Lundi 14 décembre 2020
*** Jules ***
— Bonjour Sacha. Lui ai-je dit en m’approchant tout doucement de son lit, tête baissée. Il faut que je fasse ta toilette. Il ne me répondit pas. Le Dr Dagher m’a demandé de le faire, car il vient t’ausculter en fin de matinée.
Soudainement, sa respiration est devenue plus bruyante. J’avais l’impression d’entendre les battements de son cœur.
Sacha jeta la couverture en arrière d’un geste brusque et ferma les yeux.
— S’il te plaît, Sacha, ne te braque pas. Tu veux que j’appelle une de mes collègues ?
— Nan, magne-toi !
Sans un mot de plus entre nous, j’ai enlevé sa blouse, j’ai lavé son visage, son cou et un à un, ses bras. Ensuite, je suis passé à son torse, sur lequel on devinait d’énormes tâches violacées entourant l’énorme pansement de l’opération de ses côtes. Tous mes gestes étaient tremblants et hésitants.
J’ai tendu mon bras devant lui.
— Appuie-toi sur mon bras pendant que je te passe le linge dans le dos.
Toujours aussi stressé, Sacha s’exécuta.
Alors que je descendais le long de sa colonne, son cœur se mit à battre à tout rompre contre mon avant-bras. J’avais vraiment peur qu’il finisse par m’en coller une.
C’est bon, j’ai fini rallonge-toi. Je vais faire tes jambes. Je ne montrais pas trop haut sur tes cuisses, mais il faudra que je lave le reste…
— Sans déconner, jamais, tu la fermes ! Vas-y active !
Je pris une grande inspiration puis j’ai attaqué ses jambes et ses pieds. Il était raide comme un piquet, dommage pas partout. J’aurais pu me contenter de ce genre de remerciement.
Avant d’entreprendre de toucher son sexe, j’ai d’abord posé ma main sur le côté de sa fesse. Il ravala un bruyant sanglot.
J’ai remis le linge dans la bassine et j’ai pris son visage entre mes mains.
— Sacha, regarde-moi et souffle ! Ouvre les yeux, je t’en prie ! C’est moi, Jules. Dis-toi que c’est pour ton bien et ne me lâche pas des yeux, ok ! Je ne te ferai jamais de mal, mon ange. Aie confiance en moi !
Sacha reconnut ce petit surnom et ces paroles. Moins de deux secondes, avant de s’évanouir en pleurant, il fixa Jules.
— Alekseï, mon amour, tu es là ? Pourquoi tu m’as abandonné…
Ce n’était pas la meilleure solution, mais c’était aussi bien qu’il soit inconscient. Je me suis dépêché de lui laver le recto-verso en faisant attention de ne pas lui faire de mal et je lui ai enfilé une blouse propre. J’ai déposé un baiser sur son front et j’ai fui avant qu’il ne se réveille.
***
En fin de matinée, le Dr Dagher est passé voir Sacha. Il constata que les blessures physiques guérissaient sans complication, mais que son jeune patient était traumatisé au point de crier à chaque fois qu’il le frôlait. Il décida de débrancher les machines qui ne lui servaient plus à rien.
Vers 14 heures, la voix d’Irina réveilla Sacha.
— Coucou notre gros bébé, comment tu vas aujourd’hui ? Nous sommes contentes que tu sois là avec nous à nouveau. Tu nous as fait peur !
Sally et Irina n’étaient pas encore assez près de Sacha pour constater l’état de son visage. Lorsqu’elles s’approchèrent, elles se figèrent de terreur, imaginant ce qu’il avait subi.
— Mon pauvre bébé, qu’est-ce qu’ils t’ont fait ces connards ! Pourquoi tant de haine. C’est la putain de reine, j’en suis sûre !
Sally pleura de tristesse et de colère. Irina lui tapota gentiment le dos pour qu’elle se reprenne.
— Chérie, il n’a pas besoin de larmes, notre gros bébé, mais plutôt de sourires.
Jules toqua et entra.
— Bonjour Mesdemoiselles ! Bonjour, Sacha ! Tu vas bien ? Tu vas aller mieux dans quelques instants, je suis venu te libérer de tes chaînes.
— Regarde chérie ! Il se fait dorloter par un beau blondinet ! Ça va tranquille ! Il va vite se rétablir à ce rythme-là ! Murmura Irina à Sally.
Jules débrancha avec douceurs toutes les machines qui étaient reliées à Sacha. Il lui jeta des regards furtifs en lui souriant.
Quand il eut fini, Sacha lui attrapa délicatement la main et lui adressa un merci à voix basse. Jules, qui ne s’y attendait pas, baissa la tête et sourit. Il rougissait encore.
— Je viendrai te border ce soir ! Jules lui tira la langue.
Il était content de dire des bêtises devant les amies de Sacha. Elles allaient sûrement relever ce qu’il venait de dire, dès qu’il serait sorti. Il ne referma pas la porte complètement pour écouter les réactions de Sally et Irina, qui ne se firent pas attendre.
— Ben, ça va, mon salaud ! Tu te trouves un petit infirmier aussi mignon que toi et en plus, il te borde ! Je vais leur dire de t’envoyer une vieille infirmière grincheuse, nous verrons si tu es autant aux anges.
— T’es méchante, Irina ! Tu n’as jamais de compassion envers personne !
— On rigole, bien sûr, ça fait du bien de te voir sourire ! Profite, mon chat !
Jules, qui avait entendu la conversation derrière la porte, était mort de rire.
Aux anges ? Elles craquent ou quoi, les deux ? Elles croient que la drague va me guérir ? Je ne nie pas que je l’ai trouvé mignon, cependant, il n’a rien de ténébreux comme mon homme. Pas du tout mon style.
