Chapitre 21 : Naturellement hostile

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Reprenant mes esprits et revenant au monde réel, je découvris ce dernier totalement flou. Ma vision embuée me laissait craindre des séquelles mentales quant à l’utilisation abusive de télépathie, jusqu’à ce que l’évidence ne se présente à moi.

Des larmes ?

Pleurer était très mal vu au dôme de la vue. C’était le signe manifeste que l’on était dépassé par ses propres émotions, que l’on avait perdu le contrôle. En l’occurrence, effectivement je me sentais coupable d’être venu au dôme de l’ouïe. Notre présence à Cyclope et moi avait provoqué une volonté impérialiste chez Laurifer.

Non. C’était autre chose qui m’accablait.

Je repensais à la vie du Tocard, à son père, à son parricide. Je regardais mes mains avec regret et ressentais la mort du Demeuré comme si je l’avais tué moi-même, comme si le fardeau de cette responsabilité m’accablait.

C’en était trop pour mon esprit.

Mon regard se figea. Ma tête et le haut de mon corps oscillait dans un mouvement de balancier incontrôlable, comme si je cherchais à retenir mon âme de se séparer de mon corps.

Reste avec moi. Je ne veux pas sombrer. Pas de suite.

En état de choc et incapable d’assumer la charge émotionnel et physique des derniers évènements, je me sentais tiraillé par des dilemmes moraux ne m’appartenant même pas. L’image de Cyclope courant au péril de sa vie dans les Terres Mortes, dévasté par l’émotion, alors qu’il serrait sa caissette en plomb, marquait mon âme au fer rouge.

Ce n’est pas à moi. Ce n’est pas moi. Reprends-toi.

La vivacité avec laquelle j’essayais de me séparer de ces souvenirs ne faisaient que renforcer leur emprise sur moi dans un cercle vicieux inextricable. Mon empathie naturelle me gardait enfermé dans les troubles de mon compère. Je ne parvenais plus à faire la différence entre sa psyché et la mienne.

Est-ce que c’est ça, devenir fou ?

Je fus ramené à la raison par une sensation physique brutale. Ma vision s’éclaircit puis, l’espace d’un instant, je vis une version de moi, plus forte, plus imposante, en train de me secouer les épaules. Je voyais en mon alter égo une expression de profonde inquiétude. Quelques secondes plus tard, le visage de mon double se déforma pour reprendre les traits de Cyclope.

Le tocard m’avait pris par les épaules et me secouait vivement. Hypnotisé par son expression, je reconnaissais désormais en lui un frère.

Bien que ce soit interdit en ces lieux, j’aurais voulu parler pourtant aucun son ne sorti de mes lèvres. Laurifer resta quelques instants immobiles, à me regarder fixement, effaré. Une fois qu’il fut assuré de ma bonne santé, il reparti en direction de ses quartiers.

Cyclope fit claquer ses doigts devant mes yeux pour accaparer mon attention. Par une succession de signe assez clair, il me fit comprendre que je devais me reposer, puis que nous quitterions le dôme à mon réveil. Joignant le geste à la parole, il me souleva pour me ramener à l’infirmerie.

Solator ne semblait pas surpris de me revoir, il indiqua immédiatement à mon compère un lit où m’allonger.

Épuisé comme j’étais, le sommeil vint cueillir mon âme avec une facilité déconcertante.

Jamais je n’ai été aussi heureux de profiter d’une nuit sans rêve.

A mon réveil, je fixais le plafond de l’infirmerie. M’efforçant de faire le vide dans mon esprit. Jusqu’à présent, mon premier réflexe face à un choc traumatique était le refoulement. Désormais je m’en sentais incapable.

Peut-être était-ce une bonne chose.

Solator du remarquer mon éveil puisqu’il se présenta à mon chevet. Il me salua d’un signe de main puis montra sa gemme de télépathie alors qu’il s’approchait de moi.

Instinctivement, je lui agrippai le poignet pour le supplier du regard de ne pas aller plus loin. Il afficha une mine désolée avant de se désengager de mon étreinte et d’exécuter son forfait.

Comme lors de notre précédent contact, ma vue se brouilla. Pourtant, je devinais encore les contours du réel. Il ne s’agissait pas d’un contact télépathique à la mesure de ce que j’avais éprouvé avec Laurifer ou Cyclope, mais bien quelque chose de plus léger, de plus adapté à ma condition.

Malgré tout, la télépathie éveillait désormais en moi un haut niveau de méfiance, principalement par peur d’un nouveau traumatisme.

