Djed
Le réveil affiche 11h lorsque j’émerge péniblement de mon sommeil cotonneux. La soirée arrosée de la veille me laisse un arrière-goût acide dans la bouche. Astérion somnole au pied du lit, imperturbable. Mon entraînement de pilotage avec le mystérieux Djed est dans une heure... Pourtant, impossible de quitter la tiédeur douillette de ma couchette.
Soudain, la porte coulisse brutalement, me tirant de ma torpeur. Sur le pas apparaît un jeune homme d'une beauté insolente. Une tignasse brune encadre son visage glabre aux traits fins. Ses yeux noisette pétillent de malice. Mon regard glisse le long de son cou puissant jusqu'à sa clavicule saillante que son débardeur met en valeur.
– Debout la dedans, marmotte ! Il est l’heure de virer ta carcasse du plumard, lance-t-il avec un rictus moqueur.
Confuse, je ramasse précipitamment le drap pour dissimuler ma cuisse dénudée et la naissance rebelle de mon sein droit. Ainsi voilà le fameux Djed... Aussi séduisant que grossier, visiblement.
– La ponctualité n’est pas votre fort on dirait, répliqué-je pour masquer ma gêne.
– L’insolence non plus n'est pas la tienne, poupée, rétorque-t-il en laissant traîner son regard sur ma silhouette. Allez, bouge-toi ma jolie !
Il tourne les talons et la porte se referme. Les joues brûlantes, je me prépare en hâte. Ce réveil pour le moins... troublant a fait grimper mon pouls. Derrière ses airs bravaches, Djed est indéniablement séduisant. Mais son toupet insolent a de quoi agacer !
Une chose est sûre, cette première leçon de pilotage s'annonce riche en émotions…
Essoufflée, j'arrive dans le pont-hangar où la navette auxiliaire est prête au départ. Sa silhouette effilée contraste avec la masse imposante du Molly.
Djed est nonchalamment adossé à la coque, caressant Astérion. En m'apercevant, son sourire mutin réapparaît :
– En retard ! Allez ma poulette, en piste. On a du boulot.
Je m'installe aux commandes, intimidée, pendant qu'il prend place à mes côtés.
– Avant tout, on vérifie que les voyants sont au vert, m'explique-t-il en actionnant les batteries. Puis contrôle de l'étanchéité et pressurisation du cockpit.
Ses longs doigts fins parcourent avec virtuosité le tableau de bord, vérifiant chaque paramètre.
– Maintenant, on va démarrer le moteur gauche en premier. Tiens-toi prête à couper si le régime pompe.
Il active la séquence de démarrage. Le rotor commence à tourner dans un vrombissement croissant.
– RAS, tout est nominal. On lance la suite.
L'un après l'autre, les réacteurs ronflent à la vie.
– Parfait ma belle ! On demande l'ouverture du sas et on contacte la passerelle pour le “launch”, poursuit Djed.
Il me montre comment entrer les fréquences de la radio à neutrino et procéder aux vérifications d'usage avec l’officier de quart.
– Vaisseau C-1966 – Molly , ici navette Raptor-42 C, demande autorisation de décollage immédiat, débite-t-il d'une voix professionnelle.
C’est Kappa qui lu répond
– T’en fais un peu trop, Raptor -42 C ?
- Je n’ai pas compris vos instruction, répond Djed avec malisse.
- Oook ! Clairance autorisé. Bonne route Raptor 42 C… Soit prudente, petite….
L'autorisation obtenue, il reprend son ton gouailleur :
– Accroche ta ceinture ma cocotte ! Ça va décoiffer.
La navette décolle en douceur, s'extirpant du hangar.
– Attention à l'inclinaison, on veut pas rayer la peinture du Molly. Doucement sur la gauche... Voilà, nickel !
Nous émergeons bientôt dans le velours noir criblé d'étoiles de l'espace sidéral. L'excitation m'envahit. Je suis au commande d’un engin spatial !
– Tu te débrouilles bien ma poule. Je ferai peut-être de toi une vraie pilote, finalement ! lâche Djed avec un clin d’œil complice.
