Dimanche 26 juillet 2020
Journal,
À mon réveil, j'ai été étonné d'être allongé sur le parquet de ma chambre. J'ai aussitôt compris que j'avais fait un malaise en préparant ma valise.
Avant d'avaler un petit-déjeuner ou de prendre une douche, je me suis installé sur l'ordinateur de mes grands-parents pour réserver un billet de train en ligne. Fuir à Dieppe, chez Hélène, la sœur de ma mère, était la solution la plus sensée, avant d'envisager de repartir aux USA. Elle ne serait pas surprise de me voir débarquer. Elle savait que je devais passer quelques jours chez elle pendant mes vacances. J'avais l'intention de la prévenir de ma venue dès que j'aurais pris place dans mon wagon.
À l'extérieur, la pluie tombait aussi abondamment que les larmes remplissaient mon cœur.
J'avais prévu de me rendre à la gare en bus, mais étant donné qu'on était dimanche, ils étaient moins nombreux. Pour couronner le tout, il y en avait un qui venait de me passer sous le nez au moment même où je m'approchais de l'arrêt. J'allais devoir attendre le prochain trois-quarts d'heure. Heureusement, que j'avais une heure et demie devant moi, pour monter dans mon train.
Faire des adieux à mon prince était impensable, il valait mieux que ça en reste là. Après quelques larmes, il se ferait une raison et finirait par m'oublier. Il reprendrait le droit chemin, imposé par ses parents et toute cette clique de snobinards, et se trouverait une fiancée, digne de son nom et de son rang, qui lui donnerait de beaux bébés. Ce n'était pas la peine de nous dresser contre des montagnes. Je n'étais qu'un petit pion sur un échiquier, pouvant être vite écarté.
Chez la tante de Gabriel, Enara réunit des affaires qu'elle devait lui déposer à l'hôpital et rangea un peu la maison. Quelle ne fut pas sa surprise en recevant le SMS de réservation du billet sur son téléphone.
Dans son empressement, Sacha omit ce détail. Il pensa à changer l'adresse mail pour recevoir son billet, mais pas à changer le numéro de téléphone pour la confirmation.
Enara monta l'escalier à toute vitesse.
— Gabriel, il se passe quelque chose ! Sacha a réservé un billet de train pour se rendre chez Hélène !
— Et ? Il nous avait dit qu'il irait passer quelques jours chez elle. Qu'est-ce qui t'inquiète ?
— Je suis bien d'accord avec toi, mais ce qui me surprend, c'est qu'il ne nous prévienne pas et qu'il réserve un billet pour aujourd'hui à 10 h 30. Il ne sait pas qu'elle n'habite plus à Dieppe et qu'elle a changé de numéro de portable, suite aux menaces physiques de son ex-mari. Tu comprends mon inquiétude ? Il faut que quelqu'un l'arrête !
— Ne panique pas maman, essaye de l'appeler !
— « Le numéro que vous demandez n'est pas joignable pour le moment, veuillez... »
— Je tombe sur le répondeur Gabriel.
— Essaye encore, il doit être occupé où il n'a pas entendu sa sonnerie.
— J'ai rappelé, mais c'est toujours ce maudit répondeur. Je vais téléphoner au château.
— Allô ! Bonjour, c'est la concierge, Madame Morison. Est-ce que Son Altesse le Prince est joignable ? C'est très important.
— Oui, Madame, il est dans sa chambre, je transmets l'appel... Madame, j'essaye de le joindre, mais comme le bal s'est fini tard, il doit encore dormir.
— Passez-le-moi, vite, je vous en supplie ! C'est vraiment urgent !
Elle entendit enfin une voix masculine essayée de marmonner quelque chose d'inaudible.
— Alekseï ? Excuse-moi de t'importuner, c'est Enara. Sais-tu où est Sacha en ce moment ? Est-il arrivé quelque chose pendant notre absence ou hier au bal ?
*** Alekseï ***
À l'autre bout du fil, Alekseï est devenu tout blême.
— Non, pas que je sache. Nous avons dansé et il a passé la soirée avec Sally. Quand on s'est quitté, il semblait heureux. Ils ont dû repartir chez elle.
— Je n'ai pas le numéro de Sally. Peux-tu la contacter et me rappeler ?
— Oui, Enara. À tout de suite.
J'ai essayé de téléphoner à Sacha à plusieurs reprises, mais en vain, son portable paraissait éteint. J'ai donc appelé Sally.
