Salut journal,

Je suis tout excité de prendre l’avion ce soir. Sally est persuadée qu’elle ne fera que me déposer à l’aéroport, mais non, tu viens avec nous la rouquine !

Ma valise est prête depuis hier, mais après les cours, je suis allé m’acheter une grosse doudoune. En l’occurrence, je l’ai choisi blanche comme la neige afin de me fondre dans le décor bulgare. J’espère qu’elle réchauffera mon petit cœur tout malheureux lorsque je me prendrai une grosse claque, parce que je n’aurais pas réussi à voir mon homme. J’ai également acheté un bonnet assorti avec un gros pompon et une paire de gants de ski. Il me faut bien ça pour affronter le froid, que je déteste au plus haut point.

*** Irina ***

Ce jour-là, j’étais chez « сумка Diam’s », je revenais de ma pause-déjeuner. Je me trouvais dans l’ascenseur bondé, lorsque celui-ci se stoppa pour laisser monter et descendre du personnel.

Par-dessus l’épaule du gros monsieur devant moi, j’ai cru reconnaître Alekseï. J’ai bousculé les occupants en leur demandant pardon et je suis sortie promptement. Après avoir parcouru deux trois couloirs des yeux, j’ai fini par voir cette silhouette familière entrer dans le bureau de Son Altesse. Malencontreusement, un vigile était positionné devant sa porte. J’ai essayé de m’approcher, seulement celui-ci s’est interposé brutalement.

— Madame, ce bureau vous est interdit ! Le vice-président ne reçoit personne sans que je n’en sois averti !

J’ai alors haussé le ton, afin qu’Alekseï reconnaisse ma voix par-delà les murs.

— Je suis la fille du duc Vodoff ! J’ai besoin de m’entretenir avec Monsieur Ivanov au sujet d’un dossier important, notre client attend ! C’est urgent, laissez-moi passer !

— Cela ne me regarde pas ! Si vous travaillez ici, vous connaissez les directives. Suivez-les ! Vous savez très bien où déposer le dossier pour qu’il le lise.

— Ah ouais ? Alekseï est emprisonné dans son bureau ? Il a le droit d’aller pisser au moins, ou il le fait dans une bouteille à l’arrache ?

J’ai compris que cela ne servait à rien d’insister avec cet abruti et j’ai donc fait demi-tour.

Une fois à l’abri des oreilles indiscrètes, j’ai téléphoné à Sally. Il fallait que je me confie à quelqu’un, mais dans l’immédiat, je ne pouvais pas en faire part à Sacha.

— Allô chérie ? Tu ne me croiras jamais... J’ai vu Alekseï, il y a cinq minutes. Il est à la société !

Je n’ai pas pu lui parler, parce qu’il est entré dans son bureau et qu’il est surveillé par un connard de vigile. J’ai essayé de forcer le passage, mais il m’a envoyé sur les roses, pour être polie.

— Ma douce, essaye par tous les moyens d’entrer en contact avec lui ! Vous devez prendre l’avion ce soir, ça ne va pas le faire s’il est en France !

— J’ai gueulé assez fort sur le gars pour qu’il reconnaisse ma voix et j’ai parlé des toilettes. J’espère qu’il comprendra mon message et viendra m’y retrouver. Je vais patienter juste à côté, je te rappelle.

Commençant à désespérer après une quinzaine de minutes, j’ai enfin vu Alekseï se rendre dans le lieu que je lui avais suggéré. Je l’ai suivi à pas feutrés et je me suis faufilée derrière lui, afin de bloquer la porte des toilettes de l’intérieur.

Heureusement que personne ne traînait aux alentours, sinon j’aurais eu l’air fin.

Alekseï était en train de pisser de dos à moi et ne s’est pas interrompu, croyant sûrement que j’étais un mec.

Une fois qu’il eut fini, il se dirigea vers les lavabos pour se laver les mains. Il croisa enfin mon reflet qui le fixait furieusement dans le miroir.

— Alekseï ! Tu n’es pas mort, connard ? Je vois que t’as compris mon message et que tu es venu.

— Désolé, Irina, mais je ne peux pas te parler. Il avait les yeux rouges et gonflés et il paraissait mal en point. Ivre ou drogué ? Ne rends pas la situation plus difficile, je t’en supplie !

— La situation plus difficile ? Pour toi ? Et tu penses à Sacha ? Tu crois qu’elle est comment, sa situation depuis deux mois ? Tu imagines qu’il est passé à autre chose ? Tu délires, mon gars !

— S’il te plaît, Irina, ne me force pas à te parler !

Il explosa en larme devant moi. Il était méconnaissable, pitoyable. Tout son corps tremblait. Je ressentis de la pitié en le voyant dans cet état.

— Mais si, tu vas parler ! Tu sais ce qu’ils ont fait à Sacha à la demande de ta mère ? Hein ? Je vais te le dire espèce de lâche !

