Mercredi 15 juillet 2020
Ce matin, alors qu'elle se rendait en course, Enara aperçu Alekseï qui briquait sa moto.
*** Alekseï ***
— Bonjour, Votre Altesse ! Tu fais ça toi-même ? Tu vas te salir !
— Bonjour, Enara ! C'est un plaisir de se salir quand on adore ce style d'engin. Je ne déléguerai cette tâche à personne. Ma moto est le deuxième grand amour de ma vie.
— J'espère rencontrer un jour ton premier amour, Alekseï !
— J'espère très bientôt, mais rien n'est encore officiel. Vous allez en course ? Je peux vous accompagner ?
— Oh, ne te dérange pas. Je n'ai pas grand-chose à acheter.
— Cela ne me dérange pas, il faut que j'achète de l'huile pour faire mes niveaux et du polish pour la faire briller.
J'ai invité Mamie à prendre place dans ma voiture.
— Tu es sûr de ne pas avoir d'ennui si on te voit en ma compagnie ? Tu fais tes achats toi-même en grande surface ? Tu as bien changé mon grand !
— Vous trouvez ? En bien, j'espère ?
— Oui, évidemment, en bien ! Je me souviens de toi enfant, tu n'étais pas facile à apprivoiser.
— Désolé Enara. Je peux vous l'avouer aujourd'hui, vous êtes comme ma grand-mère. J'étais très malheureux quand j'étais petit. L'amour de mes parents, souvent absents, mes kilos en trop et la barrière de la langue, me rendaient irritable. J'agressais les gens de peur qu'on m'agresse en premier. Après, j'ai grandi, je suis devenu un magnifique jeune homme et je me suis sculpté un corps de rêve.
— Dis donc, tu te jettes des fleurs ! Tu dois avoir les chevilles qui enflent.
— Euh... Non, pas que je sache. Pourquoi vous dites ça ?
— Ne fais pas attention, ce n'est que de l'humour. On dit ça en France quand les gens se complimentent eux-mêmes.
Mais tu n'as pas tort. Tu es devenu un très bel homme, mon grand et je suis contente que Sacha et toi soyez devenus amis. Il ne parle que de toi et de vos sorties alors qu'avant, il passait son temps à pleurer à cause des brimades que tu exerçais à son encontre. Heureusement qu'il avait son amie Sally.
— Sa petite amie !
— Ah bon ? Tu es sûr ?
— Je ne sais pas à dire vrai. Ils sont tellement complices qu'on pourrait douter d'une simple amitié.
— Vu le temps que vous passez ensemble, tu seras vite fixé.
— J'adore être avec lui, on s'entend vraiment bien. Il est adorable et si dési... Si désopilant.
Assurément amoureux et en visite vers la lune, j'ai failli ne pas contrôler mes paroles.
— C'est juste un gamin immature de très bientôt 23 ans ! Non, c'est un ange mon petit-fils. Il est toujours gai et intentionné avec tout le monde.
— C'est bien vrai. Je ne vois pas le temps passer quand je suis avec lui.
J'ai bien entendu « très bientôt 23 ans » ?
— Oui ! Tu ne le savais peut-être pas, mais il les fête samedi.
— Effectivement, je ne le savais pas. Nous n'avons pas eu l'occasion d'aborder ce sujet.
Après avoir fait les courses chacun de leur côté, Enara et Alekseï rentrèrent au château.
— Viens manger avec nous ce midi. Gabriel est en train de faire un barbecue, je le sens d'ici. Il y a tout ce qu'il faut et ta présence fera plaisir à mon petit ange.
À notre petit ange, Mamie !
Sacha allait fêter ses 23 ans et je n'en avais aucune idée. Il fallait que je lui trouve un cadeau, simple, mais qui le fasse penser à moi à chaque fois qu'il le regarderait.
— Bonjour Votre Altesse ! me cria Gabriel en prise avec la fumée provoquée par les gouttes de graisses qui tombaient sur les braises.
— Rentre fiston. Sacha doit être dans sa chambre.
— Merci Gabriel. Appelez-moi si vous avez besoin d'un coup de main avec le barbecue.
Je suis rentré dans la maison, puis dans la chambre de Sacha, dont la porte était ouverte. J'ai su qu'il était sous la douche lorsque j'ai entendu l'eau couler dans la salle de bain. Je me suis décidé à l'attendre en prenant place sur sa chaise de bureau. Tout en pivotant, je contemplais sa déco de plus près.
Il avait accroché ses diplômes, des posters de groupes de rock, des plans d'architecte et des dessins style manga qu'il avait dû réaliser. Sur une petite étagère trônaient quelques coupes et médailles de boxe et d'athlétisme. J'ai aussi découvert son lit avec la couette en boule, traînant à moitié par terre et des vêtements mêlés aux paquets de gâteau vides jonchaient le sol de sa chambre. Digne d'un mec de vingt ans.