-Navré de vous avoir forcé la main. Comment ça va ?

Solator n’avait jamais été que bienveillance à mon égard. Il avait le don de m’apaiser.

Cyclope et Laurifer avaient-ils été malveillant à mon égard ? Non. Et pourtant…

-Mieux. Merci. Cet endroit est résolument celui que j’ai préféré ici. Vous n’y êtes pas totalement étranger.

Un sourire éclaira le visage de Solator.

Vous savez… je pensais que le transfert de pensées serait une épreuve pour les autres. Que me parler serait un calvaire. En réalité, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit.

-Vous ressentez l’angoisse des autres au diapason des vôtres. Si vous ressentiez le pire avec légèreté, la télépathie serait un jeu d’enfant pour vous. La vie également.

Je devinais derrière ses paroles l’idée qu’il souhaitait me transmettre. Pourtant ma réaction ne brilla que par son cynisme.

-Oui c’est ça, si j’étais meilleur ça serait mieux. J’ai probablement beaucoup à apprendre de ça.

Immédiatement, Solator éclata de rire alors que je me corrigeai.

Oh pardon. Le pire de tout cela, Solator, c’est que je vous aime bien, ne le prenez pas personnellement.

L’infirmier enchaîna.

Voilà le problème, c’est que vous vous sentez obligé de vous rectifier. Vous réfléchissez beaucoup trop pour des choses simples. Quand vous êtes ironique, d’autres diraient même un peu méchant, vous y allez franc-jeu, sans réfléchir. Vous ne vous laissez être vous-même que sous le coup de la colère. Il y a surtout du travail quand vous vous pensez serein.

Je ne pouvais qu’acquiescer.

-Solator. Moi et mon compère allons repartir sous peu, serait-il possible d’avoir quelques vivres pour notre voyage ?

Il prit le temps d’y réfléchir puis répondit.

Je ne pense pas que cela pose problème. Je vous ferais apporter ça dans l’heure, autre chose ?

-Oui, à propos de la télépathie…

Je demandais au soignant de m’apprendre comment me forger un lieu de prédilection. Après quoi, je lui adressais mes adieux avant de rassembler mes affaires à la recherche de Cyclope.

Sans surprise, je retrouvai mon ami dans les quartiers du doyen du dôme. Manifestement les deux étaient en pleine méditation. Effectivement, la salle s’y prêtait particulièrement. Le bruissement de l’eau, l’atmosphère végétal produisaient un cocon apaisant.

Je fis claquer mes bottes au sol pour attirer leur attention.

Les deux rouvrirent les yeux et tournèrent la tête vers moi. Alors que je fis signe à Cyclope qu’il était temps de partir, ce dernier se leva et m’étreins chaleureusement. Pendant toute cette accolade, je sentais son cœur proéminent battre contre ma joue.

C’était aussi émouvant que malaisant.

Mon attention se reporta sur Laurifer qui arborait un sourire amusé.

Je ne sais pas dans quel état nous retrouverons ces terres, j’espère seulement ne pas retrouver un charnier.

En guise d’adieu, j’inclinais respectueusement de la tête dans un geste respectueux qu’il me rendit.

Je laissais Cyclope partir en éclaireur. J’ignorais totalement où était la sortie puisqu’en effet, on m’avait transporté en ces lieux alors que j’étais dans le coma.

Redécouvrir l’extérieur fut une joie sans nom.

Le dôme de l’ouïe fut une expérience bouleversante, où rien n’était simple. Je ne regrettais absolument pas d’être venu, pourtant cela m’apaisait d’être de nouveau dans les Terres Mortes, en terrain connus.

Je me raclais la gorge, m’apprêtant à parler après deux jours de silence.

-Cyclope ?

Cela m’intimidait presque de rentamer un dialogue avec le tocard, toutefois je préférais crever l’abcès plutôt que de laisser s’installer un malaise persistant.

-Oui ?

De nouveau en maîtrise de ce que je souhaitais diffuser ou non. J’arborais sur mon visage un masque d’émotions indéchiffrables qui ne laissait deviner que la sérénité.

-Ça va ?

Je dévorais ses réactions du regard, à l’affût de la moindre micro-réaction, je n’y vu qu’une forme de placidité.

-Ça va. Et toi ?

Un échange aussi banal était une félicité pour moi, après deux jours d’introspections collective. Pourtant, je sentais que plus rien ne serait pareil entre nous…

-Ça va.

…Ces évènements nous avaient rapprochés, il était trop tôt pour en parler. J’en avais conscience et je pressentais dans cet échange que lui aussi.

