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New-York, 2012

Arrivés au Federal Bureau Of Investigation nous nous posons dans une salle de réunion. Ghislain discute avec un agent des archives. Pendant ce temps-là, je vais à la cafétéria. Je mets quelques pièces dans la machine, choisis un café long et un snickers à grignoter. Je jette un œil à l’horloge, 15h45. Je me pose à une table haute, bois mon café et feuillette un magazine posé sur la table. Je survole les articles de mode, lis ceux de psychologie, et l’horoscope. J’entends des pas, je lève la tête, c’est Ghislain.

— Nous avons trouvé ce que nous cherchions.

Je regarde l’heure, 17h12. Ils ont fait vite. Je m’essuie les mains, jette le gobelet en plastique et le papier dans la poubelle. Ghislain m’emmène dans une salle de réunion. D’autres personnes sont présentes dans la pièce aux murs blancs, occupée par une grande table rectangulaire : deux surveillants et un agent du FBI. Ghislain pose les documents sur la table grise. Il ne perd pas une minute, ouvre le dossier, puis prend la parole pour lire ce que cachent ces feuilles manuscrites.

— Déposition reçue le 22 mai 1939, transmise au commissariat de New-York, par Astrid Buckley, née Tucker, femme, vingt-trois ans.

— Astrid ?! répété-je, surprise. Astrid… Tucker ?

Je déglutis avec peine.

— Un problème ? demande l’agent, intrigué.

— « Astrid » est le prénom de la petite fille suédoise qui a sauvé mon grand-père de la noyade. Comment se fait-il que son nom de famille soit Tucker ?

— C’est peut-être une coïncidence.

— Vous croyez ? dis-je en scrutant Ghislain.

— Ce doit être la même personne, dit-il.

— Alors, ce châle… Il appartiendrait vraiment aux Tucker ? Elle disait vrai ? dis-je, déçue.

— J’en ai bien peur, soupire Ghislain.

Il me lance un sourire compatissant, reprend la lecture.

— Déposition reçue par le chef de police, Mason Gardner.

— C’est pas vrai ? m’écrié-je, Mason ? Il n’a pas mentionné ce fait !

— Il a peut-être oublié… Vu son âge…

— Encore un élément qu’il a caché aux yeux de tous.

— Pour protéger votre grand-père.

— Mouais, si vous le dites, dis-je, dubitative.

— D’après le rapport, Astrid a tout raconté à Mason. La secrétaire, présente pour la déposition de plainte, a tout retranscrit dans ce dossier. Mason s’est chargé de toutes les affaires, quelles qu’elles soient, utiles ou non, mentionnant le nom des « Tucker » ou des « Calpoccini ».

Nous nous penchons sur ce rapport et prenons connaissance de ce que cette femme dévoile. Je lis :

REÇU(E) PAR : MASON GARDNER

NOTATEUR : ASHLEY DAVIS

DATE : 22 MAI 1939

DÉFENSEUR : ASTRID TUCKER

— Nous pourrions en parler avec la secrétaire. Est-elle toujours en vie ?

Nous regardons l’agent qui tapote sur son clavier d’ordinateur. Au bout de quelques minutes, il lève la tête.

— Ashley Davis avait quarante-six ans au moment de la déposition.

Je soupire. Nous ne pourrons rien lui demander… À moins que les morts sachent parler. Je secoue la tête, chasse cette idée de ma tête. Ghislain commence la lecture.

Je soussignée, Madame Astrid Tucker, née le 6 avril 1916, ex-épouse Buckley, nièce de Robert Tucker, fille de Georges et de Blenda Tucker, et sœur aînée d’Abigail Tucker, déclare l’exactitude de tous mes propos mentionnés ci-dessous.

Je me redresse en plaquant une main sur ma bouche.

— Abigail…

— Je peux continuer ? interroge Ghislain en me scrutant du regard, contrarié.