Malgré le ton bravache, je suis touchée par ses encouragements.
– "Où allons-nous ?" demandé-je, impatiente.
– Tu verras bien, cocotte. Profite du voyage, rétorque Djed avec un clin d’œil malicieux.
Je bouillonne de curiosité, mais me laisse porter. Ses gestes sûrs démontrent sa maîtrise des commandes. Nous slalomons entre astéroïdes et météores, esquivant les dangers avec une facilité déconcertante.
-Objet droit devant ! m'écrié-je soudain.
D'un coup de manette, Djed l'évite avec une aisance stupéfiante.
– Bons réflexes ma poule ! commente-t-il. Maintenant, accroche-toi. On va sauter.
Sauter ? Avant que je puisse réagir, ses doigts volent sur le tableau de bord, entrant des coordonnées complexes.
– Activation du calculateur hyperespace. Vérification des paramètres quantiques et relativistes, énonce-t-il d'une voix professionnelle. Tout est bon. Prête ?
J'acquiesce, soudain anxieuse. Djed pose sa main sur le levier d’hyperespace.
– Attention, ça secoue un peu au début. Trois... deux... un... Engagement !
Il abaisse le levier. Instantanément, une vrille vertigineuse nous aspire vers l'avant. L'espace se distord, les étoiles se muant en traînées lumineuses. La navette vibre, comme prise dans un typhon galactique.
Puis, plus rien. Le silence et le néant. Seule subsiste une étrange sensation d'irréalité, comme si mon corps s'était dissous. Mon esprit même semble se diluer dans l'infini du non-espace.
– Effet normal, commente la voix de Djed, lointaine. Tu t'y habitueras.
Cet instant hors du temps paraît durer une éternité. Puis soudain, une secousse, et nous sommes propulsés dans un jaillissement de lumière. L'espace ordinaire réapparaît, mais Métaformé par notre passage.
– Bienvenue dans l'hyperespace, novichok ! s'exclame Djed. Prochain arrêt, les lunes joviennes d'Altair IV!
Émerveillée, je reprends pied dans la réalité. Je viens de vivre l'expérience vertigineuse d'un micro-saut intersidéral. Sensation grisante autant qu'effrayante !
Surgissant du néant, une masse titanesque emplit soudain notre champ de vision. Une géante gazeuse, cerclée d'anneaux et de lunes... Un spectacle à couper le souffle !
– Bienvenue dans le système d'Altair IV, ma cocotte ! s'exclame Djed, visiblement très fier de son petit effet.
Il s'engouffre dans les anneaux, slalomant entre les astéroïdes et particules de poussière glacée. Sa dextérité force mon admiration, mais aussi mon angoisse.
"Ce cow-boy va nous tuer !" pensé-je, cramponnée à mon siège. La navette virevolte à une vitesse vertigineuse, frôlant les débris dans une danse folle.
– Accroche-toi ma poulette, le meilleur arrive ! jubile Djed.
Soudain il coupe les réacteurs... Nous sommes en chute libre, aspiré par le puit gravitationnel d’une gigantesque lune rouge!
"Non mais il est malade ! On va se cracher !" hurlé-je intérieurement.
Autour de nous tourbillonnent les particules irisées des anneaux. Pris de panique, je hurle :
– Remets le contact bon sang ! On va y passer !
Mais Djed reste d'un calme olympien. Au dernier moment, il redémarre les moteurs, amorçant une violente remontée. Le sang bourdonne à mes tempes tandis que je suis plaquée contre mon siège par la surcharge G.
– Alors ma poule, on a eu chaud ? plaisante-t-il en se tournant vers moi, l'air insolent.
Furieuse, je lui jette un regard noir. Ce cow-boy intersidéral est dingue ! Pourtant... je dois admettre que ses talents de pilotage m'impressionnent. Même si ses cabrioles ont failli causer notre perte !
Soudain, un signal retentit dans le cockpit. On dirait un vieux code de détresse hors d'âge ! Djed se penche sur le tableau de bord, soudain concentré.
