Vendredi 11 décembre 2020

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Un bruit réveilla Sacha. Les douleurs atroces qui lui déchiraient le postérieur, lui, rappelèrent les scènes de la veille. Il eut l’impression que son corps n’était plus qu’une plaie béante, saignant abondamment. Le goût du sang dans sa bouche et dans sa gorge l’écœura avec une telle intensité qu’il vomit le peu qui lui restait dans l’estomac. Il se découvrit à moitié nu, gisant sur le sol gelé et pestilentiel.


Moi qui ai si souvent songé à mourir, je me surpris à vouloir vivre ne serait-ce qu’une minute pour revoir mon Honey.

J’avais tellement fait de pied de nez à cette pétasse avec sa faucille, qu’aujourd’hui, elle me narguait en me laissant agoniser. La vieille reinasse et cette salope n’avaient pas les couilles d’achever leur sale besogne elle-même !

Malgré les tiraillements qui me déchiraient de l’intérieur, je leur promis une mort lente et douloureuse à toutes les deux. Elles pourriraient pour l’éternité dans les flammes de l’enfer qu’elles avaient allumées en moi.


Sacha ne savait ni quel jour, ni quelle heure, il était, lorsqu’il entendit la porte de l’arrière-boutique s’ouvrir et se refermer ! Il se mit à pleurer et à geindre, de peur de subir à nouveau leurs barbaries.

— Tu as de la chance le petit pédé, nous avons reçu l’ordre de ne pas t’achever. On doit déposer la princesse au château !

— V’la la gueule de la princesse, même un bâtard n’en voudra plus !

SMS des assaillants à la Reine :

« Message bien transmis. Il a bien compris cette fois. Colis livré ce soir. »

Après quelques puissants coups de savates dans la tête et dans le ventre, ils le chargèrent dans le coffre de leur véhicule sans même avoir la décence de le rhabiller.


Ce vendredi soir, alors que les grands-parents de Sacha, de plus en plus inquiets, prévoyaient de lancer une alerte enlèvement, ils furent surpris par la sonnerie du portail.

Pensant immédiatement à la police ou Christophe, Gabriel enfila un blouson et sorti voir qui pouvait bien venir sonner à 21 heures.

En ouvrant le portail, il eut un mouvement de recul et faillit s’évanouir. Avec effroi, il découvrit le corps de Sacha, inanimé et à moitié dénudé sur le trottoir gelé.

— Mon gamin, nooon ! Mon petit, réveille-toi !

— Gabriel qui est-ce ?

— Enara appelle la police et une ambulance tout de suite.

— Gabriel, c’est notre Sacha ? Ô, mon Dieu ! Je vous en supplie, ne nous faites pas ça ! Pas Sacha !

Gabriel prit son pouls et fut rassuré qu’il soit encore en vie.

— Enara, il est vivant ! Viens m’aider à l’emmener à l’intérieur !

Avec l’aide d’Enara, il le chargea sur son épaule. Enara ramassa son sac à dos et ils le transportèrent jusqu’au salon en attendant le Samu.

— Mon pauvre bébé, réveille-toi ! Tu es chez Papy et Mamie ! Mamie va s’occuper de toi, mon petit ange.

Il le déposa délicatement sur le canapé et ils s’empressèrent de couvrir son petit corps gelé et bleui.

Enara et Gabriel étaient consternés de voir l’état de leur petit-fils. Il y avait du sang coagulé et frais qui lui sortait de la bouche et du nez. Ses yeux étaient tuméfiés. Son visage et ses bras, qu’ils avaient découverts en lui ôtant sa doudoune et son sweat sale, n’étaient plus qu’un hématome. Ils constatèrent également une blessure à la tête, lorsqu’ils aperçurent du sang sur l’oreiller.

Enara ne put retenir ses larmes et ses cris de désespoir.

— Qui a pu faire une chose pareille à notre bébé ! C’est atroce, chéri ! Mon pauvre petit !

Pleurant autant qu’elle, Gabriel l’a pris dans ses bras.


En dix minutes, Christophe, qui avait été alerté par Enara avant la police, arriva chez eux en trombe, suivi des secouristes. Il ne prit pas la peine de sonner et pénétra directement dans leur maison.

Lorsqu’il aperçut Sacha, il s’écroula à genoux. Les larmes explosèrent de ses yeux de papa.

— Mon petit gars, que t’ont-ils fait ?

Il saisit la main inerte de Sacha et la posa contre sa joue.

— Pardon, Monsieur ! Dit un des soignants. Il faut que nous nous occupions rapidement de lui ! Vu les contusions sur son corps, il se pourrait qu’il ait des blessures plus graves.

Ils soulevèrent le T-shirt de Sacha, laissant apparaître des ecchymoses et des blessures sur tout son torse.

— Il n’y a pas une minute à perdre, nous le conduisons aux urgences, Messieurs, dame !


Je ne peux en tant que narrateur vous décrire le ressentiment et la douleur des grands-parents et de Christophe en observant le corps meurtri de Sacha. Cet enfant était plus mort que vivant… Ndlr


Gabriel et Enara prirent place dans la voiture de police conduite par le collègue de Christophe et ils suivirent l’ambulance.

Christophe appela Laura qui était de garde pour la prévenir que Sacha avait été retrouvé à moitié mort et qu’ils arrivaient. Elle s’empressa de courir vers les urgences, en prévenant sur son passage ses collègues qui connaissaient nos deux amoureux.