— Oui…

Je hoche la tête bêtement. Nous découvrons des liens familiaux insoupçonnés au cours de l’enquête. Ghislain reprend la lecture à voix haute, reste neutre. Il doit avoir l’habitude de ces entrelacs d’informations.

~~~

DÉPOSITION - p1:

J’ai appris la nouvelle du vol de mon oncle Robert, comme la plupart des gens, dans les journaux. J’ai reconnu le nom « Jack Calpoccini ». Mon père et mon oncle m’ont parlé de lui durant mon enfance lorsqu’ils discutaient de la période où ils vivaient à San Francisco. Je me rappelais bien de son prénom, le petit garçon qui avait failli se noyer, en 1922. J’ai pensé tout d’abord que Jack s’était vengé de Robert pour ses actes commis envers lui. Cela ne m’a pas paru étrange qu’il le vole. Puis, il y a eu l’annonce du meurtre de Robert. J’étais sous le choc, comme un coup de massue reçu sur la tête. J’avais gardé une belle image de lui, un petit garçon beau et gentil. Je ne m’attendais pas à ce qu’il puisse tuer mon oncle. Je devais être bercée d’illusions à cette époque, ignorante des travers sombres du monde dans lequel nous vivions.

Un jour, mon cousin Francis est rentré, furieux, à Wolcott. Il a ramené non seulement Abigail chez nous, mais aussi mon châle rose aux petites fleurs violettes. Personnellement, je ne m’en souvenais plus vraiment. C’est mon père qui m’a rappelé son histoire. Son souvenir m’est revenu en mémoire. Francis a déclaré que l’homme du journal me l’avait volé. Ce qui était faux. Mon père m’a raconté une nouvelle fois les actions de Robert envers ce petit garçon dans les années 20, jeté à l’eau pour tenter de le noyer, puis tabassé au pied de l’hôtel de ville pour s’en débarrasser. Pour moi, il était naturellement coupable, une histoire de vengeance, ni plus, ni moins. Mais ce qui m’a interloqué est le classement de l’affaire sans suite. Pourquoi n’a-t-il pas été arrêté ?

Georges ne croyait pas qu’il était coupable. Jocelyne, elle, s’est retrouvée perdue, anéantie par cette atroce nouvelle. Abigail s’est confiée à moi, me dévoilant l’acte de prêt, l’implication des Gambino, d’Alfonso et de Flavio, ainsi que l’innocence de Jack. Elle s’est aussi livrée, en me révélant les supplices infligés par Francis. J’ai eu dû mal à la croire. Ou plutôt, je refusais de la croire. J’appréciais mon cousin. J’ai rejeté ma soeur. Nous nous sommes éloignées avec le temps, chacune vivant sa propre vie de son côté. Puis, début mai, la situation s’est renversée. Francis a débarqué à mon domicile, sans prévenir, m’annonçant qu’il allait retrouver Jack Calpoccini et le tuer.

~~~

— Quoi ?! dis-je.

— Chloé, laissez-moi lire la suite, soupire Ghislain.

— Il a raison, lance l’agent. Attendez, avant de faire vos remarques.

J’acquiesce, pose mes mains sur mes genoux, puis écoute avec attention. Ces policiers commencent à me fatiguer à me prendre de haut.

~~~

DÉPOSITION - p2 :

Francis ne voulait pas l’avouer, mais il se sentait mal, ravagé par le meurtre de son père. Il cherchait un coupable à abattre. Il perdait la raison. C’est pour cette raison qu’il s’est confié à moi, pour trouver du réconfort. Je me suis dit qu’il voulait venger Robert. Mais il devait laisser la police s’en charger, au lieu de chercher à se faire justice lui-même. Ce n’étaient que des idées évoquées. Je pensais qu’il ne pouvait pas être capable d’une chose pareille. Mais il est entré dans une rage monstrueuse, une facette que je ne lui connaissais pas. Il est devenu agressif, m’a attrapé par le bras droit et m’a giflé. Puis il m’a agrippé les deux bras et m’a secoué, me traitant de pauvre idiote. Et à ce moment-là, il m’a tout raconté. Vraiment tout…

Toute l’histoire : la demande de protection du commerce de notre grand-père Herbert, bijoutier à l’époque, auprès du clan Calpoccini, lorsque la famille vivait à San Francisco. L’assassinat d’Herbert pour faute de paiement. Le décès de notre grand-mère Ruth, morte de chagrin. Francis a mentionné le départ de…

~~~

— Stop ! coupé-je en levant la main. Attendez !

— Qu’y-a-t-il encore ? lance Ghislain, agacé.

— Ce nom, Herbert… Il me dit quelque chose, dis-je en agitant l’index.

— Vraiment ?

Je fouille activement dans ma sacoche pour prendre le carnet numéro 3. Je le pose sur le bureau. Je le feuillette, retrouve le nom, puis le pointe du doigt en le montrant à Ghislain.

— Regardez, dis-je.

Il se penche sur la note écrite.

— Herbert, lit-il. Ça alors…

— C’est bien le bijoutier de Marco, mentionné ici par Astrid. Tout concorde.

— Les Tucker sont étroitement liés de près, comme de loin, à la famille Calpoccini, soupire Ghislain.