– On dirait une balise de la Coalition, datant de la guerre d'Unification, dit-il. Ça fait un bail qu'elle dérive par ici. Accroche-toi ma belle, on va voir ça de plus près !
Aussitôt, il fait virer la navette en direction de la source du signal. Moi qui espérais un vol tranquille, me voilà embarquée dans une nouvelle aventure avec ce diable de pilote !
Contournant la face rougeoyante de la lune, nous localisons la source du signal. Une antique corvette de liaison de la Division du Get ! Chargée de surveiller les confins de l'espace, elle a dû dériver ici depuis des décennies.
Djed lance un scan détaillé de l'épave.
– Le signal provient d'un module de survie, à l'arrière du hangar. Il doit y avoir des rescapés cryogénisés.
Fascinée, je le supplie d'aller voir de plus près. Malgré ses réticences, il finit par accepter.
– Bon, on y va mollo. Ces vieilles corvettes regorgeaient de pièges.
Il désactive notre transpondeur et coupe tous systèmes non-essentiels. Puis il utilise les débris environnants comme couverture pour un approche furtive.
– Pas de signature thermique, ni radar. Parfait, on fait du “ghosting” pur et dur ! Accroche-toi ma poulette.
Il s'approche de la coque avec une extrême précaution. Au moment de l'appontage, il stoppe net :
– Merde, un champ de mines ! Autour de nous, des dizaines de mines viennent de sortir de veille, détectant notre présence. Piégés !
– Coupes tout ! hurle Djed. Il éteint moteurs et énergie, ne laissant que l'oxygène et la gravité minimale. Nous dérivons, complètement à la merci des mines.
Soudain, la radio crépite :
– Raptor, ici Molly. Que se passe-t-il ? On vous a perdu !
Djed répond.
– Molly, ici Raptor. On est tombé dans un champ de mines en approchant une épave de la Coalition. Situation critique. Passés en mode furtif en attendant que ça se calme.
Une voix de femme répond, visiblement tendue : "Reçu Djed. Ne bougez pas, on arrive"
Interminables minutes d'attente dans le noir. Enfin, la radio grésille à nouveau :
– Molly à Raptor. Nous arrivons à portée radar. Tenez bon! On va vous sortir de ce traquenard. Préparez-vous à rétablir vos systèmes sur mon signal.
L’attente est angouissante. Nous commençons à avoir froid et le givre commence à obscurcir la verrière de cockpit. Une fine pellicule scintillante recouvre peu à peu les commandes et les instruments de bord. Pour économiser l’oxygène, que distille avec partimonie, les bouteilles de secour, nous gardons le silence le plus complet. Seul la présence du Molly à plusieur milliers de kilomètres me rassure.
Après un temps indeffinissable, les mines se désarment une à une, et replonge en mode veille.
"C'est bon Djed ! rallumez tout et magnez-vous ! On vous couvre."
Malgrès l’ankilose qui nous gagne, Djed redémarre aussitôt les réacteurs et nous nous extirpons à toute vitesse du champ de mines.
Malgrès notre départ en trombe, certaines d’entre elles réussisent à nous accrocher et se réarment. Elles files à toute blinde dans notre directions. Djed accélère encore, poussant les réacteurs au-delà des limites acceptables.
Sur le TriSonar, les graines de lumières se rapprochent, suivant un schéma d’encerclement redoutable. Puis l’espace s’illumine d’une intense lueur orangé.
Le Molly vient de tirer et de toucher une mine à peine plus grosse qu’une aérocar… Un exploit pour un artilleur ! Il n’en faut pas plus à Djed pour s’engouffrer dans la brèche ainsi crée.
Djed lance joyeusement à la radio :
– Merci pour le coup de main Molly ! On a échappé de peu à la casse. Pas vrai ma poulette ?
Le rire métalique de Kappa éclate dans les hauts parleurs.
– Merci à vous Raptor… J’ai enfin pu calibrer ces vieux canaonde ! On vous attend pour diner...
Je pousse un ouf de soulagement. Grâce à l'équipage du Molly, nous sommes sains et saufs. L'exploration de l'épave devra attendre.
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