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New-York, 1938

En sortant du commissariat, l’air frais me pique le visage. Je mets mon chapeau, puis baisse la tête pour cacher mes blessures. Mains dans les poches, je pars en direction de Mott Street. Arrivé au pied du bâtiment, je pose une main sur la poignée de la porte d’entrée, je m’arrête, j’hésite. Une fois franchie, je ne reviendrai plus en arrière. Ma vie à New-York se termine. Je soupire, entre. Je monte l’escalier, main posée sur mon flanc gauche. Francis s’est bien défoulé le salaud.

En entrant dans l’appartement, j’enlève mon chapeau, l’accroche au portemanteau, puis je tombe nez à nez avec Lisa dans la cuisine. Elle écarquille les yeux en me voyant, lâche l’assiette en porcelaine qu’elle tient dans les mains. L’objet se brise sur le sol carrelé, les spaghettis s’éparpillent comme des cheveux entremêlés. Je me baisse vers elle, mais Linda la prend dans ses bras pour l’arracher de ma vue.

— Jack ! Tu lui fais peur ! lance-t-elle en caressant la tête de sa fille.

— Pardon, je… dis-je en me redressant.

— Que t’est-il arrivé ? s’angoisse Linda en écarquillant les yeux elle aussi.

Je fronce les sourcils, recule dans le couloir et m’inspecte dans le miroir rectangulaire accroché au mur. J’ai un coquard violacé qui me ferme à moitié l’œil gauche, l’arcade sourcilière droite fendue, du sang coule sur ma tempe, et ma lèvre supérieure est fissurée. Pas étonnant qu’elles réagissent ainsi, je fais peur avec cette tronche. Pendant que je me passe une main sur le visage pour nettoyer le sang séché, Lisa se débat dans les bras de sa mère. Linda la dépose, puis ma fille vient me serrer à la taille. Je le vois dans ses yeux noirs profonds, elle n’apprécie absolument pas que Lisa se conduise ainsi avec moi. Tant pis, je m’accroupis et la prends dans mes bras. Elle enfouit son visage dans le creux de mon cou. Je sens du liquide chaud sur ma peau. Elle pleure. Je lui caresse les cheveux pour la rassurer. Linda soupire, et sans un mot, elle nettoie les dégâts dans la cuisine. Je ne bouge pas, la chaleur de Lisa me réconforte. L’entrée brutale de Giovanni dans l’appartement met un terme à ce moment complice. Je me relève, Lisa s’accroche à ma taille. Il ouvre de grands yeux ronds comme des soucoupes.

— Qu’est-ce qui s’est passé ?

— Rien, j…

Il m’agrippe la mâchoire, compresse mes joues et me tourne la tête de gauche à droite.

— Qui t’a fait ça ?!

— Chè Franchisse, articulé-je difficilement.

— Quoi ?

Il me relâche, je me masse les joues et la mâchoire.

— Les flics me sont tombés dessus. Francis les accompagnait.

— Merde.

— On s’est expliqué…

— Il ne t’a pas loupé, dit-il en me dévisageant.

À cet instant, une porte claque, un frisson me parcourt. Derrière Giovanni, je vois Marco et Renato. Il se décale sur le côté, Marco s’approche de moi en boitant, appuyé sur sa canne. Il se redresse face à moi, puis me gifle. Putain de merde, pas devant Lisa ! Nous nous fusillons du regard. Il jette un rapide coup d’œil à ma fille, tête collée à ma hanche.

— Partons d’ici, ordonne-t-il.

En silence, tous s’attellent à préparer les bagages. Une fois prêts, nous sortons avec nos valises, montons tous en voiture, puis direction la gare.

Nous partons de New-York. Lisa ne me quitte pas d’une semelle. Je laisse « Marc Anderson à New-York », pour redevenir Jack Calpoccini de San Francisco.

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