Lundi 20 juillet 2020
Salut mon pote le journal !
J'ai dormi comme un loir jusqu'à dix heures, c'est Mamie qui m'a sorti de mes songes en tambourinant à la porte de ma chambre.
Je suis descendu déjeuner pendant qu'elle rangeait des légumes frais, achetés au marché du coin, dans le frigo.
— Raconte-moi un peu ta soirée ! Tu passes beaucoup de temps avec notre prince. Vous vous entendez bien ? Mieux que quand vous étiez enfant et qu'il passait ses vacances ici ?
— C'est bizarre, je n'ai aucun souvenir de lui.
— Il a beaucoup changé, mon chéri !
— Quand il était jeune, il était un peu enrobé. Cela l'avait rendu triste et agressif. Il ne sortait que très peu des murs du château. À l'époque, il ne parlait pas le français, ce qui était très contraignant pour toi qui essayais de jouer avec lui. Souvent, tu rentrais avec les genoux ou les coudes écorchés, car il t'avait repoussé. Je suis heureuse de voir votre entente aujourd'hui. Il est complètement métamorphosé et magnifique.
— Oui, il est superbe !
— Superbe ? À ce point ?
— Je veux dire super sympa ! Hier soir, il nous a offert les pizzas. Son pote Aroon est chanteur et musicien d'origine thaïlandaise et il est marié à une Coréenne, star de la K-pop.
— Je l'ai aperçu près de la piscine, j'ai cru que c'était une amie d'Alekseï.
— Non, c'est un mec, je t'assure ! On dirait une nana de dos, mais il est musclé et en plus, il a un énorme dragon noir tatoué dans le dos. C'est quelqu'un de super drôle et très simple pour une star.
Je te ferai écouter ses chansons tout à l'heure. Là, je vais rejoindre Papy qui doit réparer le toit de l'abri de jardin où il entrepose ses outils de jardinage.
Aux alentours de 18 heures, j'ai entendu le bruyant destrier de mon prince charmant franchir le portail. J'ai prévenu mon grand-père que je rentrais, j'ai cueilli deux roses rouges au passage et je suis allé en offrir une à Mamie qui préparait le dîner.
— Pour qui est la seconde, garnement ! me demanda-t-elle en souriant.
— Je compte l'offrir à Alekseï pour le remercier pour hier.
— Hum ! C'est mignon.
Je me suis empressé de prendre une douche, de m'habiller et je me suis sauvé chez lui.
Après avoir toqué à trois reprises, il est venu m'ouvrir en serviette de bain, me dévoilant une fois de plus son splendide corps musclé. Je ne savais pas si c'était la chaleur de cette soirée ou de savoir qu'il était nu, sous son petit bout de tissu, mais j'ai ressenti des bouffées de chaleur m'envahir. Il m'a souri et m'a fait entrer.
— Tiens un petit cadeau de remerciement !
— Je préfère ce genre de remerciements !
Il a placé la rose rouge entre ses dents et m'a empoigné par les épaules. Tout en me guidant, il m'a fait reculer et m'a basculé sur son canapé. Il a ensuite posé la rose sur la table basse et s'est allongé sur moi, en passant ses mains baladeuses, sous mon débardeur. Sa bouche vorace entreprit une dégustation de mon cou et de mes épaules, pendant que je lui labourais le dos de mes doigts excités.
Quand je me suis rendu compte que sa serviette avait glissé, qu'il était nu comme un ver et qu'il bandait, je l'ai éjecté violemment de peur qu'il n'envisage d'aller plus loin. Je ne me sentais pas encore prêt à franchir ce cap, même si mon corps et mon âme étaient en effervescence.
— Je suis désolé Alekseï, je ne voulais pas te repousser de la sorte, mais... Pas pour l'instant. Je ne suis pas prêt !
Je me suis relevé pour fuir.