— Le lien avec les Tucker se trouvait sous nos yeux depuis le début…

Nous baissons tous la tête, d’un air contrit. L’agent se contente de croiser les bras. Ghislain me lance un sourire conciliant, reprend la lecture de la déposition d’Astrid.

~~~

DÉPOSITION - p3 :

Francis a mentionné le départ de Robert à la guerre en 1916, puis son retour en 1919 à San Francisco pour se former à la menuiserie, ainsi que l’acharnement de Robert sur l’héritier du clan Calpoccini. Il m’a parlé du déménagement de Georges dans le Connecticut, la terre de ses ancêtres, de la rencontre de Robert et de Jocelyne, puis de sa naissance. Et ensuite, de leur départ précipité à Wolcott, non pas parce que Robert se sentait mal vis-à-vis de Jack, mais par peur de représailles des Calpoccini à cause de ses agissements et son rapprochement auprès de la famille Spinelli.

Robert faisait des cauchemars toutes les nuits, ressassant les combats de la guerre. Il s’approvisionnait en cocaïne auprès du clan Spinelli pour trouver le sommeil, ne serait-ce que pour obtenir un peu de sérénité. Mais cela lui coutait cher, il ne pouvait plus payer, alors il s’est enfui, avec sa femme et son fils. En contact avec les Gambino à New-York, les Spinelli le surveillaient de près.

À force de travail, de rigueur et de persévérance, Robert a fait fortune dans la menuiserie. Il a ouvert son propre atelier, a embauché des apprentis. Il s’est jeté corps et âme avec acharnement et amour du travail bien fait, dans l’excellence pour oublier le passé. Mais cela ne suffisait pas. Il est resté tourmenté. Alors il a remboursé ses dettes, puis a continué à se fournir en cocaïne, pour trouver un peu de paix, auprès d’Alfonso. Mon cousin Francis l’a surpris, un jour, à sniffer cette poudre dans son atelier. Il n’avait que treize ans. Sous l’emprise de la drogue, pupilles dilatées, Robert a commis l’irréparable erreur de mentionner Jack, de raconter tout son passé.

Francis a développé une aversion profonde envers les Italiens et plus particulièrement, Jack Calpoccini. Francis a mentionné la demande des 80 000 dollars d’Alfonso, les actes de prêt, le vrai et le faux, les menaces, les viols à répétition sur ma petite sœur Abigail, son amour à sens unique pour Bethany, le rôle de Flavio accompagnant Alfonso, sa jalousie maladive envers Jack. Le blanc de ses yeux était injecté de sang, ses pupilles voilées d’une brume grisâtre, ses veines sur ses tempes vibraient et de l’écume se formait à la commissure de ses lèvres. On aurait dit qu’il était possédé. Il portait une lourde épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Il ne supportait pas le fait que le meurtre de son père soit impuni. Il ne se contrôlait plus, déversant tout ce qu’il savait dans un monologue à l’élocution saccadée et stridente. Il ne dormait plus.

Je suis restée figée, tétanisée par la peur, maintenue par ses mains calleuses, à le regarder s’exhiber tel un fou échappé d’un asile psychiatrique. Mes larmes coulaient sur mes joues, mes lèvres tremblaient. J’ai compris qu’Abigail disait la vérité. Je m’en veux de l’avoir ignorée… L’histoire de Bethany n’est pas anodine non plus. C’est Francis qui a envoyé Bethany et Carl au quartier italien pour un dîner ensemble. Il a établi un plan, en ordonnant à deux hommes Américains de l’attaquer au moment où Jack se trouverait dans les parages. Mais Francis ne s’attendait pas à ce qu’il la défende. Il n’avait pas prévu non plus que les deux hommes se vengeraient en la violant.

Robert a toujours été quelqu’un de pointilleux et de calculateur, alors que Francis agissait maladroitement, sans réfléchir, sous le coup de ses émotions du moment. Tout était manigancé d’avance pour le faire coffrer. Il ne souhaitait pas sa mort, juste le faire enfermer à perpétuité pour payer la faute du père de Jack, Marco Calpoccini, envers notre grand-père Herbert. À son mécontentement, rien ne s’est déroulé comme il l’avait prévu… Jack a défendu Bethany, et elle s’est éprise de lui. Ce qui a fait naitre de la jalousie chez Francis. J’ai compris à cet instant que je me trompais sur lui… Alfonso était lui aussi imprévisible. Robert lui a payé sa part bien sûr, pour avoir surveillé Jack durant toutes ces années. Mais il est revenu réclamer 80 000 dollars.

Si vous voulez mon avis, ne faites aucun accord avec les mafieux, ils reviennent toujours à la charge pour réclamer autre chose, de plus important, même si la dette est acquittée. Francis l’a raconté tout ça, pour soulager sa conscience et pour justifier ses intentions. J’ai bien peur qu’il fasse une bêtise. C’est pourquoi je suis venue vous voir, pour vous prévenir. Je pense qu’il risque de commettre un acte impardonnable.

