lève les yeux au ciel, passe la main dans mes cheveux emmêlés et collés par endroit par du sang séché. Qu’est-ce que j’en ai à foutre, sérieux ?

Je dévisage Pietro. Il dit qu’il l’aime, mais il l’oblige à agir contre son frère, de prendre des risques pour l’attirer dans son piège. Et cela dans l’unique but de me tuer pour obtenir la mainmise sur les docks. Il a mis Valentina en danger et a brisé la confiance de notre famille. Gio avoue que son fils a été maladroit sur ce coup-là et s’engage à ce que son fils ne recommence plus. Pietro n’a pas soupçonné un seul instant le danger encouru pour Valentina. Il n’a pas évalué les conséquences non plus, pour la famille. Il reconnait au moins ses torts.

Gio hoche la tête et ses hommes de main baissent leurs armes. Je les avais oubliés ceux-là. Il nous invite à prendre place dans le canapé, demandant à sa bonne de nous servir un whisky. Je n’aime pas ça, cet alcool me fait trop penser à Kenneth. Je réclame un café à la place. Marco me fusille du regard. Quoi ? J’ai demandé poliment !

— Je t’écoute Marco, commence Gio.

— Tu me payes les réparations de ma voiture et tu me donnes en cash la moitié de tes bénéfices.

— Hey, non, c’est…

— Attends ! Laisse-moi finir. En échange, c’est cinquante-cinquante sur l’affaire Byrne et j’accepte l’union de Valentina avec ton fils Pietro.

— Marco, putain, pas la moitié de mes revenus…

— À prendre ou à laisser. Si tu refuses, Jack se chargera du reste.

J’observe mon père, puis Gio, de biais, en me massant l’arrière de la tête. Je préférerais à cet instant qu’il m’oublie, mais mon père compte beaucoup trop sur moi, en mettant tous ses espoirs sur mes épaules. Ce que cherche Marco consiste à remettre à leur place ses adversaires en leur faisant peur par mon habileté au tir et au combat. Je suis éduqué pour ça. Marco me le rabâche assez souvent. Je suis censé suivre le sens de mon père, afin de servir ma famille au détriment de mon propre épanouissement personnel. Je n’ai pas l’intention de devenir son bras droit ! Je ne veux pas de cette position. Mais je ne peux pas lui dire… Il ne comprendrait pas. Mon sort est scellé depuis belle lurette.

Je n’apprécie pas ce type, Pietro, à cause de son acte malveillant. J’en veux aussi à Valentina d’avoir abusé de son statut de femme esseulée pour tromper ma vigilance. Je ferai plus attention la prochaine fois.

Marco se lève, serre la main de Gio, puis se dirige vers la porte d’entrée, suivi de ses affranchis. Tout ça pour ça ! Depuis le début, je lui ai suggéré un partage à cinquante-cinquante ! Cette info lui est sortie de l’esprit à mon avis. En partant, je ne peux résister à la tentation d’asséner un bon revers du poing droit dans la mâchoire de Pietro. Déstabilisé, il tombe lourdement sur le parquet qui grince sous son poids. Valentina se précipite vers son amoureux pour le prendre dans ses bras. Pietro ne riposte pas. Il l’a bien mérité après tout.

Quelques jours plus tard, avec Giovanni et Renato, nous faisons un tour du côté des quais de The Embarcadero pour vérifier que le bâtiment n’est pas squatté. Puis, nous partons en direction de la propriété.

Sur North Point Street, des coups de feu se font entendre, ainsi que des cris. J’aperçois Kenneth sortir d’une ruelle, le visage tuméfié, blessé à la cuisse. Du sang dégouline sur sa jambe.

Kenneth est pris à partie par des délinquants irlandais. Il court dans notre direction.

— Pitié ! Aidez-moi ! appelle Kenneth.

Qu’est-ce qu’il espère cet abruti ? Que je lui vienne en aide ? Il se fourre le doigt dans l’œil ! Je souris, j’ai envie de m’amuser. Je baisse mon chapeau pour cacher mon visage. Je m’approche de toute ma hauteur, l’agrippe par le col de sa chemise. Je le plaque au mur. Je révèle lentement mon visage. Je le fixe droit dans les yeux. Ses yeux s’écarquillent de stupeur. Magnifique réaction.

— T… toi ? J… Jack ?

— Tu crois vraiment que je vais t’aider ?

— S’il… s’il te plait…

Il est vraiment dans un sacré pétrin, pour me demander ce service poliment. Il s’écrase comme une merde. Imbécile. Je crispe la mâchoire. Je n’ai rien oublié. Rien.

— Pourquoi t’aiderais-je ?

— Je suis… je suis flic !

— Et alors ?

— Je suis tombé dans un guet-apens, une embuscade de jeunes irlandais. J’ai besoin d’aide.

— Menteur.

— Que… Quoi ?

— Avez-vous aidé mon frère quand je vous ai interpellé ?

— Ce n’était pas pareil, c’était…

— Des mensonges ? Non. Vous ne m’avez pas cru quand les gosses m’ont menacé. Vous ne m’avez pas écouté quand je vous ai dit que je n’avais pas tué Madame Johnson. Vous ne m’avez pas épaulé quand ma petite amie est morte.

— Je… c’était difficile à…

— Vous m’avez accusé. Vous m’avez arrêté. Vous m’avez même insulté. Alors que je n’étais qu’un gosse.

— Je ne savais pas ce…

— J’avais besoin d’aide. Et vous, vous m’avez tourné le dos.

— Parce que tu…

— Ignoré, rejeté. Vous avez fait de moi ce que je suis devenu aujourd’hui.

Kenneth se met à sangloter.

— J’ai fait… une erreur… je suis désolé…

— C’est trop tard.

Je lance un signe de tête à Giovanni. Il siffle les jeunes avec deux doigts dans la bouche.

— Hey, les rouquins ! Venez là !

Les adolescents irlandais s’approchent avec des barres de fer et des couteaux.

— Hey, les ritals, on ne veut pas d’embrouilles avec vous.

— Nous non plus.

— C’est lui qui nous intéresse ! crie le garçon en montrant du doigt Kenneth.

— Il est à vous, je vous le laisse.

Je me retourne, marche en compagnie de mes affranchis, tournant le dos à Kenneth.

— Non ! Ne partez pas ! hurle-t-il. Aidez-moi ! Je vous en prie !

Avant de tourner dans la ruelle, je jette un œil à Kenneth. Il est à terre, bras tendu vers moi. Les Irlandais se sont rués sur lui. Ils le tabassent à mort. Il hurle de douleur. Puis… plus rien, il se tait à jamais.

Dans le journal hebdomadaire, un article du San Francisco Chronicle parle de nous. Le journaliste a publié une information sur les échauffourées dans l’escalier de secours, photo à l’appui. Ce qui n’arrange pas l’image négative que les Américains se font des immigrés Italiens. Quant à Marco, la fierté n’en est que plus grande en voyant apparaître le nom des Calpoccini. La réputation de la famille devient connue à San Francisco. Je m’en serais bien passé…

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