L’ambulance s’arrêta devant les urgences. Les ambulanciers sortirent à toute vitesse, Sacha, et foncèrent dans l’hôpital.

— Nous avons un jeune patient victime d’un grave, très grave passage à tabac, blessure à la tête et au visage, sûrement des côtes cassées, risque de perforation des poumons. Le reste du corps n’a pas encore était examiné.

— Vite, nous l’emmenons au bloc directement. Nous lui ferons les soins en même temps que les examens et les radios.

Gabriel et Enara furent pris en charge par Laura et ses collègues infirmières. Elles avaient vu l’état d’Alekseï après son accident de moto, mais là, en voyant le corps de Sacha, elles furent horrifiées.

*** Jules ***

Cette nuit, ma collègue Laura a reçu un appel de son père. D’après ce qu’elle nous a hurlé dans la salle de pause, Sacha arrivait aux urgences dans un état très grave.

Je ne savais qui était ce fameux Sacha, mais elle semblait paniquée et terrifiée. Patricia, son amie, avec qui je buvais un café, se leva précipitamment et elle la prit dans ses bras.

Laura n’avait rien dit de plus, pourtant les deux pleuraient à chaudes larmes.

— On descend aux urgences, ils seront là d’une minute à l’autre.

Ne me sentant pas concerné, je suis resté assis.

— Toi aussi ! Bouge-toi ! me gueula Laura en m’empoignant par le col de ma blouse.

— Hé ! Pourquoi, j’dois vous accompagner ?

— Je n’ai pas le temps de t’expliquer !

— J’le connais même pas ce gars et nous ne sommes pas aux urgences, ce soir !

— Fais-moi confiance, tu ne le regretteras pas, quand tu auras fait sa connaissance !

Nous avions à peine atteint le service, que le SAMU arriva en trombe.

J’ai eu les larmes aux yeux et la boule à l’estomac, lorsque j’ai découvert son visage bleui et gonflé. Ses boucles blondes, rougies par le sang, déteignaient au contact des larmes qui lui coulaient sur les tempes.

L’urgentiste fit son rapport en arrivant. Sacha avait mon âge, quasiment ma taille et mon poids. Mon cœur se serra.

Laura, qui avait averti le personnel que nous nous occuperions personnellement de lui, nous demanda de la suivre au bloc.

Une fois, nos surblouses, nos masques et nos bonnets revêtus, nous avons aidé le médecin en chef, à le déshabiller afin qu’il fasse son rapport.

Pendant qu’il était évanoui, nous avons placé des lampes chauffantes autour de lui afin qu’il ne prenne pas froid.

Mon Dieu ! Tout son corps était recouvert d’hématomes et de blessures plus ou moins récentes. Le bas de son corps était souillé d’excréments.

La vue de ce gars, auquel je m’identifiais, et l’odeur qui émanait de lui m’ont fait tourner de l’œil un instant. Patricia m’a ordonné de sortir, mais j’ai refusé. J’étais novice, je devais m’accrocher.

Après avoir mis son dictaphone en marche, le Docteur Dagher dicta les données du patient et commença par examiner son crâne rapidement.

— Plaie temporale droite, 8 cm. Suture, radio, voir si traumatisme crânien. Mâchoire supérieure, une incisive de cassée.

Laura fut chargée de suturer la plaie.

À la palpation, il constata des côtes fêlées. Il demanda à Patricia de réaliser une échographie.

Vint ensuite la découverte, d’une fracture à l’avant-bras gauche et une, à la jambe droite, pour lesquelles il prescrit une radio également.

Plus, il descendait et plus, je me sentais mal. Je craignais qu’il ait subi plus qu’un passage à tabac.

— Docteur, excusez-moi de vous interrompre. Je connais très bien Sacha et je dois vous informer, que c’est certainement un acte homophobe.

— C’est ce à quoi, je réfléchissais. J’allais vérifier par acquis de conscience. Merci, Laura.

Je me tenais à sa gauche lorsqu’il le retourna délicatement et qu’il baissa son boxer…

— Jules ! Jules ! Réveillez-vous ! Vous m’entendez ? Allez, on ouvre les yeux, mon garçon !

— Je suis désolé, Docteur Dagher !... Je fondis en larmes.

— Viens, Jules ! Nous ne pouvons rien faire de plus. Ils vont lui faire d’autres examens et peut-être même l’opérer. Sortons !


Les filles m’accompagnèrent jusqu’à la salle de pause et me firent asseoir. Patricia, qui avait terminé son tour de garde, rentra chez elle.

Sans un mot, Laura prit place près de moi, croisa les bras et y posa la tête. Elle pleurait et me faisait pleurer. Je me sentais inutile, alors, j’ai posé ma main sur son coude et ma tête sur son épaule.

J’aurais pu rentrer à la maison, mais j’ai préféré lui tenir compagnie toute la nuit.

Après avoir séché nos larmes, Laura m’a raconté l’histoire de Sacha et de son Prince. C’était romantique, cependant, c’était à mille lieues de ressembler à un conte de fées.

S’ils étaient conscients que leur romance n’aboutirait à rien de concret, pourquoi s’évertuaient-ils à se mettre en danger ?

J’étais jeune et je n’avais jamais connu d’amour aussi passionnel que semblait l’être celui de ces deux hommes. Je devais donc faire mon boulot sans donner mon avis.

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