Chapitre 7 - Jeu de main, jeu de vilain

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— Mais si, t’inquiète ! Je suis sûr qu’avec du beurre, nos mains vont se décoller ! affirma Percy.

— Approche encore ce beurre de moi et je te le fais bouffer !

— Hé, bah ! Elle n'est pas commode ta pote, s’amusa Mathias sur sa chaise de bar. Mais sérieux, comment vous avez fait votre compte ?

Percy était ravie qu’aucune pagaie ne soit dans les parages, car au vu du regard mauvais qu’elle lançait à son ami, Tara aurait fait preuve de ses compétences de ninja.

— On s’est tapé dans la main et depuis on est comme ça, répondit la surfeuse en levant le bras dans un geste vain. On a tout essayé. Les passer sous l’eau. Frotter. Mettre une baguette pour faire levier. Rien ne fonctionne !

— On n'a pas essayé le beurre ! insista Percy.

Il avait déjà vu ça dans un film, alors forcément, ça allait fonctionner. Pas vrai ? Bon, oui, les deux personnages n’étaient pas collés par une superglu magique et invisible. Ils étaient retenus par des menottes. Mais le principe restait le même.

Dehors, la pluie n’avait pas cessé. Cela les arrangeait bien. Il n’y avait aucun client pour les embêter pendant leur tentative de récupération de main. En plus, c’était le jour de congé de sa tante, et son oncle était en pleine sieste d’après-repas dans la salle de pause. Quant aux autres employés, ils prendraient leur service plus tard dans l’après-midi.

À contre cœur, Tara accepta son hypothèse et Percy se mit à leur badigeonner les mains de beurre. C’était glissant, gras et très inconfortable, quoiqu’avec une agréable odeur de gros sel de mer. Mais ils étaient toujours inséparables.

— Ça n’as pas marché, fit remarquer Percy, la tête baissée.

— Sans blague…

Mathias empoigna le bras de Percy et leva leurs mains jusqu’à ses yeux. La main soupesant son menton et ses yeux bougeant frénétiquement derrière ses lunettes témoignaient de sa profonde réflexion. Des deux, Mathias était de loin le plus intelligent et le plus posé. Il trouverait une solution, Percy n’en doutait pas.

— Pas la moindre idée de comment vous aider, déclara Mathias après de longues secondes de silence. Je ne vois rien qui causerait cette soudaine… adhérence. Et à part utiliser des produits hautement toxiques pour votre santé, le seul truc à faire, c’est aller à l’hôpital. En espérant qu’ils puissent vous aider là-bas. C’est quand même super bizarre… Si je croyais à tous ces trucs, je dirais que c’est magique, termina-t-il en riant de sa propre réflexion.

Percy et Tara relevèrent la tête en même temps et échangèrent un regard entendu.

— Tu penses à la même chose que moi ? questionna Percy.

— Aphrodite ! cracha Tara à son tour.

Mathias les observa comme si deux fous avaient une conversation à la fois très sérieuse et complètement loufoque. Une discussion qu’eux seuls pouvaient comprendre.

— Mais, elle n'est pas… C’était une hallucination, reprit Tara, les épaules s’affaissant en même temps que sa mine déconfite.

— Ok… je vous laisse à vos histoires d’hallucination. En attendant, je vais servir les clients qui viennent d’arriver, annonça Mathias.

Percy regarda son ami accueillir le couple qui venait de braver la tempête. Les pauvres étaient frigorifiés dans leurs maillots de bain, une serviette de plage au-dessus de la tête pour les protéger de la pluie. D’ordinaire l’Aigue-Marine ne servait que des boissons estivales et des cocktails, mais au vu de leurs tremblements, il se pourrait que le bar se transforme en salon de thé. Du thé bien chaud.

— Tu ne devrais pas parler d’hallucination. Si je me rappelle bien, c'est parce que tu as dit qu’elle n’existait pas qu’elle était si énervée.

— Super, dis que c’est ma faute, t’en qu’on y est !

— Bah…

Percy tira une dernière fois sur sa main. Bien entendu, cela ne fit rien, si ce n’est lui faire mal. À côté de lui, un amas de cheveux s’étalait sur le comptoir du bar. Le front posé contre la table, Tara ressemblait plus à une montagne d’algues humides qu’à une jeune femme. Il l’entendait marmonner à travers ses mèches. De ses doigts libres, il lui tapota le sommet du crâne.

— Non, mais, ça va aller. On va trouver Aphrodite et lui demander de nous décoller. Ensuite, on reprendra nos vies comme si de rien n’était. Et tu n’auras plus à revoir ma tête de… quel animal t’avais utilisé déjà… le blobfish ?

Tara poussa un grognement et un œil noisette perça la montagne de cheveux.

— Et comment tu comptes la trouver ? Pas sûr qu’il y ait un numéro spécial déesse de l’amour ou quelque chose du genre. Il faut qu’on trouve une solution au plus vite. Comment on va faire pour les toilettes ? Et si ça poursuit jusqu'à ce soir ? Comment on va faire pour dormir ?

Malgré lui, les joues de Percy rosirent d’embarras. Bien évidemment qu’il y avait pensé. Et bien sûr, que son esprit avait vite changer de sujet.

— Je suis sûr que ça ne va pas durer si longtemps. Si c’est vraiment une déesse, elle ne sera pas rancunière pour si peu. Au pire essaie de l’insulter encore une fois. Peut-être que c’est de cette façon qu’elle apparait ?

