Chapitre 5 - On a failli tuer beau papa

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Percy voulait sortir de son lit. S’il restait une minute de plus, il serait en retard. Et il était certain que Tara ne lui autoriserait pas le moindre écart de conduite. Enfin, c’était sans compter le poids de la boule de poil noir qui l’empêchait de se lever. Percy secoua les bras en l’air. Battit des pieds. Et remua les épaules. Rien n’y fit, le chat ne bougeait pas d’une moustache. À peine leva-t-il un œil vers son maître.

— Archi, steuplait bébé poilu, bouge ! Je dois y aller !

Mais le chat redoubla en ronronnement et en câlins. Le bras de Percy retomba sur son front. Il se dit que quelques minutes de retard n’allaient pas le tuer, pourtant, le regard noir de Tara s’imposa dans son esprit. Elle, en revanche, était capable de mettre fin à sa courte vie.

Son téléphone se mit à vibrer sans s’arrêter. Le son sembla déplaire à Archibald, car il se leva d’un bond, dérapa sur le parquet de la chambre et disparu dans le salon. Au moins, ça, c'était fait.

Sur l’écran, un cadran lumineux apparu, obligeant Percy à plisser les yeux.

Opération petit ami

Les alarmes, ces merveilleuses inventions.

Bon, il était vraiment temps de se préparer. Après s’être douché, brossé et tous les autres verbes en “é” qui lui permettait d’être frais comme un gardon, Percy enfila une chemise à manches courtes d’un bleu clair et un short en jean. Avant de partir, il remplit les gamelles d’Archi, caressa une dernière fois sa petite tête noire et chaussa ses converses jaunes. Il ne savait pas à quelle sauce il allait être mangé, mais, lui, en tout cas, avait une faim de loup.

Suite à leur rencontre avec Aphrodite, Percy avait encore du mal à y croire et espérait que la théorie d’hallucination collective donnée par les secouristes était vraie. Toujours est-il, qu’après cet… évènement et leur pacte, Tara et lui avaient échangé leur numéro de téléphone. Ainsi, il avait pu avoir l’adresse du fameux repas de famille tant redouté par la jeune femme. Percy n’avait toujours pas compris pourquoi Tara avait besoin d’un copain, ni pourquoi son cousin était aussi con et encore moins le lien avec la vieille bicoque de location de surf, mais peu importe tant qu’il pouvait se rapprocher de Maïa Nauru !

La maison de Tara était de l’autre côté de la ville, ce qui n’était pas un souci lorsque votre ville est aussi grande qu’un village de téléfilm de Noël dont le titre commence par “Romance à Snowmachintruc”. Et avec Riptide, son très cher scooter, qu’il avait construit de ses propres mains… et de beaucoup d’aide de sa mère, sa tante, son oncle… et le garagiste, enfin bref ! Il déferlait dans les rues tel un tsunami.

En arrivant devant la maison que lui indiquait son GPS, Percy fut déçu. Il ne savait pas trop à quoi s’attendre. Une énorme cabane dans un arbre ? Une sorte de yourte colorée ? Une maison d'Hobbit ? Enfin, quelque chose qui collait plus avec le style de la surfeuse. Là, c’était… décevant. Une maison tout ce qu’il y a de plus normale avec une boite aux lettres banale et un portail sans originalité. Des murs en crépis blancs. Un toit avec des tuiles brunâtres. Au moins, les amas de fleurs déposés un peu partout et sans aucune organisation donnaient de la couleur à la bâtisse. En rangeant son casque dans son siège, Percy haussa les épaules. De toute façon, il n’était pas là pour jouer les agents immobilier. Il avait un autre rôle aujourd’hui. Avant de refermer le coffre intérieur de son scooter, il prit une boite qu’il avait soigneusement placée avant son départ.

Une fois devant le portillon, il hésita à sonner quand un garçon à la crinière de lion lança un ballon dans sa direction. Percy prit de l’élan et frappa la balle d’un coup de tête digne des plus grands footballeurs, ramenant le jouet au pied de l’enfant.

