Mercredi 16 décembre 2020
Salut mon pote le journal,
Ce matin, après avoir petit-déjeuner, j’ai commencé à penser à Alekseï et j’ai culpabilisé de penser à Jules comme d'un éventuel amant. Après, je me suis dit, le mec, il a 27 ans et il ne sait pas se sortir de sa merde, pour me contacter ? Putain, un mois et demi que je n’ai pas de nouvelle alors qu’on devait se fiancer ! Il faut que je laisse tomber ! J’en ai marre de pleurer. J’ai quasi pleuré tous les jours depuis que nous nous sommes rencontrés. Marre !
Après le déjeuner, je trouvais à nouveau le temps super long. Il n’y avait rien à la télé et j’avais mal au cul de rester assis depuis des lustres.
J’ai regardé mon tel et après avoir hésité une seule petite minute, (j’avoue !), j’ai envoyé un SMS à Jules : « Bien reposé ? Grasse mat ? Tu fais quoi ? »
Il a mis à peine trente secondes à me répondre, comme s’il n’attendait que ça !
Jules : Oui, oui et rien
Jules : Lol
Sacha : Je m’ennuie grave
Jules : Tu aimes quoi comme gâteau ?
Sacha : Les éclairs fourrés chocolat, mdr
Jules : Vrai ?
Sacha : Oui !
Jules : Ok !
Jules : À plus
Et après plus de news. Je suis resté un moment à réfléchir. J’étais déçu, je pensais que nous allions discuter plus ou, qu’il allait me téléphoner, mais même pas.
Vers 14 heure, ç’a a toqué à la porte de ma chambre. J’ai répondu instantanément « Oui » en croyant que c’étaient les infirmières ou mes parents.
J’ai alors vu une petite tête blonde au large sourire passer puérilement son nez par l’ouverture. Je rigolais de le voir faire le gamin.
Malgré tous ses efforts pour être plaisant avec moi, je n’avais pas été très cool avec lui depuis le début et encore moins lors de ma toilette.
— Jules, t’es un vrai gamin !
— Je t’ai manqué un petit peu ? Dis oui, sinon je ne te donne pas quelque chose de bon !
— J’avoue sans honte que... (J’ai attrapé le sac avec les gâteaux.) Les gourmandises m’ont manqué ! Et nous avons ri.
— Je peux te faire une bise pour te dire bonjour ? Je ne suis pas ton infirmier aujourd’hui !
— Humm… Ouais, mais doucement ! J’ai fermé les yeux.
Il m’a embrassé sur le front, puis rapidement sur le bout du nez. J’ai froncé les sourcils. Il m’a alors volé un smack. Tu fais quoi là ! Lui demandais-je en souriant légèrement.
— C’était trop tentant, désolé !
Tu veux faire une sortie dans le parc de l’hôpital ? Il fait super beau dehors, il suffit de bien te couvrir !
J’aurais dû lui faire comprendre qu’il ne m’attirait pas, plutôt que de lui sourire.
— Bonne idée, je sens le renfermé ! Lol.
Il s’est précipité dans le couloir et est revenu avec un fauteuil roulant. Il m’a soutenu afin que je m’extirpe du lit, tout doucement.
— Attends, je vais t’habiller avec ça. J’ai vu que ton armoire était vide, alors je t’ai apporté des affaires à moi.
Quel menteur ! Mes grands-parents m’avaient ramené plein de vêtements.
Assis que sur une fesse sur le bord, à cause de la douleur, il m’a enfilé un bas de survêt et un sweat. Ses vêtements embaumés, son parfum.
Mes jambes, qui n’avaient pas marché depuis longtemps, ont fléchi sous mon poids. S’y attendant, il me rattrapa. J’étais à sa merci. Il profita de la situation et me fit un petit bisou sur le nez puis m’assit dans le fauteuil. Interloqué, je suis resté à le regarder bouche bée.
Il m’a ensuite recouvert avec deux couvertures bien chaudes. Pendant qu’ils les bloquaient sous moi, j’ai sorti mes bras de dessous et j’ai remonté ses cheveux blonds, en bataille pour qu’ils ne gênent pas sa vue. Il s’est redressé au ralenti et a posé sa bouche sur la mienne.
— En avant cher ami !
— En passant dans les couloirs, certaines de mes copines infirmières nous ont dévisagés.
— Jules, qu’est-ce que tu fais là ? Tu n’es pas censé être en repos aujourd’hui ? Tu fais du zèle ?
— Oui, je fais du zèle avec mon patient préféré ! Ne soyez pas jalouses !
Nous avons fait une grande balade dans le parc et nous avons donné du pain dur, qu’il avait pensé à prendre chez lui, aux canards.
C’était romantique... Trop beau pour être réel ! Alors que je retrouvais enfin l’envie de sourire et l’envie de vivre, des images d’Alekseï, dans ce même parc, me rendirent nostalgique.