— Allô ! Dis-moi que tu es avec Sacha !
— Alekseï ? Non, il n'est pas rentré chez moi hier soir ! Après qu'il soit revenu du jardin, on est allé se servir au buffet, mais il est allé aux toilettes avant et je ne l'ai plus revu. J'ai juste reçu un SMS comme quoi, il était fatigué et qu'il dormirait chez ses grands-parents.
Au fait, ils sont absents, ils ne sont censés rentrer que demain.
— Ok, je vais aller voir chez eux.
Je me suis empressé d'envoyer un SMS à Enara pour la prévenir que je me rendais chez elle : « Mme. Sally dit que Sacha a dormi chez vous. Je vais voir. »
J'ai enfilé mes baskets et j'ai couru chez Mr et Mme Morison.
— Sacha ! Baby ! ai-je crié en tambourinant à la porte.
Ne percevant aucune réponse de sa part, j'ai cliché la poignée de la porte. Celle-ci n'était pas fermée à clef. Je suis entré et j'ai réitéré mes appels en me rendant dans la chambre de Sacha. Ensuite, j'ai entrepris de fouiller à la hâte toutes les pièces de la maison, sans succès. Il était introuvable.
J'étais sur le point de ressortir quand je me suis rendu compte qu'il y avait une lettre adressée à Papy et à Mamie et une petite enveloppe marquée « Honey » sur la table de cuisine. J'ai d'abord jeté un œil au mot des grands-parents : « Papy, Mamie, je suis parti en train chez tata Hélène. J'avais trop besoin de me vider la tête. Je vous appelle dès que j'arrive, ne vous inquiétez pas. Gros bisous, votre petit-fils qui vous adore. »
La gorge d'Alekseï se serra. Les questions fusèrent dans sa tête.
— Pourquoi était-il parti ? Il n'a pas confiance en moi ? Je lui ai dit d'être patient !
À toute hâte, j'ai ouvert l'enveloppe qui m'était destinée : « Alekseï, comme je te l'ai dit hier, il faut qu'on mette fin à notre amourette d'été. Ça ne mènera jamais à rien. J'ai eu la chance de te rencontrer. Tu es une personne formidable, mais nos vies et notre amour ne sont pas compatibles avec ton statut. Nous n'avons aucun avenir ensemble. Oublie-moi. Je te souhaite une belle vie. Avec toute ma tendresse. Ton ami pour la vie. Sacha. »
Alekseï s'écroula sur le sol.
— NO ! You can't leave me alone ! SACHAAA !
Il fallait qu'il se ressaisisse. Malgré ses larmes et ses sanglots, il appela Enara qui lui répondit aussitôt.
— MMa... madame, Sacha n'est nulle part... Il vous a laissé un mot... Il est parti chez sa tante Hélène... Il est parti... Sans me dire au revoir.
— Votre Altesse... Pourquoi te mets-tu dans cet état ? Il va revenir, ne t'inquiète pas ! Pourquoi pleures-tu autant ?
— No... Non !
Il fallait que je me retienne de pleurer pour ne pas alarmer plus Enara.
Je ne pleure pas, mais... S'il lui arrive quoi que ce soit...
— Alekseï, calme-toi ! Nous avons besoin de toi, c'est urgent. Sacha est parti sans nous en parler et le souci, c'est que sa tante a déménagé et a changé de numéro. Il n'est pas au courant. Essayez de le rattraper. Son train est à 10 h 30.
— Ok ! Je me dépêche, Enara ! Je vous appelle dès que je le trouve.
Alekseï raccrocha aussitôt et se précipita tel un dératé sous la pluie battante jusqu'à sa maison. Il enfila un blouson, prit son casque et les clefs de sa moto et courut au garage.
Sur les marches du château, le majordome m'attendait. Il avait dû m'entendre hurler dans le jardin.
— Votre Altesse ?
— Je n'ai pas le temps !
— Votre Altesse... C'est à propos de votre mère et de la demoiselle du jardin.
— Quoi ? Dépêchez-vous ! Je n'ai pas le temps !
— Madame a eu une violente altercation avec Mademoiselle ! D'après les bruits que j'ai entendus à travers la porte, elle a beaucoup pleuré et j'ai l'impression que Madame l'a frappée. Madame a été aussi très menaçante envers elle et ses grands-parents. Je n'ai pas tout bien saisi. Je n'ai pas pu m'interposer, Votre Altesse. Je suis un homme pitoyable !