— Il n'y a pas de mal, baby ! Je comprends et je suis prêt à t'attendre aussi longtemps qu'il le faille. Ne pars pas si vite ! S'il te plaît, reste encore un peu. Je veux juste te serrer dans mes bras.
Je me suis rassis.
Il s'est mis à genoux entre mes jambes et a ceinturé ma taille de ses bras, en posant sa bouche dans mon cou. J'ai alors passé mes bras autour de son cou.
— Thank you, my baby !
J'ai chopé sa serviette qui traînait au sol et je lui ai jeté sur la tête.
— Good night, beautiful man ! Bye bye !
Sur ces mots et ne lui donnant pas le temps de réagir, je me suis de nouveau enfui, tel Cendrillon quittant le bal au douzième coup de minuit.
J'aurais dû faire de la course plutôt que de la boxe, car j'excellais dans l'art de la fuite.
De retour dans ma piaule, je me suis jeté sur mon lit avec cet énorme sourire qui ne me quittait plus. J'étais trop content d'avoir laissé Alekseï, à poil, bouche ouverte et à genoux, au milieu du salon. Petite vengeance pour les fois où il m'a mis mal à l'aise.
Bien vite, un SMS de Sally me sortit de mes images sensuelles pour me rediriger vers des images effroyables de ma soirée d'anniversaire : « Salut bébé, donne-moi de tes news ! Tu vas bien ? ». J'avoue que j'aurais préféré oublier cet incident et le sentiment d'impuissance que j'avais ressenti, mais tout garder pour moi et pour toi, Cher Journal, ne m'aurait pas aidé à évacuer mon mal-être. Il fallait absolument que j'en parle à Sally et que je la prévienne du comportement du frère de son amie Marjorie.
— Allô, ma rouquine !
— Salut bébé ! Pourquoi tu ne me rappelles pas ? Tu ne sais pas à quel point j'étais inquiète !
— Désolé, j'avais plus envie d'oublier cette fin de soirée que de la raconter à quelqu'un.
— Quelqu'un ? C'est tout ce que je suis pour toi ? Alekseï a déjà remplacé nos 15 ans d'amitié ?
— Oh, t'énerves pas, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.
— J'essaye de te joindre depuis hier et tu ne réponds pas. Je m'en veux de m'être soulée samedi et de ne pas avoir pu t'aider.
— Qui t'a dit qu'il m'était arrivé quelque chose ? C'est Alekseï.
— Oui et non. Alekseï l'a dit Neal, mais j'avais tellement bu que je ne l'ai eu au téléphone qu'hier midi.
Sarah m'a dit que le frère de Marjorie t'avait agressé dans les toilettes et qu'il a été arrêté.
— Ouais, c'est ça ! J'avais un coup dans le nez et je déprimais de n'avoir pas invité Alekseï. Quand tu as voulu que je te rejoigne sur la piste de danse, je me suis éclipsé pour aller aux WC et dans une salle privée, j'ai aperçu, tu sais qui ? Ben, Alekseï bien sûr ! Il était avec des mecs en costard et dansait à moitié débraillé. Comme s'il avait un sixième sens, il a tourné la tête dans ma direction et je me suis enfui avec l'attention de me planquer aux chiottes.
Je suis rentré dans le premier qui s'est présenté, mais je n'ai pas eu le temps de refermer la porte que Lorens a fait irruption derrière moi, a plaqué sa main sur ma bouche et m'a collé au mur. Il passait ses mains sur moi...
Sacha se mit à pleurer.
J'te jure Sally, j'ai cru qu'il allait me violer ou me tuer. Il avait beaucoup trop bu pendant la soirée. Tu aurais vu son regard de psychopathe.
— Désolé bébé... Je ne l'avais jamais vu, mais connaissant un peu Marjo, j'ai cru qu'il était cool.
Il t'a fait du mal ?
— Non. Alekseï m'avait suivi. Il a défoncé la porte et a projeté ce connard dans le mur avant qu'il ne fasse quoi que ce soit.
Il m'a sorti de là, mais j'ai oublié tout le reste. J'ai dû m'évanouir.