C’était faux. Il avait bien rattrapé le ballon, mais il s’était fait sacrément mal au front. Bien entendu, il ne montra rien, souriant au gamin pour ne pas perdre la face. Il remercia intérieurement sa mère pour lui avoir légué cette superbe chevelure noire qui lui permettrait de cacher la bosse rouge qu’il sentait déjà poindre.

— Wow ! Merci monsieur ! s’extasia le gamin en dévoilant une rangée de dents avec quelques manquantes.

Pas de doute, il était au bon endroit. Le garçon était le portrait craché de Tara. Des cheveux indomptables, une aura solaire et ce sourire éclatant, quoique qu’un peu audacieux. Même si Tara avait plus de dents.

— Avec plaisir, mon grand. Est-ce que ta sœur est là ?

Le regard du garçon devint suspicieux. Il récupéra le ballon dans ses mains encore potelé dû à son jeune âge et fit un pas en arrière. C’était quoi cette réaction ? Il y a peine deux minutes, Percy était son héros, un dieu du foot, et à présent, il le fixait comme s’il avait devant lui le loup du petit chaperon rouge.

— C’est qui ? demanda une voix fluette derrière le garçon.

Le coup sur sa tête devait être plus fort que Percy ne le pensait, car il voyait double. Un deuxième enfant, copie conforme du premier, venait d’apparaître juste à côté. Voilà que les hallucinations parlaient. La journée allait être longue.

Le petit au ballon secoua sa tête blonde avant de se mettre à hurler :

— TARAAAA !

Il fallut à peine une seconde et demie pour que la ninja à la pagaie déboule derrière le garçon et ne plaque une main contre sa bouche.

— Théo, arrête de crier comme ça ! On va encore se prendre une réflexion des voisins. Oh, salut Percy, lança Tara, en remarquant le jeune homme en face.

Elle lui ouvrit le portillon, et Percy se glissa à l’intérieur du jardin. En passant, un parfum frais piqua sa curiosité. Une odeur rappelant la mer et les vagues. C’était comme se prendre un vent marin en pleine tête. Le nez aux aguets, il huma l’air. Ça ne venait pas des fleurs, mais de Tara. En se retournant vers elle, il sourit.

Il n’avait pas fait attention, mais la jeune femme avait fait un effort vestimentaire. Ce repas devait vraiment l’angoisser. Adieu short et éternelle haut de maillot de bain, elle avait revêtu une robe d’été bleu ciel, fendu sur le côté qui lui donnait encore plus l’allure d’une sirène. À croire qu’ils l’avaient fait exprès, tous les deux portaient la même couleur. Percy se dit que côte à côte, ils avaient tout du vrai petit couple. Parfait pour leur mission.

— C’est qui ? redemanda le clone, une main accrochée à la robe de Tara.

— Rassure-moi, questionna Percy en se penchant vers la surfeuse. Toi aussi, tu le vois et tu l’entends ?

La jeune femme leva les yeux au ciel. Dans ses cheveux, des perles nacrées étaient tressées entre ses mèches turquoise et cliquetaient aux moindres mouvements de tête. C’était assez joli. En réalité, et Percy s’était déjà fait la réflexion la première fois, Tara était carrément mignonne. Enfin, ça, c'était quand elle ne donnait pas de coups de pagaie. Qu’elle ne renversait pas de thé glacé sur votre tête, ou qu’elle ne vous lançait pas l’un de ces regards meurtriers.

— C’est Percy, lui répondit-elle sans prendre la peine de relever la blague du jeune homme. C’est… hum… un… C’est mon… Comment dire ?

— Je suis son amoureux, déclara Percy tout fier, une main sur les épaules de la surfeuse. Et vu votre ressemblance avec Tara, j’imagine que vous êtes mes petits beaux-frères. Je sens qu’on va bien s’entendre. Au fait ! Tiens, mon cœur, continua-t-il sur sa lancée, j’ai rapporté des chocolats pour le dessert.

Et il montra la boîte qu’il avait encore dans les mains à Tara. Les jumeaux, de leur côté, avaient la bouche grande ouverte en une sorte de cri silencieux. Après plusieurs clignements rapides des paupières, ils se mirent à courir en direction de la maison. Cette fois-ci, les deux criaient d’une même voix :

— MAAAAAAMAAAANNNNN ! PAAAAAPAAAAAAAAA ! Tara a un amoureux !

