Samedi 04 juillet 2020

6 minutes de lecture

Salut mon pote, je vais commencer mon récit à cette date, car c’est à partir de ce jour que ma vie a changé pour toujours.

On était au début des vacances d’été, Sally avait déjà prévu d’organiser sa première après-midi barbecue piscine. Elle avait invité une dizaine de potes qui m’étaient pour la plupart inconnus. Tous plus bobos les uns que les autres, avec leurs fringues de marques, leurs grosses bagnoles, leurs baskets et leurs portables derniers cris. Pour dire que je ne me sentais pas à l’aise du tout. Moi, je suis un gars lambda, un peu timide et comme dab’, ils me faisaient comprendre par leurs attitudes et leurs réflexions que nous n’avions pas les mêmes valeurs.

En fin de journée, après avoir bien mangé et bien bu, ils ont décidé de faire des jeux dans la piscine, tout en continuant à se soûler. Ils insistaient pour que je participe, mais ayant la frousse de l’eau, j’aie préféré rester près du bord où j’avais pied, en prétextant que j’étais ballonné. Malgré les gueulements de Sally, pour qu’ils me foutent la paix, ses amis ont continué à me chercher à tour de rôle pour me forcer à les rejoindre.

— Allez ! Fais pas ta fiotte ! Bouge-toi pédale !

Venant de leurs parts, ces mots me rendaient nerveux. Ils n’étaient pas les potes avec qui j’avais l’habitude des rixes verbales. J’ai commencé à trembler de peur et de rage. La panique fut encore plus grande quand l’un d’eux, plus borné que les autres, a empoigné mon bras pour m’attirer au milieu de l’eau. J’ai alors senti mon souffle se couper et mon corps se raidir. Mes pieds ne touchaient quasiment plus le fond. J’étais à deux doigts de faire une syncope.

Les cris de Sally, pour qu’ils arrêtent, étaient couverts par les rires de ses idiots de convives.

Depuis la petite dépendance attenante au château qu’il louait, Alekseï s’alerta en entendant les cris des jeunes gens réunis autour de la piscine.

*** Alekseï ***

Par la baie vitrée ouverte, j’entendais des rires et des hurlements qui provenaient de la piscine. J’ai posé le bouquin que je lisais pour observer ce qui se passait à l’extérieur. J’ai de suite repéré une jeune fille rousse s’époumoner pour que ses potes arrêtent de forcer une personne, que je ne voyais pas de là où j’étais, à aller au milieu de l’eau.

Sentant l’embrouille, je suis sorti de chez moi

En m’approchant d’eux, j’ai constaté que la victime était un jeune homme blond. Il tremblait comme une feuille en essayant d’échapper à l’emprise d’un gars qui lui tenait le poignet. J’ai jeté mon maillot et ma serviette sur le sol de la piscine et je suis descendu sans me faire remarquer, par l’échelle derrière lui, de façon à être prêt à intervenir.

Au moment où il a perdu pied, j’ai plongé pour le ramener à la surface.

***

J’étais sur le point de m’évanouir quand j’ai senti deux bras musclés m’enlacer par la taille, me sortir de l’eau et me rapprocher du bord. Je n’arrivais pas à aligner deux mots. Je me suis mis à pleurer, sans parvenir à me contrôler. Le gars qui m’avait aidé, a hurlé à ses imbéciles de sortir de la piscine (dans un français approximatif, avec un fort accent) qu’ils pouvaient rentrer chez eux et que la fête était finie. Il s’est ensuite tourné vers moi et il s’est brièvement présenté :

— My name is Alekseï. How are you my friend ? Ça va ? (Mon nom est Alekseï. Comment vas-tu mon ami ?)

Je tremblais. J’avais envie de lui répondre, néanmoins, je suis resté muet de colère et aussi de fascination. Cet étranger qui venait de me sauver la vie et que je n’avais jamais vu auparavant présentait un corps parfaitement dessiné. Ses muscles mouillés luisaient à la lumière du soleil qui se couchait face à lui, ses cheveux, noir corbeau, ruisselants, parsemaient son front et il avait une superbe grande bouche aux lèvres épaisses. J’ai repris mes esprits, mais je n’ai pu laisser échapper qu’un :

— Fous-moi la paix, dégage !

Et je suis sorti de la piscine, suivi par mon sauveur désemparé et surpris de ma réaction. Trempé jusqu’à l’os, je tremblotais de froid, je ne savais pas où chercher ma serviette.

