88

9 minutes de lecture

Un éclair me traverse l’esprit. Je perds toute raison. La vengeance emporte mon corps. Je ne vais pas laisser passer une si belle occasion de me venger de ce salaud. Je me lève. Marco me retient par le bras. Je le repousse, descends les marches, longe le dôme de fer en fusillant du regard Alfonso.

— Nous avons un volontaire ! s'écrie l’arbitre. Veuillez l’accueillir comme il se doit !

Le public applaudit et siffle. Le gars m’ouvre la porte de l’antre de la dévastation. Antonio me regarde avec des yeux ronds.

— Jack ?

— Je ne viens pas pour te casser la gueule. Je suis là pour détruire ton adversaire.

— Quoi ? Mais je m’en sors très bien ! Jack, ce n’est pas la règle, c’est… hey, Jack ? Tu m’écoutes ?

Non. Ferme-là et profite du spectacle. J’avance d’un pas décidé au centre de l’arène. Je retire ma veste, la jette au sol. Elle soulève la poussière en tombant. Je remonte mes manches jusqu’aux coudes. Poings serrés, lèvres crispées, la rage au ventre, je fonce sur Alfonso. Coup de poing dans la mâchoire, j’alterne, droite, gauche. Il tombe à la renverse. Je m’assieds à califourchon sur lui pour le bloquer, et lui enserrer le cou des deux mains.

— Jack, qu’est-ce que tu fous ?! s’écrit Antonio.

Au son de sa voix, je desserre mon étreinte. Alfonso tousse comme un vieux qui aurait des glaires.

— T’es malade ! crache-t-il.

L’arbitre crie, mais je n’entends pas ce qu’il me dit. Ou plutôt, je refuse d’écouter. Il n’ose pas intervenir, il reste derrière la porte grillagée. Tant mieux. Alfonso postillonne du sang. Il ose dire que je suis taré ? Il a déjà oublié ce qu’il a fait à ma femme ? Je passe une main derrière le dos, choppe mon arme coincée à l’arrière de mon pantalon. Je place le canon dans sa bouche. Avec mon autre main, j'agrippe ses cheveux pour lui maintenir la tête en arrière. Il marmonne des trucs. L’arme l’empêche d’articuler.

— Une indigestion de plomb ça te dit ?

Il tremble de la tête, me fixe avec des yeux apeurés. Ça ne me fait rien. J’ai seulement la rage en moi. Mon âme est noire, je ne ressens ni peur, ni reproche, ni pitié. Juste de la haine. J’enfonce le canon un peu plus dans sa bouche. Alfonso a des hauts le cœur. Il est sur le point de vomir.

— Arrête !

Je tourne la tête. C’est le père Spinelli. Il tremble. Il me regarde comme si j’étais une bête, un monstre tout droit sorti de l’enfer. Il ne sait pas ce que son fils chéri a fait ? Je retire brutalement mon arme de la bouche d’Alfonso. Le canon déchire l'intérieur de sa bouche au passage. Je me relève lentement. Spinelli recule d’un pas. Mes mèches de cheveux noirs cachent à moitié mon visage. Il ne voit pas ce que j’ai dans les yeux. Je jubile. Il est décontenancé.

Tous retiennent leur souffle, y compris le public. Je me tiens au-dessus d’Alfonso. Je serre la crosse de mon arme. Je suis le maître de leur destin.

— Jack ! bredouille Antonio. Qu’est-ce qui t’arrive bon sang ?

— Tu veux le savoir ? dis-je, sans quitter des yeux Spinelli.

Lui aussi il doit entendre la vérité.

— Cette… ordure, dis-je entre mes dents serrées et en montrant du bout du canon, Alfonso allongé au sol, le visage couvert de sang. Il a tué ma femme.

— Jack… La vengeance n’est pas la solution… Tu ne te rappelles pas mon frère Emilio qui a…

— LA FERME !

Il sursaute. Je lui fais peur.

— Elle était enceinte ! De 6 mois ! T’entends ?!

Il ne répond pas. Abasourdi. Il ne sait pas comment réagir.

— Cette merde m’a toujours causé du tort ! Il n’a fait que ça toute sa vie ! Depuis l’enfance, et là encore, il continue. Il a tué ma femme, enceinte ! Il a tué un type sous les yeux de ma fille, elle en est devenue muette ! Il est allé trop loin. Je ne laisserai pas passer ça.