Alekseï se hâta. Il mit son casque et enfourcha son Harley. Le portail s'ouvrit à peine qu'il passât de justesse et fonça jusqu'à la gare pour arrêter Sacha.
***
J'étais trempé, en larmes et épuisé, mais enfin installé dans le bus.
Mon tendre amour... Je ne sais pas si nous allons réussir à vite nous oublier et ce que nous réserve l'avenir, mais c'était la meilleure chose à faire. Nous ne pouvons pas lutter.
Subitement, le bus s'arrêta et nous entendîmes la voix d'un homme qui discutait avec le chauffeur par la vitre ouverte.
— Mesdames et Messieurs, je vous signale qu'il y a eu un accident au carrefour et que nous allons devoir ralentir notre allure pour suivre les directives de la police. Merci de votre compréhension.
Imitant les passagers du bus, j'ai regardé par la vitre en essayant de percevoir, à travers la pluie incessante, ce qui s'était passé.
— Non ! ai-je hurlé. Arrêtez le bus ! Je dois descendre. Arrêtez le bus !
J'avais reconnu la moto d'Alekseï couchée sur le sol et son casque noir avec des dessins de flammes. J'étais sûr que c'était lui qui avait eu l'accident. Tout mon corps me disait que c'était lui.
— Putain ! Tu vas l'arrêter ton bus de merde ! C'est mon fiancé bordel ! Laisse-moi descendre !
Des passagers ont crié et ont menacé du poing le chauffeur pour qu'il stoppe le bus et jusqu'à ce qu'il ouvre les portes. J'ai laissé ma valise et je me suis précipité à l'extérieur.
Sous la pluie battante, je cherchais Alekseï des yeux en arpentant la rue. Je ne voyais que sa moto en pièce, son casque et des traînées de sang, que la pluie effaçait petit à petit, comme si cet accident n'était qu'un cauchemar.
J'ai couru jusqu'à un groupe de policiers pour demander l'identité de la victime.
— Monsieur, veuillez remonter dans le bus et continuer votre chemin. Circulez. Vous mettez votre vie en danger en restant ici !
— Je vous en supplie, dites-moi juste si c'est Alekseï Ivanov. Je vous en supplie ! Si c'est lui, c'est mon fiancé ! (sans réfléchir aux conséquences.)
Je me suis écroulé à genoux à leurs pieds.
— Oh merde ! Désolé monsieur, mais d'après ses papiers d'identité, effectivement, c'est bien cette personne. Je suis sincèrement navré !
— Il est où ?
— Il a été pris en charge par l'ambulance derrière notre véhicule qui est là ! Tiens, elle part !
— Savez-vous s'il est vivant ?
— Oui, il l'était lorsque nous sommes arrivés. Il a dû glisser en voulant s'arrêter au feu rouge et il a dérapé. Ce style de bécane est instable sous la pluie.
— Je vous en supplie, emmenez-moi à l'hôpital ! Je ne veux pas qu'il meure ! Pitié ! Je l'aime !
Les policiers furent touchés par mes paroles et acceptèrent de m'escorter toutes sirènes hurlantes jusqu'à l'hôpital. Dans la voiture, je pleurais et je me disais que je ne le reverrais plus jamais et que tout était ma faute. Les policiers essayaient de me distraire en me posant des questions.
L'un d'eux, environ de l'âge de mon père, m'a dit que son fils avait fait son coming out un an auparavant. Il comprenait notre situation, car lui et sa femme avaient eu beaucoup de mal à accepter l'homosexualité de leur fils. Ils s'étaient résolus à l'accepter après qu'un ami leur ait dit que l'amour n'avait pas de sexe et que le principal était d'être heureux et de s'aimer !
En dépit de toutes leurs bonnes intentions, mon cœur était en mille morceaux. Je revoyais en boucle les images de la moto, le casque et les traces de sang.
Quand la voiture de police s'est garée devant l'hôpital, je suis sorti à toute vitesse et j'ai couru derrière le brancard qui transportait Alekseï.
— Honey ! Honey ! Je suis là mon amour.
Je ne contrôlais ni mes larmes ni mes cris. J'ai alors attrapé une urgentiste qui les suivait.
