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San Francisco, 2012

La sonnette de l’entrée retentit. Je l’entends en continue, avec insistance. Agacée, je sors du grenier. En descendant les escaliers en direction du salon, j’aperçois des silhouettes s’agiter derrière les fenêtres aux voilages tirés. J’entends une voix :

« Madame Walker ! Nous sommes journalistes, de la chaine Fox News. Nous aimerions vous poser quelques questions au sujet de l’affaire Tucker ! »

Je reste figée sur la dernière marche de l’escalier. Matthew sort de la cuisine avec un café à la main. Nous nous regardons.

Il finit de boire son breuvage, puis dépose sa tasse vide sur le buffet de l’entrée. En ouvrant la porte, quelques journalistes m’aperçoivent et essaient d'entrer. Matthew les repousse dehors, puis claque la porte derrière lui. Je m’assois sur la marche, me prends la tête entre les mains. Je réfléchis à la situation. Je ne me sens plus en sécurité nulle part, ni chez moi, ni chez ma mère. Il est temps de bouger. Jack Calpoccini est parti à New-York, alors allons à New-York. Nous trouverons plus facilement des informations en nous rendant sur place, sur le lieu des événements. J’ose y croire…

Je sors mon téléphone de la poche arrière de mon pantalon et appelle Bryton. Je tombe sur son répondeur. Je l’informe de ma décision de partir à New-York. Sans échanger le moindre mot, Matthew et moi, nous rassemblons toutes les affaires dont nous aurons besoin là-bas.

En montant l’escalier, Matthew m’attrape la main.

— Ça va aller.

J’acquiesce. Je monte au grenier récupérer les carnets de ma mère, tandis que Matthew file dans le salon pour prendre sa sacoche avec son PC portable. Il devra continuer à bosser, en télétravail. Il s’est entendu avec son chef sur ce point depuis une semaine. Son appel d’offre ne peut pas attendre. Le début du chantier est prévu pour l’été 2013, celui de la tour Salesforce de 326 mètres de haut et qui sera située dans le centre-ville de San Francisco. Cette affaire est un tremplin pour sa carrière. Je fais passer mes priorités avant les siennes en ce moment. Même si ma situation est compliquée, je ne dois pas l’empêcher de saisir cette opportunité de passer chef de groupe.

J’ouvre la porte du grenier. J’attrape un élastique dans la poche arrière de mon jean, pour attacher mes cheveux en queue de cheval. Je m’attelle à rassembler tous les documents. Je les range dans le carton. Je regarde la poupée en porcelaine, la veste et le pantin de bois. Mains sur les hanches, je réfléchis quelques secondes en contemplant ces objets, décide finalement de les emmener avec moi.

Avec mon carton dans les bras, j’attends Matthew, assise sur le canapé du salon, bottines chaussées, trench enfilé et bonnet sur la tête. Matthew est prêt lui aussi, nous sortons par la porte arrière. Un journaliste de MSNBC nous intercepte. Merde.

— Attendez ! S’il vous plait ! Pouvez-vous répondre à quelques questions ?

Matthew se place en travers de son chemin, lève la main et lance :

— Circulez ! Y a rien à voir !

Quant à moi, je baisse la tête en m’agrippant à mon carton. J’entends des crépitements de déclencheur photographique, ainsi que des appels destinés à m’interrompre dans ma marche.

— Madame ! Votre grand-père est-il coupable de meurtre ?

Nous grimpons dans ma Mercedes, j’entends les « Madame Walker » incessants résonner autour de moi, s’élever parmi les journalistes agglutinés devant la maison de ma mère. Je remercie mon mari pour sa réaction.

Nous roulons vers notre domicile pour faire nos valises. Arrivés à la maison, j’aperçois une voiture grise, une Chevrolet Cruze, garée devant la maison. Nous nous plaçons derrière. La portière conducteur s’ouvre, c’est Bryton.

— Bryton ? dis-je en sortant de la voiture. Que fais-tu là ?

— Tu m’as laissé un message sur mon répondeur. Tu ne t’en souviens pas ?

— Ah pardon, je… c’est que je ne m'attendais pas à te voir ici.

— Tu avais l’air tellement paniquée au téléphone, et en plus, je n’arrivais pas à joindre Matthew, alors je suis venu ici dès que j’ai pu.

— Les journalistes ont débarqué chez ma mère, dis-je.

— Merde.

— Ils ne vont pas tarder à venir ici, ajoute Matthew.

— Je vais vous conduire à l’aéroport. Nous pourrons discuter en chemin.

Nous acquiesçons, puis filons prendre le nécessaire de voyage. Pendant ce temps, Bryton ferme les volets. Nous sortons, Matthew enclenche l’alarme, montons dans la Chevrolet.

Matthew me prend les mains, m’admire derrière ses lunettes à montures rectangulaires et grises. Je souris timidement et me sens honteuse de mon comportement envers Brad. Nous partons précipitamment. J’espère que ce voyage ne sera pas inutile. Pendant la durée du trajet qui nous mène à l’aéroport de San Francisco, notre ami Morin nous fait un topo sur ses actions : contacter l’inspecteur Jefferson pour obtenir des informations supplémentaires sur les Tucker, puis monter le dossier. Il me demande de lui faire un résumé des carnets de ma mère quand je serai à New-York et de le tenir informé de nos recherches. Je dois faire attention à ce que je vais dire…

Arrivés à l’aéroport, nous achetons un billet simple pour New-York. Un avion décolle dans quatre heures. Il reste de la place, mais nous serons séparés par cinq rangées de sièges. Je soupire. Cela va être long 6h40 de vol sans être auprès de Matthew… Je décide de sortir le carnet suivant de mon sac. Lisa – jour 38, 17 novembre 1943.

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