Dimanche 30 Août 2020

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Salut mon journal !

Alekseï est réveillé depuis trois jours, il va de mieux en mieux. Tous ses sens sont revenus à la normale, mais il dort encore pas mal la journée, parce que son corps est affaibli et qu'il a besoin de récupérer. À chacune de mes visites, je lui apporte des douceurs et des petits plats que Mamie lui cuisine. Il n'a pas perdu l'appétit, lui !

J'ai également repris quelques kilos depuis son réveil, cependant, il va falloir que je coure un peu moins souvent si je veux que cela se remarque.

Nous passons nos après-midi à nous pourlécher la poire et à nous faire des câlins. J'essaye de ne pas trop le faire parler, préférant le regarder longuement. Je suis au septième ciel lorsque ses yeux brillent d'amour. Je ne sais pas à quoi il pense au fond de lui et s'il est heureux ou malheureux. Il est sûrement content, tout autant que moi, que nous soyons de nouveau réunis.

Dans nos têtes et dans nos cœurs, il n'y a plus que nous et notre amour. Nous ne pensons à rien d'autre. Pour l'instant, nous avons évité de parler du pourquoi, j'ai voulu fuir chez ma tante, mais il faudra bien que je lui dise la vérité.

J'ai hâte qu'il rentre à la maison. Les allers-retours à l'hôpital me font plaisir, par contre, ils me fatiguent énormément. J'espère tellement que je pourrais prendre soin de lui sans que quelqu'un vienne nous prendre la tête.

*** Alekseï ***

Ce matin, les infirmières m'ont enfin libéré de la perfusion et de tout ce qui me rattachait à une machine. J'étais à nouveau maître de mes mouvements. Elles avaient également réduit mon bandage à la tête. Il ne se résumait plus qu'à une touffe de cheveux plus courts dissimulant une cicatrice en croix d'une dizaine de centimètres.

De temps à autre, je ressentais de fortes pressions dans le crâne. Je l'avais signalé à mon chirurgien, mais sans en inquiéter Sacha.

Cette après-midi, Sacha avait vêtu son ensemble de basket rouge et noir qu'il avait mis lors de notre sortie à vélo. Je me suis rendu un peu plus compte à quel point mon baby était amaigri, quoiqu'il me dise remanger correctement.

Il avait des cernes énormes et très foncés qui prouvaient qu'il avait beaucoup souffert après mon accident. Il ne prenait pas soin de son apparence, non plus. Ses cheveux lui arrivaient maintenant au bas de la nuque et il devait se contenter de ses doigts en guise de peigne. Et son look ! Ses vêtements étaient froissés et son maillot n'était ni en dedans, ni en dehors de son short.

Il m'a aidé à prendre une douche. La première depuis que j'avais été hospitalisé.

J'ai mis mon bras autour de son cou et je me suis aidé d'une des deux béquilles qu'on m'avait fournies pour me lever. Pas plus de quelques secondes à la verticale que j'ai été pris d'étourdissements. Et pour couronner le tout, ces coups de jus dans ma tête me désorientaient complètement. Il nous a fallu plusieurs essais avant que je ne puisse faire deux trois pas.

Après quelques coups de gant de toilette, quelques coups de langue voraces et de caresses bien précises, nous avons fait l'amour rapidement de peur d'être surpris.

Sentir son petit corps fragilisé contre le mien, embrasser sa peau si douce et deviner chacun de ses frémissements, m'a presque fait oublier mes douleurs à la tête, au bras et à la jambe.

Je devinais ses côtes, sa colonne, en un mot, ses os. Le redécouvrir nu m'a réellement fait prendre conscience de ce qu'il avait dû endurer, me pensant perdu. Était-il, à ce point, prêt à donner sa vie pour moi ? Se laissait-il mourir en se blâmant qu'il me soit arrivé cet accident ? J'étais loin de me douter qu'il m'aime autant.

Il fallait que je quitte vite cet endroit et qu'il vienne habiter avec moi. Je ne voulais plus passer une seule minute sans lui, tant qu'il n'aurait pas repris du poil de la bête.

Suite à cette bonne petite douchée, avec affinités, je me suis trouvé d'aplomb à mettre le nez dehors.

Mon Baby m'a assisté pour l'habillage, le coiffage, il est allé emprunter un fauteuil roulant et nous sommes descendus nous balader dans le parc de l'hôpital.