— S'il vous plaît, comment va-t-il ? Il est vivant ? Pitié, dites-moi qu'il va survivre.
— Monsieur ? Vous êtes de la famille ?
— Je suis son fiancé.
— Monsieur, votre fiancé est en vie, mais son pronostic vital est engagé. Il vous faudra patienter un peu en attendant le rapport des médecins qui vont l'examiner et prendre soin de lui.
Elle avait les yeux embués de larmes.
J'ai continué à les suivre jusque dans le hall, puis ils ont passé les portes des urgences, interdites au public. Je ne pouvais pas y pénétrer. Je pleurais comme un fou avec des sanglots qui m'empêchaient de reprendre ma respiration. Je ne voulais pas le perdre ainsi.
À l'accueil, une jeune infirmière, sûrement bouleversée par mon état de détresse, m'a appelée pour que je vienne vers elle.
— Monsieur, laissez-moi votre numéro de portable. Dès que nous en savons davantage, je vous contacte. En attendant, essayez de vous reposer un peu.
Derrière moi, j'ai entendu un policier dire à ses collègues de rentrer, qu'il avait fini son service et qu'il resterait avec moi. C'était celui avec qui j'avais bien sympathisé.
À moitié conscient, je me suis jeté dans ses bras.
— Papa ! ... Aide-le... Ne le laisse pas mourir ! S'il te plaît, il ne doit pas mourir ! Je l'aime ! Je veux partir à sa place !
Transi de froid, je sentis mes forces me quitter petit à petit et subitement, ce fut le trou noir.
L'homme agrippa Sacha et sur les conseils des infirmières, il le transporta dans une des chambres des urgences où elles le prirent immédiatement en charge.
Le chagrin ayant eu raison de lui, il s'évanouit.
— Pauvre gamin ! Regardez-moi ça dans l'état qu'il s'est mis. Il doit vraiment l'aimer son chéri !
— Tout à l'heure, il disait qu'il voulait mourir à sa place ! C'est bouleversant.
— Ses constantes sont bonnes malgré son état végétatif. Laissons-le se reposer.
Le policier était également bouleversé de voir ce pauvre gamin dans cet état. Il s'imaginait que cet enfant aurait pu être son fils. En attendant des nouvelles d'Alekseï et Sacha, il sortit appeler son épouse et son fils afin de la rassurer de ne pas être rentré après son service.
Sentant une présence près de moi, j'ai ouvert les yeux vers le plafond. J'étais allongé dans une chambre aux murs blancs, comme dans un hôpital. Un homme habillé en noir se tenait près de moi. J'ai tourné mon regard vers lui et à mon grand étonnement, j'ai reconnu mon chéri qui me regardait avec son doux sourire. Je l'ai trouvé incroyablement lumineux. Il dégageait une aura qui le faisait ressembler à un ange.
Immédiatement, l'accident me revint à l'esprit.
— Honey, c'est toi ? C'est vraiment toi ! Tu es debout ?
Il mit quelques minutes à me répondre, mais continua à me sourire.
— Baby, je vais bien. Je ne t'abandonnerai pas ici. Fais-moi confiance ! Je te le demande encore une fois, si tu m'aimes, crois en moi !
Ensuite, il s'est dirigé vers l'entrée de ma chambre et sans ouvrir la porte, il s'est volatilisé.
Ok ! J'ai halluciné ! Mais allait-il réellement bien comme il me l'avait certifié ?
... Ah ! J'ai trop mal ! Je ressentais des décharges électriques dans ma poitrine. Quelqu'un essayait de me tuer ou quoi ? J'ai forcé pour ouvrir les yeux.
Autour de moi, j'ai vu un homme et deux femmes habillés de blouses blanches avec des masques chirurgicaux sur le visage.
— Vous m'entendez, Sacha ? Vous êtes avec nous ?
Cette fois, j'étais absolument réveillé. Je pouvais sentir l'odeur des désinfectants qu'on utilise dans les hôpitaux et entendre le bruit des patients, non loin de moi, dans le couloir des urgences. Contrairement à mon précédent réveil où il n'y avait ni bruit ni odeur.
Est-ce que mon prince m'était apparu pour me transmettre un message et me rassurer ou était-il parti pour toujours ?
— Ben dite donc jeune homme, vous nous avez fait une belle frayeur ! Vous vouliez des nouvelles de votre chéri, mais vous avez décidé de faire une petite sieste ?