— Même si tu me le dis, je suis impuissant. Ils ne me laisseront pas le voir ! Tu ne sais pas de quoi ils sont capables, Irina ! J’ai peur pour la vie de Sacha !

— La vie de Sacha est foutue, mon gars, et ça depuis le fameux dimanche où tu m’as vu devant chez toi. Ce jour-là, j’ai fait la connerie de lui demander de t’envoyer un MP pour t’avertir qu’il allait venir en Bulgarie le mercredi !

Et sache, qu’à la suite de ça, ce ne sont pas ses sentiments qui en ont pris un coup. Sur ce point, il t’aime encore comme un fou. Il compte prendre l’avion ce soir pour la Bulgarie, maintenant qu’il arrive à mieux marcher !

— Quoi ? Il veut partir là-bas ? Mais c’est dangereux pour lui ! Ne le laisse pas y aller ! Je t’en supplie ! Il se laissa tomber à genoux, tête baissée. Ils vont le tuer !...

— Alekseï, ton homme est mort depuis le jour où tu as disparu ! Il n’est plus que l’ombre de lui-même...

Irina fondit en larmes en pensant à la révélation qu’elle s’apprêtait à lui faire. Elle espérait, que celle-ci le réveille et lui ouvre les yeux.

— Tu as dit qu’il marchait mieux ? Pourquoi, mieux. Il a tenté de faire une connerie ?

— Non, Alekseï.... Le mardi 3 décembre, deux hommes l’ont enlevé, séquestré et passé à tabac... Il a eu huit côtes cassées, il a eu de la chance de ne pas perdre un poumon, une grosse blessure à la tête et un bras et une jambe de fracturer ! Son visage et son corps n’étaient plus qu’un énorme hématome ! Tu piges ??

Mais le pire...

Elle marqua une pause, car ses sanglots étranglés l’empêchaient de parler.

Le pire Alekseï, c’est qu’ils ont violé Sacha.

Alekseï se retint de crier en plaquant son avant-bras sur sa bouche.

Brusquement, il s’est levé et il s’est rué sur la poubelle pour y vomir. Ensuite, il s’est essuyé la bouche et il s’est dirigé sur moi. Il titubait comme s’il était soûl. Ne sachant pas ce qu’il allait me faire, j’ai reculé.

Au moment où j’ai buté contre le mur, j’ai fermé les yeux. Il était impressionnant par sa carrure et son regard noir. Il plaqua ses mains sur le mur, de chaque côté de ma tête et posa son front sur mon épaule.

— Je suis désolé pour mon … Elle m’avait dit qu’elle ne lui ferait rien si je restais en Bulgarie et que je faisais mon devoir. Comment a-t-elle pu payer des gens pour lui faire de telles monstruosités ?

Il faut absolument lui dire de ne pas y aller, il faut qu’il m’oublie. Elle pourrait demander à un de ses gorilles se débarrasser de lui une bonne fois pour toutes. Je rentre aussi demain matin, je vais essayer de prendre les choses en main !

— Tu crois que je vais réussir à l’en empêcher ? Tu délires, mon pauvre Alekseï ! Et toi, pourquoi tu n’es jamais revenu et pourquoi, tu ne m’as donné aucune nouvelle ?

Alekseï entendit du bruit derrière la porte des toilettes.

— Je n’ai pas le temps de t’expliquer Irina ! Fais-moi confiance, on se revoit bientôt ! Attends quelques minutes avant de sortir !

— Tu as un autre message à lui faire passer ?, lui ai-je demandé avant qu’il ne quitte les toilettes. Il s’est tourné vers moi et sans prendre la peine de me répondre, il est sorti.

Lorsque je suis sortie à mon tour, il avait disparu. Je me suis dépêché de monter dans l’ascenseur et je suis descendu au garage souterrain reprendre ma voiture.

J’ai aussitôt appelé Sally.

— Allô chérie ! J’ai réussi à avoir une rapide conversation avec lui aux toilettes. Tu es avec Sacha, là ?

— Oui, on est en route pour l’aéroport.

— Mets le haut-parleur, il faut que Sacha m’entende !

Sally ma chérie, on se rejoint tous les trois à la porte d’embarquement ! Je t’avais pris un billet pour te faire une surprise, mais je suis obligé de te le dire, car je vais sûrement arriver pile-poil. C’est Sacha qui l’a, enregistrez-vous.

Ne t’inquiète pas, j’ai fait notre valise avec nos affaires à toutes les deux. Tu vas être aux anges, je t’ai acheté une nouvelle garde-robe.

Sacha, mon petit cœur. J’ai vu Alekseï aujourd’hui et j’ai pu lui parler. Je te raconterai dans l’avion. Il rentre en Bulgarie demain matin, on fera tout pour le choper !

J’me magne !

***

J’étais content d’apprendre que mon Prince était toujours vivant. Je trépignais d’envie de le revoir.