— Je sais que j'ai repris connaissance dans un hôtel le lendemain.
— C'est peut-être l'alcool et le stress qui t'ont fait perdre la mémoire. Tant mieux, oublie ce connard. Il faut que tu portes plainte mon cœur !
— C'est fait ! Alekseï m'y a conduit dès le lendemain. Quand je l'ai vu derrière la vitre sans tain, j'ai pété un câble et je l'ai menacé de le tuer si je le recroisais.
— Je t'affirme que si ton prince ou moi, on le croise, il va aussi passer un mauvais quart d'heure. Tu n'as rien d'autre à me raconter ?
Comme je n'avais pu lui exposer que notre week-end au Tréport, je lui ai énuméré toutes nos mésaventures des jours qui ont suivi : feux d'artifice à moto, brocante et notre baiser quand je suis tombé sur lui après le cours de natation.
— Quoi ? Vous vous êtes embrassés avec la langue ? T'es gay ? Oh putain !
— Arrête, c'était un accident, je t'ai dit que j'étais tombé.
— Un accident ? Ouais ! Tu fais un bisou et tu te relèves aussitôt, mais là, tu lui as roulé une pelle. Ce n'est plus un accident ! Elle riait.
J'ai terminé par mon après-midi à la piscine avec le bel Aroon Suwan.
— Aroon Suwan ? Un chanteur thaïlandais ? Je connais un Éliot Suwan, mais pas de « Aroon Suwan ».
— Oui, c'est ça son nom de scène, Éliot Suwan. Tu le connais ?
— Oui, j'adore ses chansons. Je l'ai découvert grâce à une bande-son sur un BL thaï.
— Il est sympa ? Il parle français ou anglais ?
— Oui, il est adorable dans tous les sens du terme. Tu ne vas pas me croire, il parle très bien le français, car il vit à Paris avec sa femme quand ils ne sont pas en concert.
— Sa femme ? Il n'est pas gay ? J'aurais cru pourtant.
— Ton gaydar fonctionne ma rouquine. Il est bi apparemment. Ils ont même une petite fille de quelques mois.
— Oh ! So cute ! Et tu as vu son dragon de près ?
— De très près même ! lui ai-je rétorqué en rigolant. Il est trop beau en vrai, un missile ce gars. J'étais trop jaloux de le voir à la piscine avec Alekseï. C'est d'ailleurs pour cette raison que je les ai rejoints.
— Je ne suis pas surprise, vu comment tu détestes te baigner, il devait y avoir un bon motif pour que tu te laisses tenter. Tu as pu surveiller ton amoureux et mater mon bel Éliot ! Salope ! Tu ne nies plus ta gay attitude ?
— Non, après nos premiers câlins, je ne doute plus du tout.
— Vous avez fait l'amour ? Jure !
— Je t'ai dit, câlins ! Pourquoi tu penses direct qu'on a baisé ?
— Putain, mais laisse-toi tenter ! Qu'est-ce que tu attends ? Moi, perso, je n'aurais pas attendu le déluge. Il est trop craquant et bâti comme un dieu. Vas-y, fonce mon cœur !
— Ouais, on verra. Tu crois que c'est facile, toi ! On y était presque tout à l'heure, mais je l'ai repoussé et j'me suis sauvé.
— Idiot ! Tu viendras chialer quand il ne s'intéressera plus à toi !
— S'il lâche l'affaire aussi vite, c'est qu'il ne m'aime pas autant qu'il me le démontre. Je n'ai pas juste envie d'un plan cul. C'est sérieux ! Je ne me sens pas prêt à faire mon coming out aussi facilement. Tu ne peux pas comprendre.
— Mais si, mon cœur, je te comprends. Prends ton temps, tu as raison. On se voit ou on s'appelle bientôt, ok ? Je suis naze. J'ai eu des clientes très chiantes aujourd'hui.
— Fais de beaux rêves ma rouquine. Bisous !
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