La jeune infirmière de l'accueil se tenait à mon chevet et me souriait en blaguant.
— Vous avez des nouvelles de mon fiancé ? Comment va-t-il ? Il est sauvé ? Il va vivre ?
Je l'ai mitraillé de questions sans même attendre une seule réponse. J'étais de nouveau en état de panique totale. Mon corps tremblait de tout son long.
— Alors, vous allez être mignon et vous calmer le temps que je vous explique, sinon... Elle m'a fait un signe de fessée avec sa main comme le font les mamans !
Votre fiancé est sorti d'affaire pour l'instant. Son état est sous contrôle. Pendant sa chute, sa tête a heurté le sol et il a eu une commotion cérébrale avec un petit œdème. Les chirurgiens ont traité l'œdème dès son arrivée. Il a aussi deux fractures, une au bras droit et l'autre à la jambe droite. Il a été soigné et plâtré.
Il va falloir être patient et prier pour qu'il se réveille le plus vite possible, sinon nous allons finir par vous avoir tous les deux alités. Elle éclata de rire, fière de sa bêtise.
J'étais légèrement rassuré, je désespérais le voir.
Lorsque l'infirmière est sortie, j'ai aperçu mon papa-policier dans le couloir. Il agita la main pour me saluer.
Cet homme brun, à la brosse militaire, parfaitement plate comme une piste d'atterrissage, me faisait penser à mon père avec son embonpoint et à mon homme par sa taille et sa carrure. Son sourire bienveillant et paternel me réconforta. Encore présent, il ne m'avait pas abandonné à mon triste sort.
J'ai aussitôt demandé à l'infirmière qu'elle le fasse entrer. Il fallait que je le remercie de m'avoir soutenu et d'attendre des nouvelles de nos rétablissements alors qu'on ne se connaissait même pas.
— Ça y est, vous êtes enfin réveillé et vous avez eu des nouvelles de votre petit ami ? Vous êtes un peu moins stressé ?
Je ne me suis pas présenté, je m'appelle Christophe HUPPIN.
Nous avons un peu discuté. Il m'a dit qu'il avait téléphoné à son fils pour lui dire qu'il l'aimait et qu'il avait également appelé son épouse pour lui raconter mon histoire et la prévenir qu'il resterait encore un peu avec moi.
Nous avons déverrouillé votre portable et celui d'Alekseï. Nous y sommes parvenus en utilisant vos empreintes respectives. J'ai donc contacté vos grands-parents qui devraient arriver d'une minute à l'autre et ses parents.
Un prince en plus ! Vous ne faites pas les choses à moitié mon garçon, bravo !
Voulez-vous aller voir votre moitié ? Les infirmières m'ont dit que je pouvais vous y emmener, en fauteuil roulant, que ça aidait souvent les patients à se réveiller.
Après l'avoir laissé finir, j'ai crié :
— Oui ! Oui ! Ne roulez pas trop vite, je ne veux pas perdre de points sur mon permis fauteuil !
Et j'ai rigolé.
En pénétrant dans cette chambre, j'ai fondu en larmes devant son corps inanimé, étendu sur le lit. Un silence étouffant régnait dans la pièce. On n'entendait que le bruit de la ventilation artificielle et des bips qui me semblait provenir du moniteur de contrôle du rythme cardiaque. Alekseï avait des fils branchés de partout, une sonde lui descendait dans la trachée, un bandage lui entourait la tête, sûrement suite à l'opération et il était plâtré comme l'infirmière me l'avait dit.
Christophe me poussa jusqu'à son chevet.
J'ai immédiatement saisi sa main puis je me suis levé pour déposer un baiser sur son front.
— Tu m'as manqué mon amour.
Se doutant que j'allais encore verser des larmes, Christophe quitta la chambre pour nous laisser un peu d'intimité.
— Je vais patienter dans le couloir. Je ne te l'ai pas dit, mais ma fille, Laura, est infirmière ici. Elle va venir me rejoindre après son service. À tout à l'heure, Sacha.
J'ai repris place dans le fauteuil roulant et j'ai pleuré sur nos mains enlacées. Celle de mon prince était pâle comme son teint et un peu froide, à l'inverse de d'habitude. J'avais l'horrible impression qu'il était mort, contrairement à ce qu'indiquait son rythme cardiaque.