— Jack, intervient Alfonso. J’ai obéi aux ordres de ton père et pour ta fille... je ne l’ai pas vu, j’te jure…

— T’as plongé la tête la première ! T’as même pas réfléchi deux secondes à ce que tu faisais !

Je hurle tellement fort, qu’ils me regardent tous comme un sauvage. Ils ont peur de mes réactions. Je ne suis plus qu’un monstre de violence assoiffé de vengeance.

— Tu vas faire quoi ? Me tuer ? panique Alfonso.

Je réfléchis. Non, c’est trop facile de s’en sortir comme ça. Je tends le bras, pointe mon arme en direction de la poitrine du père Spinelli. Il ouvre de grands yeux. Sa respiration s’accélère.

— Non ! Attends ! Fais pas ça ! supplie Alfonso.

— Je vais te prendre la personne à laquelle tu tiens le plus.

— Non ! Arrête !

Le père Spinelli déplace sa main vers sa poche. Je vois un éclair passer, la crosse vient de briller quelques secondes sous la lumière du néon. Il ne prendra pas son arme. Je ne lui laisserai pas le temps de se défendre. Je tire de sang froid. La balle transperce sa poitrine. Le liquide rouge teinte sa chemise. Spinelli tangue, place des mains tremblantes autour du trou béant, puis, tourne de l’oeil, et finit par tomber comme une loque au sol. Les spectateurs se mettent à hurler de peur, à quitter les tribunes en hâte, par peur de recevoir une balle perdue sans doute. Ces réactions ne me font ni chaud, ni froid. Je reste concentré, faisant abstraction du mouvement de panique.

Alfonso se met à gueuler des injures. Il se met à chialer. Ça me fait sourire. Il commence à se relever. Lui aussi, je l’empêche d’agir à sa guise. Je me tourne rapidement vers lui, bras toujours tendu, comme une marionnette guidée par son propriétaire, je tire trois balles dans son genou droit, un coup pour Kate, un pour mon gosse et un pour Lisa. Et pour que le tout soit équitable, trois autres dans son genou gauche. Il hurle de douleur.

— Putain d’enfoiré !

Je grimace tout en rechargeant mon arme. C’est lui l’enfoiré ! Il a assassiné ma femme ! Et le type, là, Robert. Oui, c’est ça, Robert, tué devant Lisa. Il m’a fait porter le chapeau cette enflure. C’est lui l’ordure. Je le regarde reculer sur les fesses. Ses mains glissent sur le sol graveleux. La poussière se soulève, dégageant une odeur nauséabonde de sang chaud et d’urine. Alfonso a la trouille. Il s’est pissé dessus.

— Salaud !

Mais c’est qu’il insiste en plus ! Il me pousse à bout. Tu vas voir de quoi je suis capable, traitre. Les injures italiennes sortent toutes seules de ma bouche, plus naturellement que les anglaises. Il comprendra mieux ce con !

— Questa me la paghi, Cazzaro ! Porca troia ! Stronzo ! Testa di cazzo !

Je hurle ces mots en boucle tout en cognant dans le genou gauche d’Alfonso. J’y mets toute ma hargne. Les os craquent sous les coups, la chair se déchire, le sang coule à flot. Il hurle. Ses bruits de bête qu’on abat me donnent encore plus l’envie de le défoncer. La sueur coule sur mon visage.

— Jack ! lance Marco.

En entendant mon nom, je stoppe mes coups. Je reprends mon souffle. Alfonso gémit, se tord de douleur, aboie comme un chien à l’agonie. Il se roule sur le ventre, puis rampe comme une limace répugnante. Sa jambe gauche se détache de sa cuisse au niveau du genou. Seul un reste de tendon la maintient toujours. Je pose mon pied sur le sien, Alfonso tire d’un coup sec. La rotule se détache. Alfonso agrippe sa cuisse, la bave et le sang coulent de ses lèvres, la morve dégouline de son nez, les larmes coulent sur ses joues.

— Tue-moi qu’on en finisse ! hurle-t-il.

— Crois-tu vraiment que je vais t’accorder cette faveur ? dis-je calmement.

Il tremble de peur, ses yeux trahissent son effroi.

— Que… Qu’est-ce que tu veux ?

— Que tu souffres. La mort est une libération. Je ne permettrais pas que tu te sauves ainsi.

— T’es une belle pourriture !

— Tu n’as pas retenu la leçon ?

Je m’avance vers Alfonso pour m’attaquer à son autre jambe, mais Antonio me retient par le bras.

— Arrête, il a eu son compte.

— Non.

— Jack, bon sang ! Stop !