Ça a duré…

TOUTE.

LA.

JOURNÉE !

Tout ce temps collé l’un à l’autre. Percy aurait mieux fait de fermer ce qui lui servait de bouche. Déjà, avoir la main prise en étau était désagréable, mais c’était pire lorsque celle qui vous la serrait vous lançait une expression de reproche dès que vous croisiez son regard. C'est-à-dire, très souvent, dans ce cas précis.

À croire que c’était la faute de Percy. Pour rappel, lui, il n’y était pour rien. Ce n’est pas lui qui avait énervé la déesse. Ce n’était pas lui, non plus, qu’il l’avait insulté. Et ce n’était pas lui qui avait remis en question son existence. Alors, pourquoi il devait subir tout ça ?

Heureusement que sa tante était en congé, le jeune homme n’aurait pas su comment lui expliqué la situation. Salut zia ! Bon aujourd'hui, je vais littéralement être collé à une fille que je connais à peine. Mais ça, c’est parce qu’on a énervé la déesse de l’amour en lui manquant de respect. En revanche, je connais déjà toute sa famille. Pourquoi ? Je fais semblant d’être son petit ami, pour une raison obscur, car, visiblement, cette même fille ne me supporte pas. Mais, hey, au moins, cette fois, je n’ai pas saccagé le bar !

Percy secoua la tête, vaincu.

— Te relâche pas le blobfish, l’interpella Tara. Il nous reste encore trois tables avant la fin de ton service.

À côté de lui (de toute façon, elle ne pouvait pas aller bien loin dans leur état), la surfeuse portait un plateau surmonté de deux salades de fruits.

Comme ils n’étaient censés être que deux, Mathias et Percy, pour le service de 14h à 16h, ce dernier n’avait pu échapper à son travail, malgré son état. Et contre toute attente, Tara s’était portée volontaire pour leur venir en aide. Elle ne rechigna pas à faire les aller-retour à la cuisine, ni pour prendre les commandes ou encore pour suivre Percy comme son ombre. Au contraire, elle était polie et souriante. Une vraie commerciale. Voilà bien un visage que le jeune homme ne soupçonnait pas chez elle.

D’autant plus qu’elle était douée. Elle réussissait à maintenir plusieurs plateaux sur un seul bras, sans les faire tomber. Percy plaçait les commandes sur le bras de Tara, puis les déposaient sur les tables. Tara mémorisait les plats et Percy les boissons.

Le plus incompréhensible, c’était qu’ils formaient une super équipe dès qu’il s’agissait de travailler, mais qu’ils étaient incapables de se mettre d’accord sur qui passait la porte en premier ou dans quelle direction aller. Ce qui donnait lieu à des situations particulièrement gênantes : Percy partant à droite, Tara à gauche, les deux emportés par leur élan tel des yo-yo humains, se rejoignaient au centre, en se cognant l’un à l’autre.

Alors, bien sûr, comme les deux jeunes gens étaient toujours littéralement inséparables, les commentaires des clients allaient bon train.

— Oh, comme ils sont mignons, à travailler main dans la main. C’est beau l’amour !

— Ah, les amours de jeunesse. Si fort, qu’ils ne se séparent même plus pour travailler.

— Tu sais garçon, tu peux la lâcher ta copine, on ne va pas te la prendre. De toute façon, elle est bien trop jeune pour moi !

Chaque réflexion tordait un peu plus le sourire de Percy, si bien qu’à la fin, il ressemblait à une version horrifique du Joker dans Batman. Tara, elle, gardait un visage doux et ne les contredisait pas. Cette fille avait plusieurs personnalités, c’était flippant. Elle s’entendrait à merveille avec zia Sienna.

À peine, Percy et Tara apportèrent la commande à leur dernière table que Gab et Mila apparurent à l’entrée de l’Aigue-Marine. Parfait timing ! Percy s’empara du plateau que tenait Tara et le colla en passant dans les bras de Gab. D’un geste rapide, il salua ses deux collègues, dit au revoir d’une voix vive et se précipita vers la sortie.

Avec un peu de chance, Gab et Mila n’avaient pas fait attention à la blonde, qu’il emportait avec lui. Percy n’avait déjà pas envie d’expliquer la situation à sa tante, ce n’était pas pour le faire avec ses deux amis. Surtout que connaissant ces deux commères, ils auraient tôt fait de le dire à la patronne. Et alors si zia Sienna pensait qu’il avait une copine, elle le dirait à sa mère qui s’empresserait d’informer ses sœurs, et Percy n’était pas prêt pour cet enfer !

— Percy, attends ! Où tu vas ?

— La journée de travail est finie alors, je rentr…

— Et t’as pas oublié un léger petit détail ? lui fit remarquer Tara, en levant sa main et la sienne.

Percy leva la tête vers le ciel. C’était amusant au départ, mais à présent, il en avait marre. Consterné et énervé, il serra les poings et poussa un râle de colère en espérant que si Aphrodite les regardait, elle se sente visée. Dans sa paume, il sentit la main de Tara serrer encore plus fort.

— C’est pas un concours, lui lança-t-il en reprenant son sourire taquin.

La surfeuse haussa les épaules et sortit son téléphone d’une poche de sa robe. Son doigt pianota à toute vitesse sur le clavier numérique, puis elle porta le smartphone à son oreille.

— Tu appelles SOS divinité toqué ?

— Mieux que ça. J’appelle des renforts.

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