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San Francisco, 2012

Un claquement de porte me sort de mes réflexions. Les agents de sécurité sont-ils sortis ? Je pose le carnet à l’envers pour ne pas perdre ma page. Je me lève et descends les escaliers. Des voix s'élevent dans le salon. Je reconnais celle de Brad. Lorsque j’arrive dans le salon, les hommes se tournent vers moi et se taisent. Le plus imposant m’adresse la parole.

— Qu’est-ce que c’est que ces conneries ? dit-il en me montrant le sac bleu contenant les carnets.

— Commissaire, je vous en prie, intervient Brad.

— Je me présente, commissaire Martin Mitchell, dit-il en me serrant la main. Je suis le supérieur de l’inspecteur Jefferson.

— Bonjour.

— Présentations faites, revenons à nos moutons. Qu’est-ce que c’est que ce cirque ?

— Les carnets de ma mère, je…

— Madame Walker, elle fait la biographie d’un tueur !

— Où voulez-vous en venir ?

— Ça ne fait aucun doute qu’il est coupable du meurtre de Robert Tucker !

— Comment ?

— Chef, attendez, ne faites pas de conclusion hâtive.

— La ferme ! Vous nous faites perdre notre temps, Madame Walker. Croyez-vous vraiment que je vais croire qu’un type comme lui est innocent ? Foutaises !

Le commissaire balance le sac sur la table basse du salon. Quelques carnets en tombent sur le tapis beige.

— Il a eu une vie… particulière, je le conçois, mais ça ne justifie pas son implication dans le meurtre de Robert Tucker…

— Pardon ? J’ai bien entendu ? Cela m’étonne de vous, la juge Walker stricte, froide et intransigeante.

— C’est que…

— Les gosses comme lui, vous les envoyez direct en taule ! Il a tué des gars, il n’a fait que ça. Vous ne pouvez pas le nier !

Il hurle si fort que les vases en porcelaine vibrent. Je cherche du soutien de la part de Brad. Il se contente d’enfouir ses mains dans les poches. Pourquoi n’intervient-il pas ? Comme s’il devinait mes pensées, le commissaire prend la parole.

— J’ai relevé l’inspecteur de sa mission.

— Quoi ? Mais pourquoi ? J’ai besoin de lui !

— Plus maintenant. Il perd son temps dans cette affaire. Il fourre son nez dans un dossier clos depuis des années. Votre grand-père est coupable, ça saute aux yeux. L’inspecteur a du boulot sur des cas bien plus sérieux !

— C’est tout à fait réfléchi ! Le coupable n’a pas été arrêté !

— Peut-être qu’il s’est débarrassé des preuves ? Peut-être qu’il a descendu les témoins et les flics pour s’échapper ? Peut-être même qu’il a changé d’identité et qu’il a fini ses jours, paisiblement, au fin fond de la campagne italienne ? Ce serait bien son genre !

— Vous n’en savez rien !

Il se penche vers moi, mains dodues sur les hanches. Je n’aime pas sa tête de Bulldog. Je recule d’un pas. Il se redresse, me scrute du regard.

— Ou alors, votre mère raconte des salades.

— Vous n’avez aucune preuve.

— Taisez-vous ! Réfléchissez en tant que femme de loi et non avec vos sentiments. Une gamine de quatorze ans qui raconte les meurtres commis par son père, c’est inconcevable !

— Elle doit avoir eu ses raisons pour…

— Admettons. Mais ça ne change pas le fait que votre grand-père soit un criminel.

— J’ai…

— Vous êtes la première à condamner ces malfrats. Alors faites-le. L’affaire est close ! Versez l’argent aux Tucker, et vite, qu’on n'en parle plus.

— Mais je ne peux pas !

— Démerdez-vous ! Vendez votre baraque !

— J’ai un crédit à rembourser ! Je n’atteindrai jamais la somme !

— Vendez la maison de votre mère ! Et même votre Mercedes ! Vous trouverez j’en suis sûr.

Il me hurle dessus. Je suis décontenancée. N’ai-je plus les idées claires parce que cette histoire concerne ma famille ? Pour la première fois de ma vie, je suis déstabilisée.

— J’ai assez perdu de temps avec vos conneries.

Le commissaire sort d’un pas lourd, claque la porte. Brad vient me voir et me chuchote discrètement :

— Je suis navré...

Je ne réponds pas. Brad m'adresse un sourire désolé, puis sort à son tour. Je referme la porte derrière lui. Mes larmes coulent sur mes joues. La police ne me prend pas au sérieux, pense que ces écrits ne sont que fabulation...

Je me retrouve seule face à cette situation. Comment vais-je faire pour me défendre ? Je fronce les sourcils, essuie mes joues, serre les poings. Je dois découvrir la vérité, vérifier les propos de Fanny Tucker. Je veux en avoir le cœur net et pour ça, je mènerai les investigations moi-même.

Je croise les bras, lève les yeux vers notre photo de mariage accrochée au mur. Matthew, dépêche-toi de rentrer, j’ai besoin de toi. Je soupire, puis ramasse les carnets éparpillés dans le salon. Je m’avachis dans le canapé. Je ne suis pas motivée pour préparer le dîner. Je me ronge les ongles. Comment avancer ? Je me lève, je jette un oeil par la fenêtre. Le soleil se couche. Il illumine la rue de ses halos orangés. Je m’assieds sur le fauteuil. Ma jambe droite tremble. Je ne tiens pas en place ! Je n’arrive pas à me calmer. Je ne peux pas accepter de rembourser ces dettes sans être certaine qu’il est coupable. Quelqu’un doit bien avoir des informations quelque part. Mais où ? Je me lève d’un bond. Je ferme les volets. Je décide de retourner au grenier lire la suite des notes, dans l’espoir d’y trouver un indice. Page suivante, Lisa – jour 21, 25 octobre 1943. Mon père…

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