Jules s’était rendu compte de ma moue triste. Il se positionna derrière moi, m’entoura de ses bras et posa son menton sur mon épaule. J’ai tourné la tête et je l’ai embrassé à mon tour, en signe de reconnaissance.
Installé sur un banc à mes côtés, il ne cessait de me papouiller pendant que nous mangions nos éclairs au chocolat. Il était si naturel et si entreprenant que je me suis laissé guider par mon cœur.
Nous avons ri comme des gamins. J’étais heureux et serein.
— Sacha, tu es magnifique quand tu souris. M’a-t-il dit en passant délicatement ses doigts sur ma joue. Mais sache que je t’ai toujours trouvé beau. Ne m’en veut pas ! Désolé, si j’abuse en te draguant ouvertement ! Il baissa la tête.
J’ai relevé son menton.
— Hé, regarde-moi ! Je ne t’ai absolument rien dit.
J’aimais Alekseï du plus profond de mon âme. Il a été mon premier amour et il m’a aidé à me trouver. Je ne vais pas te raconter de salade, je vais avoir beaucoup de mal à l’oublier. Comme te l’a sûrement raconté Laura, il a disparu de ma vie sans une explication. Malgré la distance et le temps qui s’est écoulé, sa mère m’a fait subir ces atrocités. Je n’ai pas envie de rentrer dans les détails. Je préfère les enfouir et les oublier. J’ai besoin de me reconstruire et j’accepte volontiers ton aide.
Les yeux embués, Jules buvait mes paroles sans m’interrompre. Il était si touchant. Perdu dans le bleu intense de ses yeux, j’avais l’impression de me regarder dans un miroir.
— Je ne te décevrai pas, Sacha. J’accepterai tout de toi. Je serais ton ombre. Que tu sois heureux ou malheureux, tu pourras compter sur moi.
J’ai passé mes bras autour de son cou et nous nous sommes embrassés langoureusement. Notre premier baiser, si chaud et si tendre.
— On rentre, j’ai un peu froid.
Avant de remonter dans ma chambre, Jules nous a acheté des chocolats chauds au distributeur.
Sans me déshabiller, il me porta et me replaça doucement dans le lit. Après avoir lancé une de ses playlists sur Spotify, il attrapa les cafés et s’assit contre mon bassin. Il ne cessait de me sourire bêtement avec des étoiles dans les yeux. Il semblait me vénérer autant que j’avais pu vénérer mon Prince. Je ne pus résister à l’envie de dévorer une nouvelle fois cette bouche aux lèvres si charnues et roses.
— Kof, kof ! Un peu de tenue, Messieurs !
Nous avons sursauté et dans la panique, je l’ai mordu.
— Papa, Maman !
Jules se tenait la lèvre inférieure en toisant Sacha. Il n’osait pas se retourner et croiser le regard des nouveaux arrivants.
— Tu saignes ! Je suis désolé…
— Ce n’est rien, on se verra demain.
Il se redressa et sans lever les yeux, il salua mes parents et sortit avec hâte.
— C’est qui, lui ? C’est Alekseï ?
— Non, papa, c’est Jules… Mon infirmier !
— Et ton mec ? Tu es déjà passé à autre chose ?
— Je te l’ai dit que je n’avais plus de nouvelles de lui depuis longtemps ! Faut-il que je continue à me morfondre éternellement ? Tu ne sais pas ce que je vis depuis qu’il est parti !
Je ne cherche pas ton approbation. Si la vie que j’ai choisie te pose un problème, remonte dans ton avion et pars !
— Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, fils. Pas la peine de me cracher ton venin au visage. Gay ou pas, ce n’est pas le souci, je veux juste que tu n’ailles trop évite et que tu aies le cœur brisé encore une fois !
— Tu as des sentiments pour ce garçon, mon chéri ?
— Nan, maman ! Il m’aime bien et j’ai besoin de passer à autre chose. Il panse mes blessures et je panse mon cœur. Comprenez-le ! J’ai besoin de me reconstruire.
La tête entre mes mains, je ne retins plus mes sanglots. Ma mère prit ma main et la serra fort contre son cœur. Mon père s’approcha et enfouit ma tête contre sa poitrine.
— Allez, Sacha ! Nous sommes là et comme tu dis, tu as besoin de passer à autre chose. Nous n’avons pas à te dicter ce que tu dois faire en amour. Cela ne nous regarde pas.
— Merci Papa ! Je vous aime…
Ils sont restés une petite heure avec moi et sont retournés chez Gabriel et Enara.
J’avais tellement grandi depuis mon arrivée en France. Je n’étais plus leur petit Sacha, timide, introverti, qui se cherchait. J’étais devenu un Sacha amoureux à en mourir, dépendant. Un écorché vif, un être qui luttait avec la mort en attendant son heure…
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