— Reviens-moi, mon cœur. Je regrette d'être parti en t'abandonnant. Réveille-toi Honey, je t'en supplie ! Mon amour, j'ai besoin de toi dans ma vie.
Nous ne sommes pas restés seuls dix minutes que son père et sa mère ont fait irruption dans sa chambre. Son visage s'est décomposé lorsqu'elle me vit. Elle m'a jeté un regard noir.
— Vous vous foutez vraiment de nous ! Jamais vous ne prenez en considération ce qu'on vous ordonne ? Foutez-moi le camp, espèce de sale petit...
— Svetlana, stop now ! Shut up ! Nous sommes dans un hôpital et Alekseï n'a sûrement pas besoin de tes accès de colère !
Le roi s'adressa à moi avec plus de gentillesse et de tact.
— Jeune homme, nous vous serions reconnaissants de nous laisser un peu d'intimité avec notre fils. Vos grands-parents sont dans le couloir et sont impatients de prendre de vos nouvelles.
— Reconnaissant de quoi ? Tu veux rire, c'est à cause de lui tout ce qui est arrivé à notre fils ! lui a crié la reine.
Christophe qui était à l'extérieur avait dû entendre son cri, car il fit immédiatement irruption dans la chambre.
— Votre Altesse Royale, avec tout le respect que je vous dois, je vous demande de garder votre calme. Je suis policier et je n'hésiterai pas à vous faire sortir de l'hôpital par la force si vous agressez mon neveu une nouvelle fois !
Il avait menti pour que la reine s'adresse à moi avec un peu plus de respect.
Elle est restée pétrifiée avec la bouche ouverte. J'aurais voulu qu'Alekseï voie sa tête. Mon nouveau tonton lui avait fait fermer sa gueule.
J'ai quitté la chambre à contrecœur, laissant mon amoureux étendu là.
Dans le couloir, Papy et Mamie m'ont sauté dessus, rassurés que j'aille bien.
— Christophe nous a raconté pour l'accident du prince, mon chéri. Tout est ma faute, mon ange. Ta tante a déménagé et tu allais te casser le nez à son ancienne adresse sans même avoir son nouveau numéro de portable. J'ai eu peur pour toi et Alekseï était le seul qui pouvait te rattraper pour t'arrêter. Je me sens coupable de ce qu'il lui est arrivé !
Ma grand-mère fondit en larmes dans mes bras.
— Non, Mamie... C'est de la mienne ! Je n'aurais pas dû m'enfuir sans vous prévenir. J'ai tué Alekseï.
Mes sanglots éclatèrent de plus belle.
— Viens mon chéri, nous te ramenons à la maison ! Ne t'inquiète pas pour ce que cette vipère dira. Je viens d'appeler la grand-mère de Sally et elle m'a assuré que les parents d'Alekseï ne pourront pas nous faire virer.
— Je suis rassuré, Papy, merci ! Christophe ne vous a parlé que de ces deux choses-là ?
— Oui, pourquoi ? Y a-t-il autre chose que nous devrions savoir ?
— Non... lui répondis-je à voix basse.
Christophe et moi avons échangé nos numéros. Il donnera le mien à sa fille afin qu'elle puisse me donner des nouvelles d'Alekseï.
Pendant le trajet, ma grand-mère n'a parlé que de ma grand-tante. Elle essayait de me faire penser à autre chose. Mon grand-père, lui, n'a pas dit un mot.
Étaient-ils au courant de ma relation avec Alekseï ? J'allais devoir leur dire toute la vérité. Je ne pouvais plus leur cacher, car ils allaient se demander pourquoi la reine voulait vraiment que je disparaisse.
En rentrant, nous avons mangé silencieusement. Je n'ai pas osé prendre la parole pour leur faire mon coming out. J'étais trop fatigué et encore très sensible. En mangeant, je sentais mes larmes couler jusque dans ma bouche, se mélangeant à ma salive.
— Mange mon grand et va te coucher ! La journée a été longue et très dure à supporter pour toi. Demain, ça ira mieux !
Ne pouvant rien avaler, j'ai remercié mon grand-père, je les ai embrassés tendrement en les prenant par le cou et je suis monté. J'avais pu constater leur chagrin alors que je les quittais.
Désolé Papy et Mamie, je n'avais plus assez de force pour chercher des mots réconfortants. Mon cœur et mon corps étaient éparpillés sur la route avec les morceaux de la moto de mon tendre amour.
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