Nous n'avions qu'un long couloir à traverser pour atteindre l'ascenseur, mais c'était sans compter sur les petits mots d'encouragement de tout le personnel hospitalier. Je croyais ne connaitre personne, pourtant, j'ai dû serrer une vingtaine de mains à des gens qui nous appelaient par notre prénom et qui connaissaient vraisemblablement notre relation. Sacha, lui, avait l'air très à l'aise avec tous ces inconnus qui lui demandaient de mes nouvelles, mais également des siennes, ce qui me mit le doute sur ce qu'il avait pu vivre pendant mon absence involontaire.

Avant de franchir les portes qui nous menaient à l'extérieur, Sacha me vissa sa casquette sur la tête.

Échanger les odeurs d'antiseptiques contre celui des fleurs et du gazon fraichement tondu me fit me sentir vivant.

Mon bel Ange m'a roulé sur quelques mètres et il nous a installés à l'ombre.

— Ça va mon amour ? Tu me parais songeur.

— Oui, un peu. J'ai tellement de choses à te dire, seulement, je ne trouve jamais le temps, ou le bon moment.

— Je suis censé rentrer bientôt, on aura tout notre temps. Je suis là maintenant, Baby, mets tout ça de côté !

Non, Alekseï ! C'est impossible ! Je ne peux plus tout garder pour moi ! Il y a trop de sujets qui me rongent de l'intérieur, tu piges ! Il n'y a pas que toi qui en as pâti dans notre histoire.

Je le vois bien, mon Ange. On a un peu de temps avant le dîner, je t'écoute.

Je vais commencer par le début alors. Je t'avais dit que ta mère nous avait vus à la piscine et qu'elle voulait que je me casse.

Oui, cela, je m'en souviens.

Eh ben, ce n'est pas tout. Elle a menacé de faire virer mes grands-parents, si je ne le faisais pas. C'est pourquoi, je suis parti chez Sally.

Je n'en reviens pas qu'elle est fait ça. Je suis désolé, Baby.

Ne t'inquiète pas, tout est arrangé de ce côté-là. Ta mère ne peut rien faire contre eux.

Ensuite, il y a eu le bal. Quelqu'un nous a vus ensemble lorsque nous sommes sortis des buissons et l'information est remontée à ses oreilles comme un tir de canon. Quand je me suis rendu aux toilettes après t'avoir quitté, elle m'a, ou plutôt, elle a convoqué la jeune fille que j'étais à ce moment-là, dans son bureau.

J'ai essayé de vous alerter Sally et toi, mais je n'ai pas réussi à attirer votre attention discrètement.

Dans le bureau, elle ne m'a pas reconnu tout de suite avec mon accoutrement. Elle m'a posé un tas de questions jusqu'au moment où elle m'a insulté de « moins-que-rien » et où elle m'a giflé violemment. C'est là, qu'elle a constaté que je portais une perruque et qu'elle m'a démasqué.

Suite à ça, elle a profité que je soit assis pour me mettre carrément des coups-de-poing. C'est pour cette raison que j'ai voulu m'enfuir, Alekseï. Je voulais me faire oublier pour ne pas vous causer du tort.

Le lendemain, tu as voulu m'avertir de ne pas prendre le train et tu as eu ce putain d'accident en glissant sur la pluie avec ta moto... Je suis désolé, Honey ! Je regrette tellement, si tu savais.

J'ai cru mourir en voyant ta moto et les traces de sang sur le sol. Tout est ma faute !

Ses larmes coulaient à nouveau. J'étendis les bras pour le consoler.

Baby, viens là ! Approche-toi !

Non, mon cœur, si je ne finis pas de tout te révéler, j'ai peur de ne plus jamais en trouver le courage.

Malheureusement, ou heureusement pour notre couple, mon portable sonna. C'était Laura qui m'informait que mes parents étaient dans ma chambre et qu'ils étaient inquiets de ne pas m'y trouver. Sacha se renferma comme une huître.

Sans mot dire, il attrapa les poignets de mon fauteuil, me fit faire demi-tour et me reconduisit jusqu'à l'ascenseur. Je me suis retrouvé comme un imbécile, car à part lui parler, je ne pouvais rien faire pour le stopper à cause de mon bras dans le plâtre.

Baby, qu'est-ce qu'il y a ?

Rien ! J'te ramène !

Je le sais que tu n'as pas eu le temps de finir, mais ce n'est pas ma faute. On a cinq minutes, arrête-toi et parle-moi !