Je poussais un long soupir de soulagement.

J’accueillais les incompréhensions, les non-dits, toutes les subtilités du langage comme une bénédiction.

Bon… et maintenant, il va être temps de décider de notre destination. J’ai déjà ma petite idée. Le dôme le plus proche est celui de l’esprit. Cependant, je n’ai aucune envie d’y aller pour le moment, Insitivus m’y attends et je ne souhaite pas me confronter à lui.

Des dunes qui s’étendaient à perte de vue et un profond sentiment de liberté, voilà le paysage qui m’accueillait.

-Il reste quel dôme à voir ?

Me saisissant d’un bâton au sol, je lui dessinais un schéma en forme de sablier

-Nous sommes ici, au nord-est. Sans compter celui de l’esprit au centre, il reste le dôme du toucher au sud-est et celui qui réunit les sens du goût et de l’odorat au sud-ouest. C’est vers ce dernier que je souhaiterais que nous nous rendions.

-Pourquoi celui-là?

J’hésitais quelques secondes avant de m’abandonner à la sincérité.

-Le voyage est plus long pour le dôme des deux sens. Je n’ai pas envie d’abandonner ce périple mais je prendrais tout le temps qu’on me donnera pour me remettre de…

Je désignai du regard le dôme de l’ouïe derrière nous.

-Ok. On attend quoi ?

Il semblait parfaitement compréhensif à l’égard de ma « lâcheté »

-Plus rien, allons y.

Mon frère, Cyclope, portait le plus gros de notre attirail. La tente holographique, nos vivres et tout un paquetage de choses diverses. De mon côté je faisais de mon mieux pour établir une carte, marquer des points de repère, partir en éclaireur pour repérer les meilleurs chemins de traverse. Muni de ma boussole et de mon courage, l’enthousiasme revint avec l’aventure.

Nous avions à peu près deux jours de marche pour atteindre le dôme des deux sens.

Le premier jour se déroula sans encombre.

Je gardais en mémoire ce passage de notre voyage avec une profonde satisfaction. Certes nous étions à l’affut du moindre danger, les Terres Mortes n’en manquaient pas, néanmoins nous étions parfaitement solidaires l’un de l’autre. Jamais je ne me sentis désœuvré.

Cette nuit fut l’opportunité de revenir sur ce qui venait de se passer au dôme de l’ouïe.

N’ayant pas exploré la totalité du plan de Laurifer, je m’en remis à Cyclope pour en apprendre davantage sur ses intentions.

-Que penses-tu qu’il va se passer entre le dôme de l’ouïe et celui de la vue ?

Dubitatif, le tocard se tourna vers moi.

-ça promet d’être très intéressant. Surtout pour toi.

Tiens donc, et pourquoi ça ?

-Qu’est ce qui te fait dire ça ?

-J’ai vu en toi. J’ai vu ce que les gens de ton dôme pensent. Comme quoi l’homme d’avant était un barbare, comme si nous étions meilleurs. Que Laurifer réussisse ou échoue importe peu. Ça sera l’occasion de vérifier, alors même que nous survivons tous péniblement, si on règle toujours nos conflits par les armes.

D’un air convaincu, il poursuivit.

Peut-être qu’il n’y aura même pas de conflit, peut être simplement que Laurifer vaincra sans verser le sang.

Il avait plus lu en moi que ce que je m’imaginais. Il me serait difficile de le lui reprocher, après tout ce que j’avais appris de son passé.

-Et comment compte t’il s’y prendre exactement ? Tu m’as déjà parlé d’une sorte de virus télépathique, qu’une seule âme pouvait propager la dissidence.

Mon acolyte prit une profonde inspiration.

-En plus de ça, il veut créer un cabinet de conversion télépathique. Le but étant de faciliter la transition d’un mode de vie à un autre. Les initiés partiront du dôme de la vue pour comprendre ce qu’implique la transmission de pensée. Accessoirement pour qu’on leur retire ce fameux virus.

-C’est là où les choses pourraient déraper, non ?

-Exactement. Reste à savoir comment ton peuple réagira lorsqu’il se rendra compte qu’il s’est fait berner pour mieux se faire libérer.

Finalement… je suis de tout cœur avec ce projet.

Il y a de fortes chances que ce soit désastreux mais également une probabilité pour que les vœux de Laurifer profitent à tous.

Ses mots me laissèrent songeur, je basculai lentement dans le sommeil en imaginant quel monde il bâtirait s’il venait à réussir.