— Non. Je ne suis pas rassasié. Je m’arrêterai que lorsqu’il aura eu ce qu’il mérite.

— Il a été assez puni comme ça !

Le temps que je perds à échanger avec Antonio, j’aperçois Alfonso bras tendu, main au-dessus de l’arme de son père. Je pousse violemment Antonio. Il me relâche, je me précipite vers Alfonso, donne un coup de pied dans l’arme. Elle tournoie et glisse jusqu’au grillage. J’écrase les doigts d’Alfonso avec mon talon. Ils craquent sous la pression. Il hurle de plus belle. Je prends goût à cette mélodie. Je m’accroupis à côté de sa tête. Je le fixe dans les yeux, le regard sévère dénué de toute humanité.

— Non. Tu n’y toucheras plus.

— Laisse-moi, putain ! Vas-y, dégaine et tire !

— Non. J’ai décidé d’un autre destin pour toi.

— Pitié.

— Aucune pour un être abject comme toi.

Je me relève, et frappe violemment son genou droit. Je presse ensuite sa cuisse et prends son mollet, je tire d’un coup sec. La chair résiste. Les muscles sont bien accrochés. Je prends mon arme et tire deux coups dans les tendons. Ça vient. Je tire plus fort, la jambe se sépare du genou. Alfonso tourne de l’œil, s'évanouit. Ah non, pas ça ! Je refuse ! Je déchire son pantalon en bandes et les utilise pour faire des garrots autour de ses cuisses. Le sang coule moins. Je le gifle, il reprend ses esprits. Je l’agrippe par les cheveux pour lui redresser la tête. Son visage tuméfié, couvert de liquide rouge, et de mucus nasal me dégoûte. Il est sale, empeste la sueur et les relents de vomi.

— Tu vas rester en vie.

— Qu… quoi ?

— Tu es condamné Alfonso. Tu ne marcheras plus jamais, tu n’utiliseras plus tes mains, tu attendras ainsi, privé de tes membres, à souffrir pour le restant de tes jours, comme une merde.

— Tu… tu ne vas pas faire ça, hein ?

— Tu en doutes encore ?

Personne n’ose bouger. Ils restent tous là, bouche bée, à attendre la fin du spectacle. Marco ne sort pas un mot. Étrange, ce n’est pas dans ses habitudes. Le sang continue de se répandre sous le corps de Spinelli. Giovanni me regarde comme si j’étais un inconnu. Renato et Fabio se sont écartés. Ils s’éloignent de moi. Antonio est à genoux, ses jambes ne le portent plus, tellement il tremble. Ma femme est morte bon sang ! Tuée sauvagement par cette merde ! Pourquoi refusent-ils de l’intégrer dans leur crâne de piaf ? On ne s’en prend pas aux femmes enceintes. Je me tourne vers Alfonso. Je m’en fous, je continue ce que j’ai commencé. Je prends mon arme, et avec la crosse, je frappe ses mains, la droite, puis la gauche. Je lui brise les os et les cartilages. Ce bruit me fait sourire. Le son devient agréable. Alfonso hurle comme un bœuf qu’on égorge. Ses mains sont en sang. Ses doigts sont réduits en charpie. Je me relève, satisfait.

J’ai fini, je contemple ce corps sans jambes et sans mains. S’il tente quoi que ce soit à l’avenir, je repasserai. J’attaquerai ses bras et ses oreilles. Je lui fais savoir, d’un simple regard, puis je me redresse, me dirige vers la porte grillagée. Antonio m’intercepte, attrape mon avant-bras droit.

— Jack… T’as été trop loin.

Je ne prends pas la peine de le regarder. Je n’ai pas envie d’entendre ce genre de propos, et encore moins venant de lui.

— Lâche-moi.

— J’aurais aimé qu’on se revoie dans d’autres circonstances…

Je ne réponds pas, retire mon bras en le balançant vers l’arrière, fourre mes mains dans mes poches, et sors de l’arène. L’arbitre m’ouvre la porte, sans un mot. Le grincement métallique résonne et le bruit se répercute en écho sur les murs en tôle de l’entrepôt. Je m’engage dans le couloir, je croise Stanley et les deux agents de sécurité. Il s’écartent sans prononcer un mot pour me laisser le passage. Je les fais tous flipper. Ça me fait sourire. Une fois dehors, je monte en voiture. Au bout de quelques minutes, Marco et ses affranchis me rejoignent. Nous rentrons chez nous, en silence.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire LauraAnco ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0