Je découvrais une facette peu agréable de l'homme que j'aimais, mais cela m'était égal.
Une bonne dizaine de minutes après mon arrivée, Sacha, simplement couvert d'une petite serviette nouée à la taille, a fait irruption dans la chambre. Sans s'apercevoir de ma présence, car le bureau se trouvait caché derrière la porte, il est passé devant le lit pour le contourner et allait prendre des affaires dans son armoire.
— J'aurais pu te frotter le dos !
Mon pauvre baby a été tellement surpris d'entendre le son de ma voix qu'il sursauta, se prit les pieds dans la couette et bascula sur le lit, perdant au passage, sa serviette. J'ai bondi de ma chaise pour le rattraper et je suis tombé à plein ventre sur lui. Sacha avait les yeux écarquillés de stupéfaction et moi, je ne savais pas comment réagir.
Avais-je seulement envie de me relever ? Je le tenais nu entre mes bras et mes jambes, il était à moi...
— Sacha !
— Alekseï ?
— Oui, qu'est-ce qu'il y a ?
J'ai baissé les yeux vers son thermomètre coincé contre mon bas-ventre pour voir si la température était montée.
— Tu m'écrases ! Dégage !
— Les garçons venaient manger. C'est prêt !, hurla Enara à l'entrée de la maison.
J'ai embrassé le bout de son petit nez et je me suis laissé glisser (frotter) vers l'arrière pour me relever sans lâcher son regard hagard.
***
Salut cher journal !
Il est minuit et demi et je ne trouve pas le sommeil. Il faut que je te raconte ma journée, après qu'Alekseï s'est retrouvé allongé sur moi alors que j'étais nu sur mon lit. J'avoue que je me suis retrouvé dans un état qui tanguait entre la peur, un peu comme dans la douche de l'hôtel et l'envie de plus.
Après que je lui ai dégagé, Alekseï s'est relevé tout en me dévorant intensément des yeux. J'aurais voulu le retenir, mais ma grand-mère nous a vite remis les idées en place en nous hurlant de venir manger. Il s'est assis sur le lit et sans rien dire, je suis allé m'habiller. Mate-moi bien encore une fois !
— Ah, vous voilà enfin ! Qu'est-ce qui vous a pris autant de temps vos Altesses !
— J'étais sous la douche Mamie, désolé !
Enara et Gabriel s'adressèrent un sourire moqueur.
— Votre Majesté, asseyez-vous ici près de moi, et toi, princesse « désirée » assieds-toi en face de lui, près de ta grand-mère.
— Ok, Gabriel ! / Oui, Papy !
Durant le déjeuner, mon prince s'est montré avenant en abordant tous les sujets susceptibles de nous captiver pour nous charmer. Il n'avait pas besoin d'en faire autant, nous étions déjà aux anges de l'avoir à notre table.
Mes grands-parents, tout heureux, lui remplissaient son assiette et se tordaient de rire à la moindre de ses blagues idiotes. Pendant ce temps-là, notre invité débordait toujours plus d'affection et de petites attentions. J'avais l'impression qu'il lisait dans mes pensées, car il me servait ce dont j'avais envie ou besoin, sans même que j'ai à ouvrir la bouche. Sous la table, ses pieds se faufilaient entre les miens pendant qu'au-dessus, ses mains ne manquaient aucune occasion d'effleurer les miennes. Je lui faisais tantôt des sourires, tantôt les gros yeux, mais rien ne le décourageait.
Si mes grands-parents ne comprenaient pas ce qui se tramait entre nous, c'est qu'ils étaient vraiment aveuglés par le sourire de sa Majesté Alekseï.
Vers 14 heures, Alekseï m'a proposé de m'emmener faire un tour à moto. Il est parti se mettre en tenue et est revenu se garer devant chez nous, pour que nous sortions par le portail près de chez mes grands-parents.
J'ai enfilé également un jean et mon blouson. Malgré la chaleur, il valait mieux privilégier la sécurité.
Quand je suis sorti, mon biker se pavanait sur son engin. Mon grand-père gravitait autour, en observant le moindre centimètre carré de sa bruyante monture et s'extasiait de chaque détail. Je me suis approché et j'ai positionné mon casque. Alekseï s'est levé de la selle et a attrapé mes sangles pour les régler.
— C’est bon, je sais le faire tout seul !
— Sacha, arrête de rouspéter contre Alekseï. Il le fait pour ta sécurité.
— Je sais Papy, mais je suis un adulte. Je n'ai pas besoin qu'on me dorlote autant.