Le lendemain, nous nous remettions en route sous les meilleurs auspices. Galvanisé par un nouvel espoir, je me fis la réflexion que nous avions changé la géopolitique de ces régions, mais peut-être serait-ce pour le mieux ?

La suite de notre voyage fut des plus troublant.

Jusqu’à présent, les Terres Mortes portaient bien leur nom. Nous n’avions exploré qu’un désert ponctué par de trop rares oasis de verdures, des lacs asséchés ou des vestiges d’anciennes civilisations. Le chemin que nous empruntions désormais semblait avoir assez bien résisté aux intempéries, le climat se fit plus doux, tempéré. Nos pas foulaient désormais un sol terreux, recouvert d’herbes sauvages.

Le hasard de nos pas nous mena à remonter un cours d’eau qui s’écoulait en direction du sud-est. Du canal, nous parvînmes bientôt jusqu’à une grande étendue de ce qui avait dû être des champs fertiles. Je reconnus de mon expérience des plants de maïs, du tournesol, du blé. Les plantations étaient manifestement abandonnées depuis un certain temps puisque la plupart des plants étaient fané ou anormalement haut. Intrigué de voir ce genre de culture en dehors d’un dôme, nous pressâmes le pas pour nous rapprocher.

Fasciné, je partageais à Cyclope un extrait de l’un de mes cours d’histoires

-Il fut un temps où l’homme voulait tant domestiquer la nature qu’il rendait polluant le simple fait de faire pousser des plantes. Incompréhensible, non ?

Désormais à portée de toucher, nous nous étonnions de la présence de squelettes au pied des plants. En désignant les restes, mon frère rétorqua.

-Cet espace devait être très pollué. On ne mangera rien de ce qui vient de là. Tout doit être empoisonné.

Nous poursuivions notre voyage au travers de ces étranges champs, nous étonnant de régulièrement trouver des restes animaux décomposés. Le jour était en train de se coucher et nous avions repéré au loin une grande habitation qui semblait abandonnée. Les nuits au sein des Terres Mortes se faisant de plus en plus froides, une telle opportunité représentait une aubaine. La demeure était placée à l’intersection de quatre champs et nous permettait de dominer les plaines environnantes.

Sans être totalement une ruine, on ne pouvait dire que la maison était en bonne état. Si le rez-de-chaussée avait bien tenu face aux intempéries, le plafond avait souffert des affres du temps. Le toit en lui-même n’était plus que ruine, le grenier laissait filtrer des rayons de lune, baignant la mansarde de reflets argentés.

Il y avait un calme réconfortant à l’idée de vivre dans cette maison, à l’écart de tout. Fini les sociétés humaines, leur désordre et leurs luttes intestines. Dans le calme de cette retraite isolée de tout, on pourrait croire que le temps s’est arrêté, que la grande Débâcle n’a jamais eu lieu, que la vie ne s’était jamais arrêtée.

Le seul impératif qui prévalait était sa propre survie.

Je regardais Cyclope, faisant l’inventaire des ressources disponibles dans la maison.

La sienne également.

Plus qu’un compagnon de voyage, il était véritablement devenu un garde-fou. Une soupape de sécurité. Un frère.

Ce havre de paix représentait une opportunité de me laisser aller, de mettre légèrement en berne ma vigilance et de profiter de quelques moments de quiétudes. Nonchalamment je lançais à Cyclope :

-Ça doit te changer de là où tu dormais, chez les Tocards.

Un sourire complice aux lèvres, il me répondit.

-L’un comme l’autre a ses avantages. Aussi accueillante qu’est cette maison, ce n’est pas « chez moi ».

Je voyais ce qu’il voulait dire. Partout où j’allais dans ce foyer, j’avais l’impression d’empiéter sur le territoire d’autrui, de voler quelqu’un. Alors même que ce quelqu’un avait probablement abandonné les lieux ou était mort depuis longtemps.

-Qui sait, ça pourrait le devenir ?

-Je ne sais pas, peut-être… Maintenant que je me suis mis à voyager, je me vois mal m’installer quelque part. Et toi ?

Par automatisme, je répondis sans réfléchir :

-Ma place est au dôme de la vue.

Vraiment ?

-Peut-être que le dôme que tu retrouveras n’aura rien avoir avec celui que tu as connu.

S’il me dit cela, c’est qu’il pense probablement que le repère des Tocards ne sera plus le même.

-Je ne m’y sentirais plus chez moi, pourtant, au nom de mes frères j’espère que tu as raison.

Je sentis une pointe d’hésitation dans le ton de sa voix.

-Garde à l’esprit que… ça pourrait également être pire.