~~~

— Robert connaissait Jack depuis tout ce temps alors…

— Oui, soupiré-je.

— Pourquoi ne s’est-il pas chargé de Marco au lieu de s’en prendre à son fils ?

— Par lâcheté je pense, par peur d’affronter le parrain de cette organisation criminelle. Robert a traqué le plus petit du clan, Jack Calpoccini. Il pouvait plus facilement l’empêcher de nuire, en espérant que le parrain perde un être cher. Ce n’est pas un hasard si leurs chemins se sont croisés. Et je comprends que… c’est Robert qui l’a aperçu le jour où Marco est venu frapper à la porte d’Herbert. Il a jeté sa haine et sa soif de vengeance sur mon grand-père…

— Et le père d’Astrid, que pensait-il de tout ça ? demande l’agent.

— Bonne question,… répond Ghislain en tournant la page. Ah, elle en parle ici.

~~~

DÉPOSITION - p4 :

Au début, mon père Georges, qui n’est autre que le petit frère de Robert, enfin, ils ont seulement un an de différence… Bref, il l’a suivi dans sa quête de vengeance. Ils ont croisé Jack à la sortie de son école. Ce jour-là, Robert a appelé trois enfants, des fils de pêcheurs, pour leur ordonner de dégager cet étranger de ce lieu. Mon père n’a rien fait. Atterré, il est resté en retrait, à observer la situation de loin. Ce n’était qu’un petit garçon à ses yeux. Seul Robert agissait. Toujours de manière indirecte.

Mon père constatait au fil des jours l’antipathie de Robert, ne comprenant pas cette hostilité développée envers cet enfant. C’était la faute de Marco, pas de ce gamin. Georges se contentait par la suite d’assister uniquement aux réunions politiques de Robert avec ses amis. Perplexe au sujet des idées de son frère, il a préféré rentrer chez lui, à Wolcott, n’approuvant pas les actes malveillants envers les étrangers, tous ceux dont la couleur de peau et de cheveux ne correspondaient pas aux critères de convenance américaine, selon Robert et beaucoup d’autres nationalistes.

Georges n’a pas fait la guerre vous savez. Avec un bras atrophié suite à un accident domestique à ses neuf ans, une brûlure due à un retour de flammes de la cheminée sur son bras droit, brûlé au troisième degré, il n’a jamais retrouvé l’usage complet de sa main, ni de son bras. Pour cette raison, il n’était pas apte à partir au front. Il n’a pas compris le changement de comportement de son frère en revenant chez lui, après avoir combattu durant la première guerre mondiale. Georges a rencontré une suédoise, ma mère, Blenda, à ses dix-sept ans, la seule qui l’a accepté avec son handicap.

~~~

— Et pour le châle ? dis-je.

Ghislain glisse son doigt sur le texte en marmonnant, puis trouve la réponse quelques lignes plus loin.

— Le châle est celui de sa grand-mère, Ruth, épouse d’Herbert Tucker, qu’elle lui a transmis en guise de cadeau de naissance. Sa mère y a brodé ses initiales dessus.

— A.T, pour Astrid Tucker, dis-je, comme pour appuyer ces propos.

L’agent continue la lecture à la place de Ghislain. Il est piqué par la curiosité.

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DÉPOSITION - p5 :

Francis m’a balancé mon châle à la figure le jour où il a débarqué chez moi. Il l’a récupéré au commissariat de police de Manhattan, m’a-t-il dit. Je le portais lorsque j’ai croisé ces hommes en train de jeter Jack à l’eau, vous savez. Ces hommes ont été payés par mon oncle Robert pour faire ça. Sur le ponton en attente pour Oakland, Robert nous accompagnait. Il a tout vu lui aussi. Il n’a pas bougé d’un pouce.