— Cinq minutes ? Tu crois que cinq petites minutes suffiront ! Là, je vais encore croiser le regard de ta mère, je vais encore baliser et je n'aurai personne à qui en parler !

J'en peux plus Alekseï ! Je crois que tu ne mesures pas l'ampleur de la situation !

— C'est à ce point ? Tu me dis ça en sachant que tu dois partir et que tu vas encore te retrouver seul à ruminer.

— C'est bon, je suis un grand garçon, je vais m'en sortir !

Lorsque nous sommes entrés dans ma chambre, ma mère m'a littéralement sauté dessus, sans saluer Sacha. Mon père, lui, se leva de sa chaise et vint lui serrer la main. Baby le salua, m'accorda un petit sourire forcé et ressortit tête baissée. Ses yeux larmoyants contenaient un tel chagrin que je culpabilisai de l'abandonner de la sorte. Si seulement, j'avais pu te courir après !

J'ai supplié mon père du regard, mais celui-ci ne me répondit que par un haussement d'épaules, l'air de dire « que veux-tu que j'y fasse ».

— Que faisait-il encore là, lui ? Tout est sa faute ! On a failli te perdre mon ange. Ce gamin doit disparaître de notre vie !

— Maman ! Je vous interdis de dire de telles choses ! Sacha m'a sauvé la vie en s'occupant de moi. Tous les jours, il s'évertuait à trouver de nouvelles activités pour me sortir de mon coma !

Il me lavait, me chantait des chansons ou me les faisait écouter. Il me lisait des livres, me massait et tant d'autres choses trop longues à énumérer. Vous ne pouvez pas lui être un minimum reconnaissant et nous foutre la paix ?

— Svetlana, il a raison. Le gamin passait toutes ses après-midi ici. C'est moi qui lui ai donné mon accord pour qu'il vienne visiter.

Alekseï était allongé là, inerte, et de voir Sacha qui dépérissait à vue d'œil m'a donné l'impression de perdre deux fois mon fils.

N'as-tu pas de cœur ? Ce n'est ni l'endroit, ni le moment pour régler tes comptes. !

— Je vous en remercie père. Je sais que vous ne cautionnez pas notre relation, mais vous faites en sorte de ne pas le blâmer.

Mère, Sacha n'a pas prévu que ce jour-là, il pleuvrait et que j'aurais un accident.

— Il n'y a pas que cette histoire d'accident Alekseï ! C'est inconcevable pour votre rang que vous fréquentiez ce genre de personne ! Je vous l'interdis, c'est compris !

Alors soit vous mettez fin à cette répugnante comédie, ou je me charge de lui !

Svetlana ! Mais comment peux-tu proférer de telles menaces ! Tu te rends compte de ce que tu dis !

— Je te l'ai dit de t'occuper des affaires et que je m'occuperai de l'avenir de notre fils !

— Mère, j'aime Sacha ! Il est très important pour moi. Ne faites rien d'irréfléchi, car je ne vous le pardonnerai jamais.

— Comme je l'ai demandé au gamin, il s'occupera de notre fils jusqu'à son rétablissement et après, nous aviserons.

— Nous aviserons de rien du tout ! Je refuse que mon fils soit un pédéraste !

S'il le faut, je te ferai interner pour que tu retrouves ton bon sens !

— Mais quelles âneries, vous me sortez là ? L'homosexualité n'est aucunement une maladie ! J'ai honte d'entendre de tels propos sortir de votre bouche, mère ! En quel siècle vivez-vous ?

C'en est assez, Svetlana ! On s'en va ! Il n'a pas besoin que tu te montres désobligeante avec lui.

Chéri, appelle-moi quand il faudra que je vienne te chercher. Cela ne saurait tarder, alors nous ne nous reverrons pas avant.

Mon père me fit un clin d'œil et après qu'il m'eut embrassé, il empoigna ma mère, qui boudait, par le bras et ils sortirent.

J'aimais ma mère, mais l'entendre déblatérer de telles conneries, m'avait révolté.

Je comprenais qu'apprendre mon coming out de cette façon lui avait surement fait un choc, pour autant, elle n'était pas obligée d'être aussi rosse envers Sacha. Je regrettais amèrement de ne pas lui avoir annoncé avant, avec plus de délicatesse.

Que faire pour protéger mon homme ? Rompre ? C'était absolument inenvisageable de ma part. Peu importait ce qu'elle en pensait, cela ne changerait rien à mon homosexualité.

***

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