Il n’était pourtant pas dans ma nature de tendre vers l’optimisme.

-C’est vrai. Mais l’un dans l’autre, si les choses s’arrangent là-bas, tant mieux. Si les choses s’empirent cela donnera un climat propice pour bousculer les choses.

Si la situation se détériorent là-bas, les frères du dôme accueilleront ma révolution à bras ouvert.

Finalement c’est au grenier que nous avions élu résidence. La vue dégagée sur les environs avait quelque chose de réconfortant à l’égard de Cyclope. Après cela, notre conversation reprit une tournure plus terre à terre.

Les animaux dans le champ, à ton avis, ils sont morts de quoi ?

-Des radiations. A ton avis, c’est l’eau ou les plantes qui sont empoisonnées ?

-à priori, on n’a pas vu de cadavres autour du cours d’eau, ça suggère que ça viendrait plutôt des champs.

-C’est curieux quand même…

Je haussais les sourcils.

-Quoi donc ?

-On ne voit pas dans la nature autant de squelettes concentrés au même endroit. Les prédateurs savent que ça ferait fuir leurs proies. La mort est un signe qui indique quelque chose. On ne l’ignore pas impunément. Mais là…

-Je suis d’accord avec toi, il y avait bien trop d’ossements. Après… on a jugé un peu vite la nature de ces restes. Peut-être s’agit-il de cadavres humains. Pendant la Grande Débâcle, ce genre de champs pouvait légitimement devenir une raison de faire la guerre.

Cyclope soupira.

-Je ne sais pas si ça me rend curieux ou sur davantage sur mes gardes. Tant qu’on n’aura pas vérifié, je ne serais pas tranquille…

Il hésita un moment avant de me demander.

Tu viens avec moi ?

Me jeter dans la gueule du loup était devenu une seconde nature chez moi.

-Evidemment.

La nuit donnait des airs lugubres à ces champs déjà si sinistres en plein jour. Cyclope et moi demeurions à distance respectable des plantes.

Mon compère tocard me lança :

-Tu vois ?

Bercé au gré du vent, les plantes s’agitaient à l’unisson dans un spectacle rassérénant, il ne me sembla rien percevoir d’anormal.

Il humecta son index comme pour mesurer quelque chose qui s’imposait désormais comme une évidence.

Il n’y a pas de vent.

Le géant vient me susurrer à l’oreille :

Sans faire trop de bruits, on va ranger nos affaires et partir.

J’acquiesçai silencieusement en hochant vivement la tête.

Rapidement nous repliâmes notre paquetage en demeurant le plus discret possible avant de nous remettre en route.

Tout au long du trajet, je ne pouvais que contempler avec effroi les quelques squelettes qui dépassaient des rangées de plantes. Terrorisés à l’idée d’être entouré par des leurres, des trompes l’œil qui n’avaient comme unique aspiration que de nous attirer à notre propre fin, nous marchions d’un pas pressé.

Arrivé à la lisière du champ, quand Cyclope et moi nous pensions tiré hors de danger. La curiosité reprit le pas sur l’angoisse. Je ramassais un caillou puis je m’adressais à mon acolyte.

-Tu es prêt à courir ?

D’un air complice, Cyclope haussa les épaules.

Je lançais un premier caillou autour d’une plante.

Aucune réaction.

Un deuxième. Un troisième.

Rien.

Alors que je commençais à me résoudre quant à notre excès de précautions, la plante s’agitait de mouvements surnaturel. Le sol se fissura et se creusa pour dévoiler deux épais branchages qui sortirent de terre. Ces derniers prirent appui sur le sol comme pour soulever une masse gigantesque. La forme plantoïde s’arracha de terre. Au premier abord, ce qui attirait l’attention était cet appendice qui surmontait la bête, celui sur lequel poussait le « leurre ». Cette excroissance attirait l’attention notamment par ses deux énormes creux d’où émanait une lumière rougeâtre. Alors que je détaillais le reste de la créature, je perçu qu’elle était couverte de mousse étranges, de feuillages inconnus et de branchage éparses. Son corps entier était morcelé par d’innombrables alvéoles, chacune d’elle renfermait une série de dent effrayante. S’imaginer dans les « bras » de cette créature revenait à s’imaginer étreindre la mort.

Désormais totalement sorti de terre, elle égalait facilement la taille de Cyclope.

Attiré par l’activité ou par le bruit de son congénère, d’autres créatures sortirent de terre, qui elles-mêmes en réveillèrent d’autres par effet de résonnance…

Nous étions à une distance correcte des créatures, pourtant nous nous mîmes à courir.

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