J’ai vraiment envie de connaître la vérité sur la disparition d’Alekseï, mais en même temps, je pense que si réellement, il avait voulu me contacter, il aurait trouvé un moyen.
Après le départ de ses amies, Sacha téléphona à Enara.
— Allô Mamie ! Vous allez bien ? Moi, tout doucement !
Oui, Jules s’occupe bien de moi ! Ne t’inquiète pas ! Il me fait rire avec ses blagues ! Ça me détend !
Sally et Irina viennent de repartir. C’était cool de les voir. Elles sont absolument le miroir l’une de l’autre. Elles sont folles ! C’est de pire en pire ! Oui, je le sais, j’aurais fait un excellent acteur.
Mamie, Jules m’a débranché, je peux mieux m’asseoir maintenant. Tu peux me ramener mon portable et mon journal. Ils doivent se trouver dans mon sac à dos. J’ai besoin d’écrire. Mamie, je vous aime.
Les larmes me submergèrent lorsque j’eus prononcé ces derniers mots.
Enara entendit les sanglots dans la voix de Sacha avant qu’il ne raccroche.
— On t’aime aussi mon chéri. Tu es la prunelle de nos yeux ! On t’aime fort ! Fort !
Elle se rendit immédiatement dans la chambre de Sacha pour récupérer son journal, son portable et son chargeur. Elle les rangea aussitôt dans son cabas pour être sûre de ne pas les oublier le lendemain.
Par curiosité, elle feuilleta quelques pages. Elle tomba sur des passages très durs, narrant l’état d’esprit de son petit-fils. Elle ne put retenir ses larmes ! Lire qu’il voulait mourir à certains moments, comme après l’accident d’Alekseï ou suite à son départ, lui fut insoutenable.
Elle poursuivit sa lecture pour arrêter sur un passage coquin et referma le journal. Honteuse d’avoir été curieuse.
En fin de journée, Enara et Gabriel visitèrent Sacha et lui apportèrent le portable et le journal intime.
Coucou cher journal,
J’espère que je ne t’ai pas trop manqué ! Lol
J’avais vraiment besoin de coucher par écrit ce qui m’est arrivé ce mardi 8 décembre. Alekseï me manque à un point que je deviens fou. Je ne pense qu’au négatif et je n’arrête pas de ressasser ce jour de merde où ses enfoirés m’ont fait ma fête.
Je suis certain maintenant que cette pute de reine y est pour quelque chose. Comme par hasard au moment où je devais monter en Bulgarie. Le MP sur le portable d’Alekseï a été lu, mais on ne m’a pas répondu. Elle a dû lui subtiliser. Je n’arrive pas à croire qu’elle ait prémédité ça à mon encontre.
Tu vas crever, enflure !
Sacha narra tout ce qu’il avait encore en tête concernant son passage à tabac, son viol et sa détention. Les souffrances inimaginables et indescriptibles qu’il avait ressenties pendant et après son viol.
Même si aujourd’hui, je souris à mes proches, à l’intérieur, ils m’ont détruit. Rien qu’à y penser, j’ai envie de vomir. Comment peut-on, même si on est contre quelque chose, faire autant de mal à une personne jusqu’à la laisser pour morte ?
J’aurais préféré qu’ils me tuent direct, que me sentir si crade.
Quelqu’un toqua à la porte de la chambre.
— Bonsoir Sacha, je suis venu te border et te donner mon numéro de portable. N’hésite pas si tu as besoin. Je ne bosse pas demain et mercredi.
Enfin seul. J’ai mal, très mal. J’ai de la chance dans mon malheur, je n’ai aucune image dans la tête. Toutefois, je me sens mort, seule la douleur me rappelle que je ne le suis pas.
Tout mon corps tremble de l’intérieur, j’ai l’impression d’être une cocotte-minute lorsque la soupape se met à siffler. J’ai envie de hurler, d’arracher tous ses fils qui m’empêchaient de bouger.
Pourquoi ne m’ont-ils pas achevé ? Même si Jules m’a lavé, j’ai toujours cette odeur de merde dans le nez. C’est d’ailleurs tout ce que je suis devenu, une merde. Je me dégoûte.
Je m’imagine me tenir devant un miroir, un couteau à la main et me trancher les poignets et la gorge. Je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi de subir ce qu’ils m’ont fait.
Je le sais maintenant qu’en reconnaissant être gay et bottom, que je perdrais un peu de ma masculinité, mais là, je ne suis même plus un demi-homme.
Pourquoi cette femme m’en veut autant. Un mois et demi sans nouvelle de lui. Qu’est-ce qu’elle me veut encore ?
Cette salope de reine de mes couilles a détruit le peu d’estime que j’avais de moi et que j’avais trimé à obtenir. Cette fois, aucun psy sur terre ne pourra me maintenir en vie par des belles paroles style « soit fort, tu vas t’en sortir ». C’est quoi d’ailleurs, ce genre de phrases bidon, prêtes à l’emploi. Tu crois que le mec qui veut franchir le pas va te le dire, connard ? Tu crois que tu es derrière mon cul pour voir si j’avale bien tes cachets de merde ? Si je suis encore en vie, viens me voir le jour où deux bâtards te défonceront le cul à coup de manche à balai, qu’on en discute. Moi aussi, je te sortirai « sois fort, tu vas t’en sortir » et en contrepartie, tu me remercieras avec un petit chèque de soixante balles ou plus, selon mon humeur.
Il faut que je mette en tête que tout s’arrête là et qu’il est temps que je passe à autre chose. Plus jamais personne ne touchera à mon intimité profonde.
Annotations
Versions