Mon père et moi n’étions pas au courant des manigances de Robert. Alors nous sommes partis à son secours malgré ses protestations. Mon père a plongé dans l’eau, sans hésiter. Il a sorti Jack de l’eau. Je lui ai donné mon châle, sans hésiter, pour qu’il se réchauffe, afin d’éviter qu’il tombe en hypothermie. Je ne voyais aucun mal dans ce que nous faisions à l’époque, ce n’était qu’un châle après tout. J’en avais plein d’autres venant de Ruth, et bien plus jolis. Robert, lui, fulminait de rage, n’approuvant absolument pas ce geste de ma part. Mais il nous a laissé faire pour ne pas éveiller de soupçons auprès de son frère.

Robert a raté son coup, mais il n’a pas laissé tomber pour autant. Vous savez, la guerre vous change un homme. Ayant côtoyer les horreurs et les massacres de la guerre, Robert est devenu froid et dur comme la roche. Il a nourri une vengeance intérieure, celle de se débarrasser des étrangers venus salir la terre américaine.

Son but, protéger les citoyens Américains de cette vermine étrangère. Robert en voulait au Président Théodore Roosevelt. Lui qui a combattu contre ces peuples, lui qui a vu ses hommes mourir sous ses yeux… Il lui en voulait tellement. Il ne dormait plus la nuit, revivant les instants d’affrontements dans son sommeil. D’où son refuge dans la cocaïne. Il a retrouvé Jack facilement. Ce n’était pas courant comme prénom pour un italien, à l’époque. C’était le seul du quartier Little Italy à se prénommer ainsi.

Sans le vouloir, j’ai commis l’erreur de permettre à Robert de le suivre à la trace en lui transmettant mon châle. Il m’a détesté pour ça. Le châle de famille offert à ce délinquant… Puis Jocelyne a rencontré Jack, à l’hôtel de ville de San Francisco. Elle contenait les humeurs de Robert. Je pense que sans son intervention, Jack serait mort ce jour-là. Robert l’a frappé durement. Ils sont partis précipitamment à Wolcott, malgré lui. Il s’est plongé par la suite dans le travail, devenant un menuisier reconnu sur New-York. Il est toujours resté en contact avec Alfonso, le gars ayant travaillé pour les Calpoccini, puis les Giacomuzzi et enfin les Gambino. Il s’était promis de retourner à San Francisco pour affronter Jack.

Les années passant, son objectif s’est éloigné. Par chance pour les uns, par malchance pour les autres, Jack s’est rendu à New-York. Un certain Flavio a découvert que Jack usurpait l’identité d’un avocat nommé Marc Anderson. En contact avec un ami italien du nom de Milo, il a appris cette information. Il a fait part de sa découverte à Alfonso. Puis ils sont partis à New-York pour prévenir Robert Tucker. Alfonso a retrouvé Jack dans le quartier italien. Mais… Robert avait changé entre temps… Jocelyne l’ayant sermonné sur sa façon de s’en prendre à plus petit que soi. Jack n’avait rien fait après tout. Seul Marco était responsable de l’acte envers son père Herbert. C’était sans compter sur son fils Francis.

Robert a eu la maladresse de parler de cette anecdote à son fils. La Mafia n’a pas lâché Robert. Francis a voué une haine féroce au fils du parrain. En fait, c’est Abigail qui m’a raconté tout ça. Présente au domicile et à l’atelier de Robert, elle a vu et entendu beaucoup de choses de sa part. Personne ne la remarquait, personne ne faisait attention à elle. Une femme transparente aux yeux du monde. Elle n’était pas bête vous savez. Elle possédait un atout, celui d’une excellente mémoire. Ignorée physiquement, elle a développé son sens de la discrétion pour écouter les conversations et mémoriser tout ce qu’elle entendait.

Avec cette déposition, je vous demande d’arrêter Francis pour m'avoir agressée, entrant illégalement à mon domicile, pour les viols à répétition commis sur Abigail Tucker, et pour l’empêcher de tuer Jack Calpoccini.

FIN DE LA DÉPOSITION (5 PAGES)

~~~

En-dessous, est écrit « L'affaire est close ».

— Quoi ? dis-je.

— C’est Mason qui a pris la déposition. Il ne voulait plus intervenir dans ces affaires.

— Mais, Francis voulait tuer mon grand-père !

— L’a-t-il fait ?

— Je n’en sais rien…

— Exact, on ne sait pas comment il est mort.

Je baisse la tête, penaude. À chaque avancée, nous butons sur un nouveau problème. L’agent intervient.

— La secrétaire a ajouté quelque chose : Astrid Tucker a l’intention de se rendre chez sa sœur Abigail, à Wolcott. Puis elle a souligné les mots « À surveiller ».

Je jette un œil à Ghislain. D'après son regard, je comprends qu’il est sur la même longueur d’onde. Nous devons revoir Mason et Abigail.

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