La main toujours sur l’épaule de la jeune femme, Percy se mit à rire.

— J’ai toujours su faire bonne impression, se gossa-t-il, un clin d’œil vers la sirène.

D’un mouvement vif, Tara s’échappa de son étreinte et planta ses pieds devant lui, le doigt pointé sur son torse.

— Ok, Don Juan. On va mettre deux, trois petites règles en place, siffla-t-elle entre ses dents. Il n’y pas de “mon cœur”, de “chéri” ou tout autre surnom dégoulinant d’amour. Il n’y a pas non plus de beau-frère et pas la peine de faire ami-ami avec Théo et Tiago, tu ne les reverras plus après aujourd’hui. Et pour finir, les marques physiques d’affection comme les câlins ou les embrassades, tu peux oublier aussi. C’est clair ?

— Wow, tes parents aiment vraiment les prénoms qui commencent par un T.

— Percy !

— Oui, oui. Clair comme de l’eau de roche. Je garde mes mains baladeuses et mes mots doux pour moi. Dommage, j'avais fait toute une liste. Mais on est d’accord que je suis censé jouer les petits copains ? Alors si tu veux qu’on soit crédible, il faudrait au moins qu’on ait l’air proche.

Tara posa deux doigts entre ses sourcils et fit des petits mouvements circulaires. Percy l’avait déjà vu faire ce mouvement. Il se demanda si elle se massait ainsi pour atténuer son énervement ou pour mieux réfléchir. Peut-être un peu des deux. Finalement, après un regard aussi noir que le pelage d’Archi, elle concéda qu’il n’avait pas tout à fait tort et accepta le bras qu’il lui proposa. Vu la distance qu’elle gardait entre eux, c’était sans doute le maximum qu’elle pouvait faire.

Pourquoi lui avoir proposé de jouer les faux petits amis si elle était si mal à l’aise à ses côtés ? Peu importe, il n’avait pas besoin d’en connaître la raison. Pour se consoler, Percy visualisa le visage angélique de Maïa Nauru. Il s’imagina boire un verre en terrasse avec elle. Puis, ils iraient courir sur la plage, main dans la main. Et enfin, ils s’embrasseraient au clair de lune. Si romantique. Aphrodite adorerait ça ! Enfin, si elle existait réellement.

— Maintenant que j’y repense, commença Percy, on n'a pas beaucoup abordé le sujet déesse de l’amour depuis la dernière fois.

— Si, et on a convenu que c’était une hallucination.

— Mouais, j’ai toujours du mal à y cr…

Percy arrêta de parler au moment où Tara et lui arrivèrent devant une table pleine à craquer de nourritures et de boissons en tous genres. Viandes et poissons grillés, salades fraiches, brochettes, légumes et fruits à croquer, baguettes de pain encore chaudes et sauce mayonnaise à foison. Percy en avait déjà l’eau à la bouche. Et comme pour l’achever, sur sa droite, l’odeur boisée d’un barbecue venait masquer le parfum de Tara, ce qui eut pour effet immédiat de faire gronder son ventre.

Devant ce festin, c’est à peine s’il avait remarqué la dizaine de personnes attablée, qui le fixaient, une expression de surprise figée sur leur visage.

— Bon, bah, voilà tout le monde. Je vous présente Percy… mon… petit… ami, articula Tara avec difficulté, un sourire crispé fronçant ses sourcils.

Elle, c’est pas l’amour qui l’étouffe, pensa Percy.

En effet, elle, non. Son père, en revanche. À la fin de sa phrase, un homme que Percy devina être le père de la sirène, au vu de leur ressemblance physique, avala de travers son verre de vin et se mit à tousser de manière frénétique. Une femme s’élança alors vers lui et le tapa dans le dos.

Percy resta immobile, incapable de bouger à la fois de gêne, mais aussi parce que Tara venait de planter ses ongles dans son bras.

Hé, bah, super ! Première rencontre et j’ai failli tuer beau papa !

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