Je me suis tourné vers mon motard et je lui ai fait les gros yeux, pour qu'il comprenne qu'il me gênait avec ses gestes. Il m'a souri. Il n'en avait rien à cirer de divulguer ses sentiments devant mes grands-parents.
*** Alekseï ***
J'ai emprunté les petites routes de campagne pour que Sacha puisse admirer le paysage verdoyant et les champs de coquelicots que je trouvais splendides. Dans mes rétros, je le voyais tourner la tête de gauche à droite pour ne pas rater une miette du spectacle qui s'offrait à lui. Il souriait comme un enfant à Eurodisney, ne sachant pas où donner de la tête.
À l'entrée d'un village, je suis tombé sur un panneau qui annonçait une brocante. Je me suis approché le plus possible des barrières qui barraient la route aux véhicules et je me suis garé.
— Pourquoi, on s'arrête ici ?
— Je ne savais pas trop où aller. Ça te dit de te balader à travers les exposants ? On découvrira peut-être un trésor parmi toutes ses vieilleries.
— Au moins, on est sûr que personne ne te reconnaîtra ici !
— Right, baby ! Mais j'ai quand même prévu les casquettes et les lunettes de soleil pour passer incognito.
Nous avons rangé nos blousons dans les sacoches, attaché nos casques et nous avons franchi les barrières. Comme sur toute brocante digne de ce nom, il y avait beaucoup de trucs rouillés, incomplets et toutes sortes de babioles dont les gens voulaient se débarrasser. Au milieu de tout cela, nous avons découvert quelques vrais brocanteurs, vendant du mobilier ancien, des vendeurs de sandwichs, de bonbons et de barbe à papa. Il fallait toucher toutes les tranches d'âge.
— Hum, ça sent trop bon les barbes à papa.
— Tu en veux une rose, ma princesse ? lui ai-je murmuré.
— Va te faire voir, j'en veux pas ! Je disais juste que ça sentait bon.
— Allez, viens ! J'en prends une aussi, j'adore ça.
Tout en nous délectant de nos nuages roses, de diabète stade 4, nous nous faufilions à travers la foule, jouant du coude avec les badauds.
Au détour d'un étal, j'ai aperçu une petite dame qui vendait des bracelets en cuir tressé avec une plaquette à graver, mais il fallait que j'éloigne mon petit ange quelques instants.
— Sacha, prends ce qu'il me reste de monnaie et va nous chercher des canettes, je meurs de soif.
— Ben, tu ne viens pas avec moi ?
— Je dois retourner à la moto, j'ai oublié mon portefeuille dans mon blouson et je commence à avoir un creux.
— Pas besoin d'y aller, j'ai du liquide sur moi.
Il fallait que je me montre plus persuasif, si je voulais lui échapper.
— Euh... J'ai repéré un truc hors de prix. Tu sais bien que je suis un petit-bourgeois aux goûts de luxe !
— Ouais ! Ça ne m'étonne pas. Fais comme tu veux. Je t'attends à la buvette, dépêche-toi !
J'ai parcouru une dizaine de mètres pour être sûr qu'il ne me voit plus et j'ai rebroussé chemin jusqu'au stand pour acheter deux bracelets sans gravure, car j'avais une idée en tête.
— Coucou Baby, je suis déjà revenu ! Tu vois, j'ai fait vite.
— Arrête de m'appeler « baby » à tout bout de champ et en public.
— Pourquoi tu t'offenses autant ? Personne ne nous connaît et ils ne nous reverront plus.
— Mais on n'est pas en couple, alors cesse tes enfantillages, Monsieur le Prince !
— Bien, Cher Ami ! Allons déguster un délicieux kebab, ils en vendent en face du bar. Ça creuse la moto !
Oubliant sa réflexion comme quoi, nous n'étions pas en couple, j'ai passé mon bras autour de son cou.
— Alekseï ! Tu me cherches ? Tu ne veux pas m'embrasser aussi ?
— C'est vrai, je peux ?
— Bien sûr que non ! Me répondit-il en m'assenant un coup de poing dans le ventre.
Nous avons acheté nos sandwichs et nous sommes allés les déguster sur un banc, à l'ombre des arbres qui longeaient un cours d'eau où des cygnes se baignaient.
— On est bien là ! C'est romantique, tu ne trouves pas ?
Pensif, il acquiesça en souriant puis me fixa.
— J'ai beau te dire d'arrêter, tu insistes à me draguer ! Soit, je baisse les bras, mais n'abuse pas.
— Et j'ai le droit d'aller jusqu'où ?
— Jusqu'à ce que tu tombes sur mon poing !
Vers 17 heures, j'ai reçu un appel de mon père qui voulait que je le retrouve à la société. Nous avons repris la route, j'ai déposé mon petit ange devant la grille du château et j'ai rejoint mon père après avoir fait graver nos bracelets dans une petite bijouterie.
***
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