*** Alekseï ***

Qu’elle est touchante cette jeune tête blonde, toute fluette ! J’ai été foudroyé par le bleu intense de ses yeux et son visage de minet.

J’ai attrapé la serviette que j’avais jetée avant de sauter à l’eau et je l’ai posée délicatement sur ses épaules. Il se retourna violemment vers moi. Son regard larmoyant semblait apeuré et surpris. Sans un mot de plus, il s’est enfui en courant.

— Sacha, ne pars pas ! cria la petite rousse, pour le retenir.

Sacha ! Ça lui va bien !

Il avait dû me prendre pour l’un d’entre eux vu comment il venait de me fuir. Il choisit mal ses amis ce gars.

J’ai entrepris de le suivre pour voir où il comptait se rendre en caleçon de bain. Je fus surpris de le voir entrer dans la maison des concierges du château, que je connaissais depuis un an.

***

Quand je suis arrivé, Gabriel et Enara étaient occupés à préparer le dîner. Ils ne m’ont pas vu me faufiler à pas feutrés dans ma chambre.

Je me suis séché rapidement, j’ai enfilé un T-shirt et un short, j’ai remis mes claquettes et je suis ressorti par la fenêtre pour revenir comme si de rien n'était par la porte d’entrée. Nous habitons un plain-pied, je n’ai pas pris trop de risques !

— Tu rentres déjà, Sacha ? Tu as dîné ? me demanda Gabriel.

— Tout va bien mon chéri ? reprit Enara pour qui je n’avais aucun secret.

Elle m’avait élevé jusqu’à mes huit ans, avant que sa fille et moi allions rejoindre mon père. Elle avait obligatoirement remarqué mes yeux rougis et elle s’est douté qu’un incident s’était produit.

Sans prendre la peine de leur répondre, je me suis dépêché de retourner dans ma chambre. J’avais besoin d’évacuer ma tristesse et ma peur. Je me suis jeté sur mon lit, j’ai enfoui ma tête dans mon oreiller et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps en pressant celui-ci pour étouffer mes sanglots. J’étais en colère et j’avais aussi honte. Honte d’avoir si peur de l’eau et de ne pas pouvoir me comporter comme les jeunes de mon âge. Ne pas pouvoir me mesurer aux amis de Sally, ces petits-bourgeois pathétiques et détestables qui se la pétaient en profitant de la bonne situation de leur famille.

Lorsque je me suis décidé à sortir après avoir séché mes larmes et m’être rincé le visage, ma grand-mère a regardé mon grand-père et moi, et sans un mot, elle nous a fait signe de nous mettre à table. Nous avons dîné silencieusement, malgré leur curiosité de savoir ce qui s’était passé.

*** Alekseï ***

Je l’avais suivi et j’étais là, caché, pour observer la scène. Sacha était entré par la porte d’entrée, s’était changé et était étrangement ressorti, par la fenêtre de sa chambre, pour entrer de nouveau par la porte.

J’étais prêt à retourner chez moi quand la lumière de sa chambre s’est allumée.

Sans pouvoir agir, je suis resté quelques instants à l’épier par la fenêtre entrouverte. Je me sentais impuissant devant sa détresse. Je ne pouvais rien faire de plus que rentrer chez moi.

Cet inconnu avait suscité ma curiosité et éveillé de drôles de sensations en moi. Réduisant à néant les années pendant lesquelles j’avais lutté pour ne rien laisser transparaître concernant mon attirance pour les hommes.

De retour chez moi, dans le silence de la vieille demeure, je me suis déshabillé pour me mettre au lit. Je n’avais même pas le courage de manger le repas apporté par la gouvernante. Je revivais toutes les scènes horribles de cette journée.

Repenser au visage rongé de larmes de Sacha me provoquait encore plus de souffrance. Pourquoi était-il si touchant tel un petit animal pris dans un piège ? À chacune de mes pensées pour lui, mon cœur battait la chamade.

***

Cette nuit-là, après avoir beaucoup pleuré, je suis tombé inopinément dans les bras de Morphée, mais je fus tiré de mon sommeil par la voix et les images d’Alekseï qui tournaient en boucle dans ma mémoire.

Qui était-il ? D’où venait-il avec cet accent ? Pourquoi suis-je resté admiratif devant son corps à moitié nu ? Pourquoi mon cœur se mettait-il à battre à toute vitesse quand je pensais à lui ? Qu’est-ce qu’il m’arrivait ? J’aimais les filles, pourtant !

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